En Belgique, un peu plus de la moitié des emballages en plastique sont recyclés. Bien moins que le verre, les métaux ou les papiers/cartons. Il y aurait pourtant moyen de faire mieux, tant pour les déchets ménagers que les emballages industriels. Explications.
C’est un constat dressé par les acteurs ou les spécialistes du recyclage, quasi unanimement: comparativement à ses voisins européens, la Belgique n’a pas à rougir de ses résultats dans le domaine. Elle fait figure de bon élève. Mais on peut toujours faire mieux, ce qui est assurément le cas à propos des emballages en plastique.
En 2022, l’année la plus récente pour laquelle l’ensemble des données est connu, quelque 80% des déchets d’emballage ont fait l’objet d’un recyclage en Belgique, selon les données de Statbel. Cela concerne les déchets ménagers (comptabilisés par Fost Plus), les déchets industriels (comptabilisés par Valipac) et ceux qui sont gérés par des intervenants gérant eux-mêmes leurs déchets, sans passer par un de ces deux organismes.
Avec 765.000 tonnes d’emballages produits durant cette année, les papiers/cartons sont de loin les plus conséquents. Eux font l’objet d’un taux de recyclage de l’ordre de 86%. D’autres matériaux atteignent des taux supérieurs, comme les métaux (96%) et le verre (98%). Il peut arriver, pour le verre en particulier, que le taux dépasse 100%, en raison de l’importation de déchets de l’étranger, qui ne sont donc pas mis sur le marché mais néanmoins recyclés en Belgique. «C’est typiquement le cas des bouteilles de vin que vous ramenez de l’étranger. Le verre étant particulièrement lourd, il est vrai que cela peut gonfler artificiellement les taux de recyclage, qui sont intéressants mais doivent être pris pour ce qu’ils sont», recadre Renaud De Bruyn, spécialiste des déchets au sein de l’ASBL Ecoconso.
Quid du plastique? Son taux de recyclage a sensiblement augmenté au cours des deux dernières décennies, mais se situait à 54% en 2022.Pour les seuls déchets ménagers, selon les données de Fost Plus, 68% des emballages plastiques étaient recyclés en 2023. Et au cours de la même année, les chiffres de Valipac, organisme homologue pour les emballages industriels, font état d’un taux de 64,7% en 2023 également, concernant les emballages produits par ses membres. Les chiffres s’améliorent, incontestablement, mais pourraient en réalité être meilleurs encore.
A vrai dire, il n’existe pas de grand frein technologique, qui empêcherait d’envoyer les plastiques dans une filière de recyclage, pour la majeure partie de la production. «Pour les déchets ménagers, 1,24% des emballages sur le marché belge ne sont pas encore recyclables», détaille Valérie Bruyninckx, chez Fost Plus. Il s’agit par exemple d’emballages colorés avec du noir de carbone, indétectables par les machines de tri. «Mais les producteurs évoluent, raison pour laquelle on trouve de plus en plus d’emballages grisâtres.»
«Une série de déchets plastiques, en général, n’ont pas encore de filière de recyclage: des bibelots, par exemple, ou les vêtements», poursuit Renaud De Bruyn. Concernant les emballages à proprement parler, un autre problème, ce sont les emballages mixtes (associant plusieurs matières) ou encore difficile à trier. «C’est l’exemple habituel du Capri-Sun, qui va changer d’ailleurs, pour lequel la couche de plastique est trop collée aux autres. Certains paquets de jambons sont faits d’un assemblage de papier et de plastique, si bien qu’on ne sait pas très bien où les jeter. Ce sont des perturbateurs dans la filière.» Ces exemples restent marginaux, cependant.
Concernant les emballages industriels, la problématique des matériaux difficilement recyclables ne se pose pratiquement pas, «puisque ce ne sont pas des emballages complexes. Sur 100.000 tonnes d’emballages en plastique, on retrouve environ 80.000 tonnes de films et housses (de palettisation, typiquement), majoritairement en polyéthylène. A côté de cela, on retrouve des liens de cerclages en polypropylène ou en PET, des fûts ou des seaux en HDPE, ou encore du polystyrène (la frigolite). Ces matériaux sont recyclables», explique Ingrid Bouchez, responsable de la communication chez Valipac.
Dans l’industrie, pour le formuler très simplement, les taux pourraient être meilleurs si les plastiques étaient davantage triés. Les entreprises générant de grandes quantités d’emballage les trient, en général, parce que ne pas le faire engendrait des coûts, prendrait beaucoup de place dans les conteneurs ou ne leur permettrait pas de bénéficier de la valeur marchande de ces déchets.
Ce plastique qui n’est jamais trié
La difficulté réside plutôt parmi les entreprises générant de plus petites quantités, pour lesquelles les petits ruisseaux font de grandes rivières. «Si vous produisez une petite quantité de film plastique par semaine, c’est souvent plus simple de la placer dans les déchets résiduels que d’organiser un tri sélectif», résume Ingrid Bouchez. L’accumulation de ces habitudes ou des contraintes liées au tri explique le taux de recyclage relativement bas du plastique.
Valipac prend donc son bâton de pèlerin, sensibilise, cherche à faire évoluer les comportements. Une série d’incitants sont mis en place, aussi. A partir du 1er janvier 2025, ainsi, un nouveau système de primes et de bonus «one shot» est instauré au bénéfice des entreprises qui se lancent dans le tri des emballages.
Si vous produisez une petite quantité de film plastique par semaine, c’est souvent plus simple de la placer dans les déchets résiduels.
D’évolution des comportements, il en est également question dans le domaine des déchets ménagers, assurément. «Le recyclage des papiers/cartons et du verre existe depuis plus longtemps, la technologie est très avancée. Mais il faut rappeler que pour les plastiques, le message a fortement changé en 2021, avec l’arrivée des nouveaux sacs bleus PMC», explique Valérie Bruyninckx. «Auparavant, le P de PMC, c’était les bouteilles et les flacons, puis sont arrivés de nombreux autres emballages».
Sur les seize matériaux recueillis dans les sacs bleus, on compte neuf types de plastiques, ce qui donne une idée de la diversité qui prévaut. Il n’y a pas de «plastique», mais «une grande famille» de matériaux que l’on place sous cette appellation, en réalité. Les bonnes pratiques de tri ne sont par conséquent pas encore pleinement intégrées par une bonne partie de la population. Il faudra encore un peu de temps, sans doute. «On a répété aux gens pendant 25 ans qu’on ne mettait pas de pots de yaourts ni de raviers dans les sacs bleus. On n’efface pas ça du jour au lendemain», illustre Renaud De Bruyn.
On a répété aux gens pendant 25 ans qu’on ne mettait pas de pots de yaourts ni de raviers dans les sacs bleus.
Le plastique qui n’est pas recyclé est aussi celui qui n’est pas trié, qui n’atterrit pas dans le sac PMC, en résumé. Une partie est placée dans la fraction résiduelle, une autre fait l’objet de dépôts sauvages. «Ce qui n’est pas collecté, on ne peut pas le recycler», résume-t-on chez Fost Plus.
Le recyclage n’est pas la panacée
La disparition de plastiques non recyclables, mais surtout la mise en place progressive d’un tri beaucoup plus fin devraient sans doute permettre d’atteindre de meilleurs taux. Mais en bout de course, comme le rappelle Renaud De Bruyn, il convient de garder à l’esprit que le recyclage n’est en aucun cas la panacée.
Certains emballages plastiques à usage unique ont été remplacés par d’autres, comme les sacs en papier pour les fruits et légumes dans les supermarchés. Surtout, le recyclage occasionne de la consommation d’énergie et des pertes. «Après une dizaine de cycles de recyclage, grosso modo, vous avez perdu environ la moitié de la matière de base. C’est valable pour le plastique, comme pour le verre et le métal d’ailleurs.»
Recyclés, les différents types de plastique donnent rarement un matériau de qualité similaire, au demeurant. «Avec les bouteilles en PET, on peut refaire des bouteilles en PET. Mais ce n’est pas le cas pour bien d’autres plastiques.» Les HDPE des flacons de lait ou de gel douche permettent de fabriquer des tuyaux et autres bidons, tandis que le polystyrène se transforme en divers ustensiles en plastiques, pas forcément pour l’emballage alimentaire. La circularité, souvent, se mord rapidement la queue et atteint ses limites.
Le meilleur déchet est celui qui n’existe pas, dit-on souvent. «Oui, c’est une formule éculée, mais elle reste d’actualité», insiste Renaud De Bruyn.