Une boisson chaude, avalée à plus de 60°C, augmente le risque de développer un cancer de l’œsophage ou du larynx.
Certains l’aiment chaud. Mais attention: boire son thé ou d’autres boissons à trop haute température est cancérigène.
En 2016, le Centre international de recherche sur le cancer (CICR) classait les boissons très chaudes comme substances cancérigènes probables. «C’est surtout la température, plutôt que les boissons elles-mêmes, qui semble être en cause», notifiait l’étude publiée dans Lancet Oncology. Une boisson très chaude a une température d’au moins 65°C, selon l’OMS.
En 2019, une autre étude du Dr Farhad Islami, publiée dans le bimensuel américain International Journal of Cancer estimait qu’il ne faut pas boire de thé à une température supérieure à 60 degrés Celsius. La consommation quotidienne de 700 millilitres de thé à plus de 60°C augmente le risque de développer un cancer de l’œsophage de 90 %. Le médecin iranien, en collaboration avec des chercheurs de l’université de Cambridge, a analysé plus de 50.000 personnes âgées de 40 à 75 ans dans le nord-est de l’Iran, pays où le thé est traditionnellement servi très chaud. Mais cela vaut aussi pour les autres boissons chaudes.
Brûlure des muqueuses
Une boisson bue à plus de 65°C augmente le risque de cancer de l’œsophage et du larynx, confirme Jérôme Lechien, professeur d’ORL et de chirurgie cervico-faciale à l’UMons. L’arrière du larynx et la partie haute de l’œsophage sont particulièrement touchés lors de la déglutition. La bouche pourrait être impliquée également, avance le spécialiste. «Plus la boisson descend dans notre système digestif, plus la chaleur s’estompe. Plus on est proche de la bouche, au plus les risques sont présents».
Comment l’expliquer? Le liquide chaud brûle et détruit les muqueuses (les cellules qui font barrière entre l’intérieur du corps et l’extérieur) de l’œsophage. Pour se régénérer, les tissus endommagés vont se multiplier, ce qui favorise les mutations de l’ADN, à l’origine des cancers, développe Jérôme Lechien.
Un autre mécanisme pourrait entrer en jeu: le microbiome, poursuit le professeur. «Les bonnes bactéries, qui interviennent dans la réparation des tissus blessés, seraient détruites par la chaleur. C’est une hypothèse, mais la médecine ne maîtrise pas encore l’analyse du microbiome».
Ce n’est pas l’apanage des liquides, mais «il est plus difficile d’ingérer un solide chaud», indique Marc Van den Eynde, professeur d’oncologie digestive aux cliniques universitaires Saint-Luc.
C’est surtout du thé qu’il faut se méfier
«Anecdotique en Europe»
Pas de panique toutefois, la plupart des consommateurs ne boivent pas aussi chaud. Les chercheurs du CICR se sont concentrés sur des pays où thé et café sont bus très chauds, comme la Chine, l’Iran, la Turquie et l’Amérique latine – amatrice de maté. Des régions où les taux de cancers de l’œsophage sont parmi les plus élevés. Cette maladie est la huitième cause la plus fréquente de cancer dans le monde, entraînant 400.000 décès par an environ.
«Cela a aussi été observé dans les pays anglo-saxon comme le Royaume-Uni ou la Nouvelle-Zélande, qui sont des habitués de thé chaud», poursuit Jérôme Lechien. «C’est surtout du thé qu’il faut se méfier, car le café n’est pas servi aussi chaud». Le café n’est d’ailleurs plus considéré comme «probablement cancérogène» par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis 2016.
De manière générale en Europe, boire très chaud ne fait pas partie des habitudes alimentaires. «L’effet causal boisson chaude sur ce type de cancer est anecdotique», précise Marc Van den Eynde. «Il faut une agression thermique répétée pendant des années pour qu’il y ait une incidence». Le tabac, l’alcool, et le reflux gastrique sont par contre des facteurs bien plus courants qui augmentent le risque de cancer de l’œsophage.
De son côté, le docteur Islami suggère de laisser refroidir le thé avant de le boire, ou éventuellement de rajouter du lait froid pour réduire les risques. Certains devraient donc l’aimer un peu moins chaud.