Le gouvernement de Benjamin Netanyahou opte pour l’option défendue par l’extrême droite pour «régler» la question du Hamas. La stratégie du pire pour les Gazaouis.
On l’entend beaucoup. Et, en cette période potentiellement historique pour l’avenir de la bande de Gaza, ce constat consacre l’influence énorme et redoutable que l’extrême droite suprémaciste juive exerce sur le gouvernement de Benjamin Netanyahou. Le ministre israélien des Finances et ministre délégué de la Défense, Bezalel Smotrich, a développé à tout va sa vision du futur du territoire palestinien, mais qui pourrait ne plus l’être beaucoup, après la décision de l’exécutif, le 5 mai, de lancer une opération de reconquête de Gaza. Si cette option prévaut, Israël modifierait complètement les données de la question palestinienne et ajouterait à son passif de nouvelles violations des droits de l’homme et du droit international. Or, la position arrêtée par Benjamin Netanyahou et son gouvernement s’inscrit dans la droite ligne de cette orientation maximaliste.
Une guérilla ne pourra-t-elle pas subsister, y compris dans les zones «sécurisées»?
L’extrémisme de Smotrich
Qu’implique-t-elle dans l’entendement de Bezalel Smotrich, leader du parti du sionisme religieux, d’extrême droite? «Nous occuperons Gaza pour y rester. Il n’y aura plus d’entrée ni de sortie. C’est une guerre pour la victoire et il est temps de cesser d’avoir peur du mot « occupation »», a d’abord plaidé le ministre. Il a aussi développé les objectifs et les modalités de cette réoccupation. «Le Hamas n’existera plus à Gaza, point final. Ni comme entité militaire, ni civile, ni gouvernementale. […] Aucune organisation ne pourra verser des salaires ou administrer qui que ce soit. La population sera regroupée dans une zone totalement stérile, sans présence du Hamas, et où une aide humanitaire sera fournie (NDLR: celle située entre la frontière avec l’Egypte et le corridor de Morag qui, un peu plus au nord, traverse la bande d’est en ouest). […] Le reste de la bande de Gaza sera vide et d’ici quelques mois, nous pourrons crier victoire sans équivoque.» Bezalel Smotrich n’a été ni repris ni démenti par le gouvernement ou le président Isaac Herzog dans les heures qui ont suivi ses déclarations.
Nul ne sait cependant à ce stade si tel est l’objectif effectivement poursuivi par Benjamin Netanyahou. L’opération baptisée «Les Chariots de Gédéon» est censée d’abord contribuer à l’éradication du Hamas promise aux Israéliens après le massacre du 7-Octobre. D’une certaine manière, elle consacre l’échec de la stratégie adoptée depuis un an et demi. Le groupe islamiste palestinien a certes été considérablement affaibli mais il est loin d’avoir été éliminé de la scène militaire et politique de la bande de Gaza. Se basant sur des sources y compris au sein de Tsahal, l’ancien officier français Guillaume Ancel assure que «de moins de 30.000 en octobre 2023, les services de renseignement estiment que les miliciens du Hamas sont désormais plus de 60.000». La reconquête des territoires permettra-t-elle à Israël d’arriver à ses fins dans ce domaine? Il est certain qu’une installation durable de Tsahal dans des zones vidées de leur population et donc censées être «nettoyées» des membres du Hamas est a priori plus «efficace» pour écarter la menace qu’ils représentent.

De nombreuses hypothèques
Mais ce projet se heurte à énormément d’hypothèques. Le réseau des tunnels pourra-t-il être rendu complètement imperméable aux incursions? Une guérilla plus épisodique mais néanmoins meurtrière ne pourra-t-elle pas subsister, y compris dans les zones «sécurisées»? L’armée israélienne, malgré le rappel des réservistes récemment ordonné par le gouvernement, disposera-t-elle de suffisamment de moyens matériels et humains pour mener cette opération titanesque? Celle-ci ne scellera-t-elle pas de manière funeste le sort des otages livrés à des geôliers acculés au pire? La population israélienne supportera-t-elle une prolongation de la guerre de plusieurs mois (trois pour la reconquête, neuf pour la «pacification», selon le chef d’état-major de l’armée Eyal Zamir, mais sans doute plus encore) avec, malgré tout, une perspective non absolue d’être débarrassée du Hamas?
Officiellement, le déclenchement des «Chariots de Gédéon» est encore suspendu à une éventuelle libération des otages par le Hamas d’ici à la mi-mai et le terme d’une visite que Donald Trump doit effectuer du 13 au 16 mai en Arabie saoudite, aux Emirats arabes unis, et au Qatar. A ce stade, rien n’indique cependant que le groupe palestinien soit tenté par un élargissement de ses captifs sans contrepartie et que le président américain ait le pouvoir d’influence pour une solution qui s’écarterait de ce qu’il a lui-même proposé, une «riviera gazaouie» débarrassée de ses habitants.