Amazon, Meta, Microsoft et Google, ou à titre personnel Tim Cook (Apple) et Sam Altman (OpenAI) ont tous confirmé faire don d’importantes sommes d’argent au fonds finançant la cérémonie d’investiture de Donald Trump. Une manière de s’attirer les bonnes grâces du futur président, de façon décomplexée, et ne pas laisser Elon Musk devenir le seul milliardaire à murmurer à l’oreille du locataire de la Maison Blanche.
Donald Trump prendra solennellement ses fonctions de 47ᵉ président des États-Unis ce 20 janvier 2025, après une cérémonie d’investiture à Washington. Le fonds finançant la journée est déjà richement doté, apprennent plusieurs médias américains: autour de 170 millions de dollars provenant de diverses sources.
Parmi celles-ci, plusieurs grandes sociétés technologiques de la Silicon Valley: Amazon et Meta ont été les premières à dévoiler faire don d’un million de dollars, chacune, pour l’investiture de Trump. Elles ont été suivies ces derniers jours par Microsoft et Google, qui donneront le même montant. À titre personnel, Tim Cook, patron d’Apple, ainsi que Sam Altman, à la tête d’OpenAI (ChatGPT), feront également un don à sept chiffres.
Le comité d’investiture de Donald Trump devrait récolter plus de 200 millions de dollars d’ici la fin de l’opération, estime une source anonyme citée par Associated Press, ce qui en ferait le plus gros montant jamais vu pour cet événement.
L’argent au pouvoir
De quoi s’interroger sur le rôle de l’argent au sein du pouvoir politique américain. Même si la situation n’est en réalité pas nouvelle. «Déjà durant la campagne électorale, les candidats récoltent des dons auprès de richissimes donateurs, dont des patrons d’entreprise. Ce n’est que la suite logique de sortir à nouveau leur chéquier pour le président élu. Ce genre de proximité entre le pouvoir politique et les personnes fortunées n’est pas nouveau non plus. Déjà dans la deuxième moitié du XIXe siècle, il y a eu ce qu’on a appelé « les barons voleurs », de riches et puissants hommes d’affaires aux États-Unis, et peu après de grands industriels, comme Henry Ford, qui étaient très proches du pouvoir politique», rappelle Serge Jaumain, professeur d’histoire contemporaine à l’Université libre de Bruxelles (ULB).
Amazon avait contribué à hauteur de quelques dizaines de milliers de dollars pour l’investiture de Trump en 2017. Avec un million cette année, le message envoyé par Jeff Bezos est différent.
Ce qui change peut-être cette fois-ci, c’est la transparence sur les montants ainsi que la visibilité donnée à ces actions de soutien. «C’est quelque chose de plus ancré dans la culture américaine, où le rapport à l’argent est très différent de ce qu’on connaît en Europe. Là-bas, c’est considéré comme la normalité de voir des citoyens et des entreprises participer financièrement au processus démocratique. En revanche, les montants deviennent plus exceptionnels. Amazon avait contribué à hauteur de quelques dizaines de milliers de dollars pour l’investiture de Trump en 2017. Avec un million cette année, le message envoyé par Jeff Bezos est différent», poursuit le spécialiste des États-Unis.
Elon Musk a cassé les codes
Un message qui marque un changement de cap important pour une partie des entreprises citées, plutôt rangées dans le camp démocrate auparavant et qui affichaient plus de réticences lors de la précédente présidence de Trump.
La particularité qui saute aux yeux cette fois-ci est le rôle important joué par le milliardaire Elon Musk. Celui-ci a bouleversé les codes en investissant massivement dans la campagne de Donald Trump et exercera un rôle politique direct, une nouveauté pour un homme d’affaires. «Son engagement financier a créé un effet d’entraînement auprès d’autres grands donateurs, notamment parmi les patrons des grandes entreprises technologiques, c’est évident. C’est une manière de le contrecarrer et de ne pas le laisser être le seul proche de Trump», analyse le professeur.
L’alliance Trump-Musk repose sur des intérêts communs, même si, prévient Serge Jaumain, «des tensions pourraient émerger entre leurs egos surdimensionnés». Donald Trump a déjà souligné qu’Elon Musk, né en Afrique du Sud, ne pourrait devenir président des États-Unis, comme pour mieux l’écarter comme réel adversaire politique. Une première tension est également apparue en fin d’année, sur l’affaire des visas, que Donald Trump disait vouloir fortement limiter. Le patron de X a plaidé l’exception pour faire venir des «cerveaux» étrangers dans le secteur de la tech, montrant déjà les conflits d’intérêts potentiels pour l’homme d’affaires qui murmure à l’oreille du politique et les dissensions qui peuvent exister entre les deux hommes sur certaines questions.
Les milliardaires aux commandes
Outre Musk, d’autres personnes très riches vont s’investir dans le jeu politique directement, de manière plus visible que jamais. «Des milliardaires vont avoir un rôle très important dans le gouvernement et il serait étonnant qu’ils ne privilégient pas leurs propres affaires. Faire un don et soutenir le président, c’est une forme d’allégeance mais aussi et surtout du lobbying à son profit. On peut penser qu’un certain nombre de personnes sont inquiètes et se rendent compte que le soutien d’Elon Musk a servi ses intérêts. En l’imitant, tous espèrent entrer dans les bonnes grâces du président, ne pas le contrarier, surtout, et profiter d’effets bénéfiques pour leur business en temps voulu», détaille encore l’historien.
La période qui s’ouvrira dans dix jours est donc à la fois remplie de certitudes, sur la politique conservatrice favorable aux plus fortunés qui sera menée par Trump, mais également d’incertitudes autour des frasques du futur président. Entre grandes déclarations actuelles sur l’annexion du Groenland ou du Canada, et des promesses de campagne intenables, les prochaines années seront mouvementées. «C’est un deuxième mandat, tout le monde sait donc à quoi s’attendre. Les électeurs n’ont pas acheté un chat dans un sac et, cette fois-ci, Donald Trump est bien plus préparé. Mais il reste de nombreuses interrogations sur la manière dont il va réellement manœuvrer, notamment sur ses promesses jugées parfois risibles par tous les observateurs», conclut Serge Jaumain.