vendredi, octobre 18

Oleksandr Syrsky, le chef d’état-major de l’armée qui succède à Valeri Zaloujny, devra donner un nouvel élan, alors que les Russes montrent les dents.

On a beaucoup spéculé sur des dissensions entre le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, et le chef d’état-major de l’armée, Valeri Zaloujny, dont la popularité reste inégalée depuis qu’il a permis à l’Ukraine de repousser l’invasion russe lancée voici bientôt deux ans. Son remplacement, le 8 février, par Oleksandr Syrsky, qui a participé directement à la défense de Kiev dans les premiers jours du conflit, aurait pu consacrer cette supposée fracture. Mais le lendemain, les trois hommes forts de l’Ukraine ont affiché leur complicité lors d’une remise de médailles, dont celle de «héros de l’Ukraine» au général démis.

L’avenir dira si cette unité est seulement de façade. Pour Sven Biscop, directeur du programme «L’Europe dans le monde» à l’Institut royal Egmont et professeur à l’UGent, ce changement peut s’inscrire dans un certain ordre des choses. «Quand une campagne militaire se termine en quelques mois, elle est le plus souvent dirigée par un seul officier général. Lorsqu’une guerre dure, il arrive souvent que le pouvoir politique décide qu’une nouvelle stratégie est nécessaire et qu’un nouveau commandant est requis pour l’incarner. Pendant la Seconde Guerre mondiale, sur le théâtre d’opération de l’Afrique du Nord, Winston Churchill a limogé un général après l’autre avant de trouver celui qui pouvait lui apporter la victoire, Bernard Montgomery. Donc, un tel changement est normal. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’est pas aussi significatif», souligne l’expert militaire.

Syrsky a été formé dans le même système que ses ennemis. Ça ne signifie pas qu’il persistera dans cette stratégie.

Quel serait le changement de stratégie que consacrerait l’accession d’Oleksandr Syrsky à la tête de l’armée ukrainienne?

On ne le sait pas encore. Jusqu’à présent, Oleksandr Syrsky a dirigé plusieurs des plus durs combats de la guerre. Il est critiqué parce que la tactique qu’il a choisie cause beaucoup de pertes humaines. En un sens, il a été formé dans le même type de système que ses ennemis russes. Mais cela ne signifie pas qu’il persistera dans cette même stratégie en tant que chef d’état-major de l’armée. Avant de le choisir, le président Volodymyr Zelensky lui a sans doute donné une vision à traduire en une stratégie. Mais à ce stade, on ne sait pas laquelle. Le débat actuel réside dans ces deux interrogations: l’Ukraine mènera-t-elle de nouvelles offensives pour essayer de libérer son territoire ou restera-t-elle plutôt sur la défensive et s’assurera de pouvoir tenir le front et ne pas perdre davantage de terrain?

Ce changement consacre-t-il l’échec de la stratégie antérieure mise en œuvre par Valeri Zaloujny?

Non. Je ne dirais pas que c’est un échec. L’Ukraine a survécu, ce qui n’était pas évident du tout. Elle a réussi à repousser la Russie ; elle a libéré une partie du territoire occupé. Aujourd’hui, on est dans une guerre d’attrition. Et il semble improbable que la situation actuelle puisse évoluer facilement. Ce n’est pas un échec. Dans le même temps, on ne voit pas de voie militaire qui pourrait mener à une issue à la guerre.

Le principal problème de l’armée ukrainienne réside-t-il dans le manque de moyens matériels, notamment de munitions?

Il existe deux éléments. Il y a effectivement la question matérielle. Les pays occidentaux n’ont pas réussi à tenir leurs promesses. Ils ne livrent pas assez de munitions et d’équipements à l’Ukraine, tandis que la Russie en produit plus que ce que nous pouvons livrer. Mais il y aussi la question de la puissance des troupes en présence. On compte moins d’Ukrainiens que de Russes. C’est la démographie. La seule chose que les pays occidentaux ne peuvent pas livrer. Les soldats seront les Ukrainiens, seuls. Et ils ont subi de lourdes pertes.

L’Ukraine doit-elle en passer par une nouvelle mobilisation?

L’Ukraine opère une conscription et doit la maintenir. Chaque année, une nouvelle classe de soldats doit être mobilisée, entraînée et intégrée dans les unités. Elle ne peut pas y arriver sans cet effort.

La bataille d’Avdiivka est-elle le premier test pour le nouveau chef d’état-major?

C’est à nouveau un combat d’attrition très dur dans un lieu qui, en soi, n’a pas de signification stratégique importante. Qu’Avdiivka tienne ou tombe, cela ne changera pas la situation stratégique. Cette bataille est très similaire à celle de Bakhmout. Mais, à un certain moment, lorsque les combats durent et que les pertes s’accroissent, ces endroits acquièrent une signification symbolique, qui dépasse de loin leur réelle importance.

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