Partout aux Etats-Unis, on ne parle que de lui : l’Iowa, Etat du Midwest américain, abrite le premier caucus républicain. « Il ouvre le bal » des primaires et a cette particularité d’être le premier à révéler la différence entre sondages et réalité des urnes. « Après l’Iowa, plusieurs candidats jettent l’éponge », analyse le spécialiste des Etats-Unis Serge Jaumain (ULB).
Dans l’Iowa, il y a beaucoup à perdre, peu à gagner. D’abord parce que Donald Trump est un vainqueur certain de ce premier caucus républicain. Ensuite parce que, coïncidence, le petit Etat américain est frappé par une tempête polaire historique (jusqu’à -35°C sont annoncés), qui risque de rebuter bon nombre de militants.
Le rendez-vous, sur toutes les lèvres en Amérique, donnera surtout le ton aux principaux concurrents de Trump (Ron De Santis et Nikki Haley) : à quel point seront-ils éloignés du candidat pourtant empêtré dans plusieurs affaires judiciaires ? Déblayage des enjeux avec Serge Jaumain, historien et spécialiste des Etats-Unis (ULB).
1. Pourquoi les primaires républicaines font-elles autant parler cette année ?
Serge Jaumain: « On parle plus que jamais des primaires à cause de la personnalité de Trump. Un candidat n’a jamais été aussi clivant, aussi présent dans les médias pour d’autres éléments que l’élection proprement dite. Les différentes affaires judiciaires le propulsent à la Une des médias quasi toutes les semaines.
Un autre élément réside dans la stratégie de communication de Donald Trump, bête médiatique qui sait utiliser les formules nécessaires pour occuper sans cesse le devant de la scène. Il joue un rôle essentiel dans la diffusion des informations liées aux élections. Il a d’ailleurs compris que la participation aux débats n’a pas beaucoup de sens pour lui, à partir du moment où tous les médias sont à ses pieds. Ses concurrents ne font jamais le poids en termes d’audiences.
Troisième élément : on n’a jamais vu un candidat, à ce stade de l’élection, avec une avance aussi importante. Il domine la course à l’investiture républicaine d’une manière inouïe à ce jour.«
2. Pourquoi l’Etat de l’Iowa, en particulier, est au centre de l’attention ?
Serge Jaumain: « Car il s’agit du premier Etat dans lequel a lieu une primaire. Ici, ce n’est pas une « primaire » à proprement parler, il s’agit en réalité d’un caucus, une formule un peu différente. On parle beaucoup de l’Iowa car c’est la première fois que les électeurs républicains se prononcent clairement au-delà des sondages. L’Iowa ouvre le bal. Il nous permet de voir s’il y a une différence entre les sondages et la réalité des urnes.
L’Iowa ouvre le bal. Il nous permet de voir s’il y a une différence entre les sondages et la réalité des urnes.
Serge Jaumain (ULB)
Au cours des prochaines semaines, on verra différents Etats organiser, eux aussi, un caucus ou une primaire. Le 5 mars est une date à cocher : 14 Etats organiseront le même jour une élection primaire. »
3. L’Iowa peut-il réserver des surprises?
Serge Jaumain: « En 2016, Donald Trump est arrivée en deuxième position dans l’Iowa. Donc, le fait d’y gagner dit rien sur l’identité du futur président. En réalité, chaque Etat a un certain nombre de sièges, de délégués qu’il envoie à la convention républicaine. L’Iowa va en envoyer 20, ce qui est moins d’1% de l’ensemble des délégués.
Historiquement, après l’Iowa, plusieurs candidats jettent l’éponge. Car ils se rendent compte qu’ils n’ont aucune chance. Ce n’est pas purement éliminatoire, mais cela permet à chacun de tester sa popularité.
Serge Jaumain (ULB)
Si les résultats de cet Etat ne disent pas grand-chose de l’élection, elle représente toutefois un premier test qui permet de trier les candidats. Ainsi, on sera moins intéressé par qui gagne, que par les résultats des différents candidats, hors Trump. Historiquement, après l’Iowa, plusieurs candidats jettent l’éponge. Car ils se rendent compte qu’ils n’ont aucune chance. Ce n’est pas purement éliminatoire, mais cela permet à chacun de tester sa popularité. »
4. Comment différencier un caucus d’une élection primaire classique?
Serge Jaumain: « Le caucus est une très ancienne forme de démocratie participative. Plutôt que de laisser les électeurs se rendre dans un bureau de vote, ils se réunissent dans un grand nombre de salles à travers tout l’Etat, et écoutent l’argumentaire des représentants des différents candidats. Ils peuvent ensuite débattre et remplir un bulletin de vote, qui sont dépouillés immédiatement. Le caucus implique plusieurs conditions : une présence obligatoire à 19h (2h du matin heure belge), être républicain, et avoir plus de 18 ans au moment de l’élection présidentielle.
Le caucus est une très ancienne forme de démocratie participative. Il est un exemple-type de ce qu’est le fédéralisme à l’américaine.
Serge Jaumain (ULB)
Ceux qui ne viennent pas sur place à l’heure ne peuvent pas voter. A l’inverse, dans les primaires des autres Etats, il est possible de voter durant toute la journée. Cette année, le climat polaire est un invité inattendu (-35°C sont annoncés). Vu ces conditions météorologiques, le taux d’absentéisme pourrait être plus élevé que la moyenne. Cependant, les pro-Trump sont les militants les plus mobilisés des républicains.
Avec cette différence entre caucus et primaire classique, on a un exemple-type de ce qu’est le fédéralisme à l’américaine. Où chaque Etat possède une grande autonomie pour l’organisation de ses élections. La particularité du caucus, c’est qu’il est organisé par les partis, et non pas par l’Etat. Or, les élections primaires sont, elles, organisées par l’Etat. »
5. Quels sont les pronostics?
Serge Jaumain: « Ce soir, Trump va gagner à coup sûr. La distance est telle avec ses concurrents dans les sondages qu’elle laisse peu de place au doute. Il sera davantage intéressant de voir avec quel pourcentage il l’emporte, ainsi que les résultats de ses poursuivants.«