samedi, décembre 21

Théâtre du troisième roman de Benoît Vitkine L’enclave, le territoire russe suit, craintif, les soubresauts de l’histoire, en 1991 face à la perestroïka et dans le conflit d’aujourd’hui comme zone sensible.

Un nouvel ordre de mobilisation permettant d’enrôler 200 000 hommes supplémentaires, le lancement d’une nouvelle offensive en Ukraine, une déstabilisation des Pays baltes par les minorités russophones et une occupation du couloir de Suwalki qui relie le Bélarus et l’enclave russe de Kaliningrad, tel est le scénario auquel se préparerait l’armée allemande, évoqué dans un document intitulé «Alliance Défense 2025» dont le quotidien allemand Bild a pris connaissance. Exercice préventif ou réalité redoutée, il rappelle l’importance du territoire russe de Kaliningrad dans les relations futures entre la Russie et l’Occident.

Kaliningrad, c’est le décor du nouveau roman de Benoît Vitkine, le correspondant du Monde en Russie, L’enclave (1), qu’il situe en 1991, période de grand bouleversement entre l’Union des républiques socialistes soviétiques, l’empire disloqué, et la Russie de Boris Eltsine, ouverte à tous les vents de la libéralisation et de la prédation. C’est un roman d’initiation pour la population inquiète, notamment parce qu’elle est loin du centre du pouvoir, Moscou, et pour le héros, le Gris, qui, sorti de prison, se lance dans un road trip pour rejoindre le domicile de sa mère, non sans profiter au maximum de ses derniers moments de liberté au côté de beatniks, de mafieux ou de simples paysans sur ces terres marquées par la dureté des interactions sociales. Le tout débouche sur un récit plaisant naviguant entre préoccupations pragmatiques et interrogations existentielles sur l’avenir de l’empire.

© National

Mais pourquoi ce choix de Kaliningrad? «Ce territoire a une histoire très particulière, celle d’un déplacement de population qui, je pense, est le plus total qui ait jamais eu lieu dans l’histoire (NDLR: quand, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Russie reçut ce territoire allemand en dédommagement des destructions et pertes subies), justifie Benoît Vitkine. L’intégralité de la population présente est partie en deux ans. Et l’intégralité des nouveaux venus n’avait aucun rapport antérieur avec ce territoire.»

Malgré les craintes d’extension du conflit et la présence d’importants armements, Kaliningrad est restée relativement à l’abri des soubresauts de la guerre en Ukraine. Cependant, elle a subi un court blocus à l’été 2022 de la part de l’Union européenne. Et le couloir de Suwalki, qui assure une liaison avec le Bélarus sur la frontière entre la Pologne et la Lituanie, est par nature une zone sensible. Pour autant, Benoît Vitkine est sceptique sur la possibilité d’un conflit qui s’y déroulerait. «La vraie tension serait une remise en cause de la souveraineté russe sur ce territoire. Mais, d’une part, les Occidentaux ne sont pas assez fous pour jouer à cela et, d’autre part, en raison du sérieux travail de mémoire réalisé sur la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne n’a aucune volonté d’agiter cette menace.»

(1) L’enclave, par Benoît Vitkine, Les Arènes, 192 p.

Partager.
Exit mobile version