La CIA a publié un rapport sur les origines du Covid-19. L’agence américaine estime que le virus résulterait «probablement» d’une fuite d’un laboratoire chinois. Si de son côté Pékin réfute l’hypothèse, le monde scientifique estime que les éléments manquent pour tirer une telle conclusion.
Il est «probable» que la Chine ait fait fuiter le virus du Covid-19, selon la CIA, qui tire cette conclusion dans une note publiée le samedi 25 janvier. D’après l’agence de renseignements américaine, celui-ci n’aurait donc pas été transmis à l’être humain via des animaux présents dans un marché de Wuhan (est de la Chine). Pour Pékin, en revanche, cette possibilité de fuite d’un de ses laboratoires est «extrêmement improbable». Au sein de la communauté scientifique, on estime qu’aucune preuve ne peut réfuter ou prouver l’une ou l’autre hypothèse. Pourtant, celle de la fuite d’un laboratoire «relève davantage de la spéculation géopolitique que de la science», selon Steven Van Gucht, directeur scientifique de Sciensano.
«Aucun élément ne favorise cette hypothèse»
«A moins que la CIA ait accès à de nouvelles données étant de nature à réellement changer la donne sur cette question, il n’y a, à ma connaissance, actuellement aucun élément confirmé venant favoriser l’hypothèse selon laquelle le SARS-CoV-2 aurait fuité d’un laboratoire chinois», précise Simon Dellicour, chercheur qualifié FNRS et directeur du laboratoire d’épidémiologie spatiale à l’ULB.
Il reste énormément de zones d’ombre sur l’origine de ce virus. Aucune hypothèse, y compris celle émise par la CIA, ne peut être aujourd’hui formellement écartée. Cependant, jusqu’ici, les éléments et données accessibles à la communauté scientifique concordent avec l’hypothèse d’une origine naturelle. C’est-à-dire une transmission du virus depuis son réservoir animal, les chauves-souris «fer à cheval», vers l’humain, sans doute par l’intermédiaire d’un autre animal.
Pour Steven Van Gucht, la fuite, accidentelle ou intentionnelle, d’un laboratoire de Wuhan est purement spéculative. «Les experts qui ont examiné cette question ont systématiquement réfuté les arguments avancés. A ce jour, aucune preuve ni aucun élément concret n’appuie cette hypothèse», ajoute-t-il.
Plusieurs indices pointent le marché de Wuhan
Les différentes études ont notamment révélé trois éléments en adéquation avec l’hypothèse d’une origine naturelle, liée au marché de Wuhan.
Tout d’abord, l’analyse de la distribution des premières personnes affectées par le Covid-19 pointe ce marché comme l’épicentre de l’émergence du virus.
Ensuite, grâce à l’analyse du génome du virus lors des premiers cas d’infection, une étude a montré qu’il y avait au moins deux événements de spillover distincts. Un spillover désigne un transfert au cours duquel un pathogène passe d’une espèce à une autre. Dans ce cas-ci, d’une espèce animale à l’espèce humaine. Selon Simon Dellicour, il serait dès lors moins probable que les deux premières personnes infectées l’aient été à un autre endroit pour ensuite toutes deux initier une chaîne de transmission distincte au marché ou dans ses alentours.
Le troisième élément a été apporté par une étude datant du 19 septembre 2024. Elle permet d’identifier certains animaux sauvages, vendus sur le marché de Wuhan, comme des hôtes intermédiaires potentiels entre la chauve-souris et l’humain. L’ADN de ces animaux a en effet été identifié sur des étals. Ils se sont également révélés positifs au SARS-CoV-2, ainsi qu’à d’autres virus pouvant infecter ces animaux. Des données qui viennent renforcer l’hypothèse d’une transmission aux humains par des animaux infectés et introduits sur le marché de Wuhan.