Emmener son bébé chez l’ostéopathe est devenu tendance. De nombreux bienfaits sont promis, mais, faute de preuves scientifiques, est-ce vraiment nécessaire? L’Académie de médecine en France alerte sur les dérives de certaines pratiques.
Une pratique tendance. Sur les réseaux sociaux, les vidéos de nouveau-nés pliés dans tous les sens par un professionnel jusqu’à ce qu’ils lâchent des gaz sont légion. A la naissance de l’enfant, le passage chez l’ostéopathe semble devenu une coutume. Il faut dire que l’ostéopathie pour bébé promet de régler moult troubles qui surviennent dès les premiers jours de vie: pleurs excessifs, problèmes digestif, pathologies ORL, troubles de l’allaitement et de succion, asymétrie corporelle…
Dans un récent communiqué, l’Académie nationale de médecine française met en garde contre certaines pratiques viscérales et crâniennes, qui posent des problème de sécurité pour l’enfant, alors même que l’efficacité de l’ostéopathie n’est pas scientifiquement fondée. L’Académie dénonce surtout la publicité qui est faite dans les maternités de l’Hexagone. «C’est à se demander si les parents sont bons s’ils n’amènent pas leur enfant chez l’ostéopathe», lance Jean-Michel Hascoet, professeur en pédiatrie et néonatologie au CHU de Nancy. «Il y a une sorte de pression psychologique sur les parents. Pour une séance entre 50 et 70 euros alors même que les études ne démontrent pas l’efficacité de la pratique, c’est cher payé».
Des dérives
Le problème, ce sont les pratiques et les dérives de certains praticiens, regrette surtout l’Académie de médecine. «Certains mobilisent les os du crâne en cas de problèmes respiratoires, c’est contre-indiqué», critique le pédiatre.
Le constat est partagé au sein même de la profession, où les «manipulations avec force et vitesse» ne sont pas censées être pratiquées sur un nourrisson. «Il existe des manipulations plus douces et tissulaires pour le système digestif et la colonne vertébrale», rassure Julien Bosc, ostéopathe et directeur d’Ostéopathie.be (Union professionnelle des ostéopathes de Belgique). «Il n’y a pas de danger avec un ostéopathe qui a la spécialisation pédiatrie. Les techniques utilisées ne sont pas les mêmes que pour les adultes », renchérit Coraline Knockaert, ostéopathe en région bruxelloise.
Mais alors consulter un ostéopathe pour un nouveau-né, c’est nécessaire? «Ce n’est pas un passage obligatoire, mais c’est une pratique qui a augmenté, souligne Julien Bosc. De plus en plus de parents viennent chez les ostéopathes pour un check-up, ça permet de faire un bilan global. Mais ce n’est pas quelque chose qui est encouragé.»
«Un ostéopathe n’est pas habilité à poser un diagnostic, je ne vois pas quel bilan il peut faire», raille cependant Jean-Michel Hascoet, qui accuse «une mode» par manque de disponibilité des professionnels de santé. «Le nouveau-né est celui qui en a le moins besoin».
L’ostéopathie, une aide dans certains cas
Pour rappel, l’ostéopathie est une pratique manuelle corporelle globale qui estime que toutes les parties du corps sont liées entre elles. Elle se veut curative et préventive. En France, comme en Belgique, elle n’est pas reconnue comme une médecine conventionnelle, ce pourquoi les seuls ostéopathes ne sont pas considérés comme des professionnels de santé.
Même lorsque le nourrisson va bien, «les pressions exercées lors des contractions ou le fait que le bébé reste souvent dans la même position dans l’utérus, peuvent entraîner des tensions qu’il faut libérer», recommande Coraline Knockaert.
«Il y a souvent un motif derrière une consultation», assure toutefois Julien Bosc. L’ostéopathie peut être efficace pour prévenir et soigner torticolis, allaitement problématique, colique, reflux, pleurs incessants, sommeil difficile, plagiocéphalie (syndrome de la tête plate), etc. Autant de problèmes courants chez les bébés.
La médecine traditionnelle estime que la plupart de ces problèmes sont normaux et finissent par disparaître naturellement. «En cas de torticolis ou autres problèmes orthopédiques, un praticien qui a la bonne formation, c’est très bien. Mais un bébé pleure, a des coliques, des rythmes de sommeil plus courts que les adultes… Ça ne nécessite pas spécialement une prise en charge, il faut de la patience», affirme Jean-Michel Hascoet. Selon le pédiatre, se rendre en premier lieu chez un ostéopathe peut même retarder un diagnostic de pathologies plus graves, comme les méningites par exemple.
Une pratique complémentaire
L’ostéopathie est un bon apport complémentaire au système de soin traditionnel, argumente Julien Bosc. «Les temps d’hospitalisation diminuent en néo natalité lorsqu’il y a intervention ostéopathique». En Belgique, il existe une bonne synergie entre les ostéopathes, les pédiatres, les sage-femmes et les kinés. «Certains patients consultent après une demande de pédiatres, en cas de problème de succion ou d’asymétrie par exemple, et les ostéopathes savent rediriger lorsque la situation n’évolue pas bien».
Ostéopathie.be et l’Académie de médecine française insistent donc sur la nécessité de réglementer la profession pour éviter les dérives.