Depuis 2024, les détenteurs de panneaux photovoltaïques ont tout intérêt à maximiser l’autoconsommation de leur production. D’où la nécessité d’envisager, quand c’est possible, d’autres options que l’orientation plein sud.
Il y a quelques années encore, tout était simple: plus un prosumer produisait de l’électricité, plus il gagnait des certificats verts et plus il accélérait le retour sur investissement de ses panneaux photovoltaïques. Entre-temps, la donne a changé. Ce régime de soutien a disparu – hormis à Bruxelles – en 2018 et depuis 2024, les nouvelles installations ne bénéficient plus du compteur qui tourne à l’envers, ce mécanisme qui permet aux particuliers, jusqu’en 2030, de soustraire l’électricité produite de leur consommation, indépendamment du moment où le soleil brille.
Même sans ces dispositions, les panneaux solaires restent bel et bien rentables en 2024, comme le prouvent les simulations proposées par les installateurs certifiés. Et les compteurs communicants, tant décriés au départ mais obligatoires pour toute nouvelle installation, s’avèrent particulièrement utiles pour connaître ses habitudes de consommation. Car désormais, le but est bien de maximiser l’autoconsommation, c’est-à-dire d’utiliser directement l’électricité produite par ses panneaux, plutôt que de l’injecter dans le réseau. Pour son utilisation, chaque nouveau prosumer doit en effet payer un tarif correspondant à l’électricité qu’il prélève de manière nette. Ainsi, un ménage qui ne consomme rien de ce qu’il produit se verra facturé de l’intégralité de l’électricité prélevée sur le réseau, notamment lors des pics de consommation du matin ou du soir. Inversement, celui qui parvient à un niveau d’autoconsommation de 40% ne paiera que pour les 60% restants.
Dans certains cas, il peut de ce fait s’avérer tentant de placer une batterie domestique, pour stocker l’électricité produite et la restituer au moment le plus opportun au cours de la journée. Mais cette solution est rarement rentable, vu le coût de l’investissement initial. «On a beau retourner la question dans tous les sens, l’ajout d’une batterie domestique n’est pas rentable, indique Benjamin Wilkin, directeur de l’asbl Energie commune. Même quand elle fait partie d’un package complet, elle diminue la rentabilité initiale.» Selon la configuration de leur maison, des milliers de particuliers se voient dès lors confrontés à un dilemme: doivent-ils privilégier l’installation de panneaux plein sud, ou les placer sur des pans plutôt orientés vers l’est ou l’ouest?
«Dans certains cas, il est devenu plus judicieux, aujourd’hui, de lisser la production photovoltaïque sur la journée.»
Auparavant, l’orientation «plein sud», la plus optimale en matière d’ensoleillement, gagnait à tous les coups: c’est en effet celle qui permet de produire un maximum d’électricité. Le désavantage, en revanche, c’est qu’elle fournit un pic de production au moment de la journée – entre 11 et 15 heures – où bon nombre de particuliers sont absents. A moins de disposer d’une batterie ou d’onéreuses solutions domotiques permettant de maximiser l’autoconsommation, cette orientation n’est plus toujours financièrement optimale. «Aujourd’hui, il faut parfois la jouer plus tactique, expose Fabrice Zimmermans, gérant de la société Watt4U. En plaçant des panneaux au sud-est, par exemple, on perd peut-être 200 à 300 watts de production journalière globale par rapport à une orientation plein sud, mais on peut déjà bénéficier d’une production matinale qui n’est pas négligeable. Dans certains cas, il est devenu plus judicieux, aujourd’hui, de lisser la production photovoltaïque sur la journée. Nous proposons donc plusieurs scénarios, en fonction des habitudes de consommation.»
Les orientations vers l’est ou l’ouest présentent aussi deux autres avantages. Le premier concerne l’onduleur lié à l’installation. «Comme la production ne montera pas à pleine puissance, le prosumer peut opter pour un onduleur plus petit, et donc moins onéreux, commente Benjamin Wilkin. Là où des panneaux solaires d’une puissance de six kilowatts-crête et orientés plein sud justifieraient le placement d’un onduleur de cinq kilowatts (kW), une installation est-ouest peut limiter le besoin à trois kW. Cela représente une économie à l’achat d’environ 600 euros, soit 300 euros par kW.» Sachant qu’un onduleur a une durée de vie de dix à 15 ans et des panneaux photovoltaïques de 20 à 25 ans, l’économie est même doublée sur l’ensemble de la période.
Le deuxième avantage est collectif. Ces orientations alternatives peuvent contribuer à minimiser le risque de surtension sur le réseau, et donc de décrochage d’onduleur. «En lissant la charge sur la journée, on diminue le risque de pic aux heures de pointe, ce qui peut avoir un effet plus positif sur les congestions du réseau que si toutes les habitations produisent un maximum en même temps sans autoconsommer», confirme un gestionnaire. Toutefois, «dans les faits, la majorité des maisons dans une rue possèdent le même alignement, ce qui veut dire que l’ensoleillement est identique pour toutes les maisons d’un même circuit.»
A terme, les installations offrant une production plus lissée sur la journée pourraient davantage se prêter, en été, aux futurs tarifs dynamiques, des contrats d’électricité dont le prix pourra varier jusqu’au quart d’heure près, en fonction de l’offre et de la demande. Si un ménage parvient à minimiser sa consommation en provenance du réseau en matinée ou en soirée, il économisera d’autant plus d’argent sur sa facture. «L’électricité produite a la valeur de ce que l’on n’achète pas», résume Benjamin Wilkin. Sous certaines conditions, il y a effectivement moyen que le café accompagnant le spéculoos du matin ou que la cuisson de début de soirée soient 100% solaires, ou presque.
«On n’est plus du tout dans une logique de production maximale, mais bien d’autoconsommation.»
Il serait toutefois hasardeux de se lancer tête baissée dans une formule dynamique, lorsqu’elle verra le jour en Wallonie. Même avec des panneaux solaires, «le gain par rapport à une tarification fixe reste à démontrer, commente Anne-Elisabeth Sprimont, porte parole de la Commission wallonne pour l’énergie (Cwape). Il nous manque une bonne année de recul d’application de prix dynamiques avant de pouvoir tirer des conclusions. Car le niveau des prix sur le marché spot dépend certes de la production photovoltaïque, mais aussi d’autres éléments, avec des impacts locaux, pour la fixation des prix. .» En Flandre, de telles formules existent déjà, grâce à la combinaison de ces deux conditions qui y sont déjà remplies: l’installation massive de compteurs communicants et le rapatriement systématique de leurs informations, quart d’heure par quart d’heure. Ainsi, le simulateur «V-test» de la Vreg, l’organisme flamand de régulation du marché du gaz et de l’électricité, peut estimer si la piste d’un tarif dynamique s’avère intéressante ou non, grâce aux données transmises par Fluvius, le gestionnaire de réseau de distribution (GRD) du nord du pays.
En Wallonie, ce n’est pas pour tout de suite, puisque les GRD doivent encore doter des millions de ménages d’un compteur communicant. Toutefois, les futurs prosumers peuvent s’y préparer. De manière générale, «on n’est plus du tout dans une logique de production maximale, mais bien d’autoconsommation, résume Benjamin Wilkin. Produire beaucoup à midi ne sert plus à grand-chose.» Il est donc avisé d’envisager l’option d’une orientation est-ouest, si elle se prête au bâtiment concerné.