L’info est passée sous le radar des grands médias. Pourtant, elle a secoué la planète de l’influence et du sexe grand public. Polska, 24 ans, influenceuse ascendant nerveuse, répartie cinglante, créature répondant aux critères esthétiques de l’époque (seins, fesses, bouches démesurés), «arrête de faire la pute» (sic). Traduction: elle cesse de monétiser son corps sur OnlyFans. Une plateforme dont les contenus érotiques et pornographiques sont produits et diffusés – contre rémunération, à la prestation ou sous forme d’abonnement – par des personnes qui ne s’identifient pas comme des TDS, des travailleurs du sexe. Vous, moi, votre voisine, la fille qui passe à la télé, votre coach sportif…
Parmi les motivations de Polska: échapper au harcèlement banalisé et se sentir plus propre le matin.
La démocratisation de ces supports virtuels capables de réduire à néant ce qu’il reste de distinction entre intimité et exposition sur les réseaux, argent utile et argent facile, inquiète. Mais voilà que les défections s’annoncent.
« Mon manager me mettait beaucoup la pression pour que j’aille sur OnlyFans »
D’abord celles des anonymes qui auraient été prêts à quitter leur CDI pour avoir le temps de tripoter leur frifri face caméra mais qui ont compris qu’à moins de se lancer dans l’ultratrash ou de disposer de particularités physiques hors du commun (le porno est aussi un freak show), ils ne feraient pas manger leurs gosses avec ça.
Puis Polska, donc. Inconnue de ceux qui ont échappé à quelques clashs et «coups de buzz» orchestrés par elle et ses copines (dénudées lors d’une manifestation contre la réforme des retraites en France, elle scandait, avec sa pote Tootatis: «Les formes pour la réforme»). Polska qui déclarait à Konbini: «Mon manager me mettait beaucoup la pression pour que j’aille sur OnlyFans. Il me disait “tu montres déjà ton cul sur Internet, autant le monétiser”. Au début, j’aimais bien, l’argent rentrait.»
C’est ainsi qu’une jeune femme – certes disposant d’une audience conséquente au préalable – vit des sommes de 15 000 à 40 000 euros garnir mensuellement son compte en banque. Conséquence: des insultes. Partout, tout le temps. Les «ta sœur la pute» qu’essuie sa cadette. Et la prise de conscience que rien ne s’efface d’Internet. «Personne ne m’a prévenue des conséquences, ça n’est écrit nulle part. De base, c’est interdit de faire fuiter les photos, mais elles sont quand même diffusées partout. On me disait “quand tu auras des enfants, tu vas le regretter”. Kim Kardashian a montré son cul toute sa vie et ses enfants sont très heureux… Mais finalement, je regrette déjà.»
Pourquoi Polska arrête OnlyFans
Ses motivations, louables lorsqu’on sait qu’il est difficile de renoncer à un train de vie facile: être en adéquation avec elle-même ; ne plus supporter de lire «t’es trop bonne, j’ai envie de te baiser» des dizaines, des centaines de fois par jour, et devoir remercier en retour ; échapper à une forme de harcèlement banalisé, car encore considéré comme étant «le prix à payer» ; gagner moins et se sentir plus propre le matin.
Alors que son physique et son phrasé induisent – à tort – qu’un cerveau de moineau occupe son crâne bien fait, elle explose à sa manière, avec courage et intelligence, et refuse de rester l’une des égéries de cette dérive. Elle devient ainsi un modèle pour les gamines qui hésitent à se lancer et porte la bonne parole des repenties assumées.
Juliette Debruxelles est éditorialiste et raconteuse d’histoires du temps présent.