mercredi, octobre 30

Le ministre de la Mobilité François Desquesnes (Les Engagés) souhaite harmoniser les grilles tarifaires du TEC. Les abonnements annuels à 12 euros pour les 18-24 ans pourraient disparaître. L’opposition dénonce un projet «opaque» et «à contre-courant» des ambitions climatiques et sociales.

La majorité MR-Engagés l’avait promis dès son accession au pouvoir: l’époque où la Wallonie dépensait sans compter serait bientôt un lointain souvenir. Trois mois après la mise sur pied du nouveau gouvernement, ce mantra de rigueur budgétaire continue de guider le travail de la coalition Azur. Le portefeuille de la Mobilité n’échappe pas à la règle et entend s’attaquer, en priorité, à la quasi-gratuité du TEC.

Mardi, sur les ondes de Bel RTL, le ministre François Desquesnes (Les Engagés) a ainsi annoncé vouloir harmoniser les différents tarifs d’abonnement, à commencer par ceux des jeunes. Alors que les adolescents (12 à 17 ans) doivent débourser jusqu’à 281 euros pour un abo annuel, les jeunes adultes (18-24 ans) bénéficient, eux, d’un prix réduit à 12 euros. Une différence que souhaite gommer le ministre… en s’attaquant à la quasi-gratuité des seconds. Voté par le précédent gouvernement et d’application depuis 2022, ce tarif réduit ne livrerait en effet pas les effets escomptés en termes de transfert modal. «Dès mon entrée en fonction, j’ai sollicité l’Opérateur de Transport de Wallonie (OTW) pour évaluer l’efficacité de la mesure, cadre François Desquesnes. J’ai désormais obtenu le rapport, qui démontre que la quasi-gratuité de l’abonnement n’a pas eu d’impact significatif sur la fréquentation des bus. Plus d’abonnements ont été vendus depuis son implémentation, mais ceux-ci n’ont pas spécialement été utilisés.»

30 millions par an

Le ministre pointe également l’illisibilité des grilles tarifaires en raison de multiples zones de déplacement, qui découragerait in fine les citoyens d’opter pour le bus. «Bref, cette politique complexe n’est pas incitative et nécessite une réflexion», tranche le ministre.

D’autant que la mesure a un coût non négligeable pour les finances publiques. «Chaque année, le gouvernement met 30 millions d’euros sur la table pour financer la quasi-gratuité des 18-24 ans, mais quel est le retour sur investissement? s’interroge le ministre. Le gouvernement a fait de l’évaluation des politiques publiques l’une de ses priorités: il est de notre devoir de vérifier que chaque euro dépensé est utilisé efficacement. L’argent ne tombe pas du ciel et la Wallonie n’est pas un mistercash.»

Opacité et mauvais timing

Si le ministre promet de ne pas toucher aux tarifs préférentiels pour les plus précarisés (statut BIM, par exemple), l’annonce suscite toutefois l’indignation dans les rangs de l’opposition. «Cette proposition est incompréhensible alors que la précarité étudiante a doublé en dix ans», regrette la députée Ecolo Bénédicte Linard. «En instaurant la quasi-gratuité, nous permettions aux jeunes et à leur famille d’économiser 280 euros par an, affirme Christie Morreale, chef de groupe PS au Parlement wallon. Ce rétropédalage sera un véritable coup dur pour leur portefeuille. Quand le gouvernement a promis de ne pas instaurer de nouveaux impôts, on savait que ce serait le pouvoir d’achat des ménages qui allait trinquer.»

Au-delà de ses répercussions financières, c’est le timing de l’annonce qui laisse perplexe. «Seize jours après les élections communales, on entend enfin parler des mesures qui vont faire mal aux portefeuille des citoyens», regrette Bénédicte Linard. «On comprend mieux pourquoi le gouvernement n’a pas souhaité communiquer sur toutes ces mesures chiffrées avant le scrutin», abonde Germain Mugemangango, chef de groupe PTB au Parlement. Christie Morreale regrette également l’opacité qui entoure cette proposition. «M. Desquesnes évoque une étude que les parlementaires n’ont pas pu consulter, et qui se base uniquement sur la fréquentation des bus en 2023. Le spectre est trop réducteur pour en tirer des conclusions, surtout sur une mesure si importante. Le gouvernement rappelle sans cesse l’importance de la bonne gouvernance et de la transparence, mais fait exactement l’inverse dans ses premiers actes.»

La cerise sur le gâteau

Les répercussions climatiques sont également pointées du doigt par l’opposition. Avec cette mesure, le précédent gouvernement souhaitait encourager l’utilisation des transports en commun auprès de jeunes en âge de passer leur permis de conduire et d’acquérir leur premier véhicule, rappelle Bénédicte Linard. «Nous avions une vision à long terme, avec pour objectif de créer des bonnes habitudes en termes de mobilité alternative. Or, au vu de ses premières décisions, la seule vision du ministre semble être celle de la rigueur budgétaire. La suppression des extensions du tram à Liège nous avait déjà mis la puce à l’oreille.» Un constat partagé par Christie Morreale: «Ces deux annonces sont à contre-courant des ambitions climatiques et sociales que nous portons.»

De son côté, le ministre François Desquesnes rappelle faire du transfert modal une priorité, pour autant que les mesures mises en places en ce sens soient efficaces. Pour l’heure, peu d’études scientifiques se sont penchées sur les effets de la quasi-gratuité des transports en commun à destination unique de certains publics. Par contre, plusieurs expériences à l’étranger démontrent qu’un réseau totalement gratuit peut susciter un certain engouement. A Dunkerque, par exemple, la fréquentation des transports a plus que doublé depuis l’instauration de la gratuité il y a six ans (+ 125% entre 2018 et le 1er septembre 2023), selon l’Observatoire des villes du transport gratuit. Même constat à Montpellier, où la gratuité a fait grimper la fréquentation des bus et des trams de 25% en six mois. Cela étant, cette hausse est parfois le seul fait de piétons et de cyclistes, et n’est donc pas synonyme de réduction des émissions de CO2. Ainsi, à Dunkerque, la gratuité des transports n’aurait convaincu que de 3% d’automobilistes, contre 12% de cyclistes, révèle une étude menée en 2022. Enfin, l’attractivité d’un réseau passe avant tout par la fréquence de ses lignes, sa fiabilité, son amplitude horaire et son accessibilité. La gratuité ne serait, en quelque sorte, que la cerise sur le gâteau d’un réseau peformant.

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