dimanche, octobre 27

Souvent réduite à de l’optimisation fiscale, la planification successorale permet surtout d’éviter la discorde ou la confusion entre les héritiers. Et s’adresse à tous les Belges, quel que soit leur patrimoine.

Le Belge n’aime pas vraiment penser à «l’après». Dans bien des cas, il reporte la réflexion de sa succession, ou ne l’envisage même pas. «Certaines personnes âgées de 80 ans procèdent à des opérations immobilières comme si elles en avaient 40», constate Renaud Grégoire, porte-parole de la Fédération des notaires. «La planification successorale ne nécessite pas de disposer d’un gros patrimoine, plutôt d’accepter l’idée qu’on mourra un jour, résume Vincent Sepulchre, professeur en droit fiscal (ULB, UCLouvain, ULiège, ESSF Ichec) et associé de la srl Sogef, une société de consultance en la matière. Les personnes viennent souvent nous voir avec des préoccupations fiscales, mais repartent avec des questions familiales

Car la planification successorale n’est pas une démarche de grippe-sous. Elle consiste avant tout à se poser une question majeure, résume Gilles de Foy, avocat associé chez Bazacle & Solon et maître de conférences invité à l’UCLouvain: «Le kit de base qu’est le droit civil correspond-il à mes besoins et à mes attentes pour le futur? Celui-ci prévoit que les enfants hériteront, ou à défaut les parents, puis les frères et sœurs, et ainsi de suite. Si la réponse est positive, il est inutile d’aller plus loin. En revanche, s’il s’avère, par exemple, que mon patrimoine est censé revenir à des personnes que je ne peux plus voir en peinture, il faut alors changer de kit de base

Le testament, un exemple de planification successorale

La légitimité d’une planification successorale ne repose d’ailleurs pas uniquement sur des différends familiaux. «Planifier, c’est aussi décider de transmettre un actif immobilier à l’un de vos enfants, parce qu’il en aura particulièrement besoin, et de verser du cash à l’autre», illustre l’avocat. C’est faire en sorte que le conjoint survivant bénéficie d’une juste part de l’héritage, ou encore assurer la transmission sereine d’une entreprise familiale. «Si vous n’avez rien organisé et décédez subitement, vos enfants hériteront ensemble, en indivision, de la totalité du patrimoine, précise à cet égard Fednot, sur notaire.be. Cette situation peut donner lieu à des discussions difficiles ou à des conflits, voire à la disparition de l’entreprise.» C’est, par exemple, le sort qu’a connu le constructeur de bus Van Hool, en Flandre.

Le testament constitue l’exemple le plus fréquent et le plus connu de planification successorale. En 2023, les notaires en ont traité 75.342, selon les chiffres de Fednot. Sachant que Statbel, l’office belge de statistique, a rapporté 111.255 décès cette même année, cela signifie que 68% des défunts avaient écrit un testament – environ, puisqu’il peut y avoir un décalage temporel entre ces deux données. «C’est aussi l’acte de planification le plus simple et le plus flexible, poursuit Gilles de Foy. On peut le changer ou le révoquer à tout moment sur n’importe quel support, tant qu’on respecte un formalisme simple.» Un autre cas fréquent est la donation immobilière ou mobilière (argent, titres, objets physiques…), soumise à des taux inférieurs aux droits de succession. Toujours en 2023, Fednot comptabilisait 29.321 donations immobilières et 12.990 mobilières. Dans ce dernier cas, il n’est toutefois pas nécessaire, dans la grande majorité des cas, de se rendre chez le notaire.

Ouvrir la boîte à outils

La planification successorale ou patrimoniale a bien des conséquences fiscales, mais elle ne revient pas pour autant à éluder l’impôt. Il s’agit plutôt de faire en sorte que les héritiers ou légataires paient une juste part ou, comme le qualifie Gilles de Foy, «d’éviter d’avoir un enfant supplémentaire à nourrir, à savoir la Région. En effet, si vous n’avez pas d’héritier en ligne directe et que vous souhaitez transmettre votre patrimoine à vos neveux et nièces, cela risque de coûter très cher. La planification permet de faire en sorte que la charge fiscale soit la plus faible possible.»

Comment? «On ouvre la boîte à outils au cas par cas, relate Vincent Sepulchre. Prenons l’exemple d’un couple dont l’un des époux décède. Si rien n’est prévu, le conjoint survivant devient propriétaire d’une moitié de la maison et usufruitier de l’autre moitié, qui elle revient en nue-propriété aux enfants. C’est ce qu’on appelle être en situation d’indivision dans le logement familial. Pour vendre la maison, par exemple pour payer la maison de repos, il faudra donc l’accord des enfants. Certains couples estimeront qu’il n’y a aucun problème avec cela. D’autres voudront clarifier cette question en amont, auquel cas on peut prévoir une attribution de la maison en totalité au conjoint survivant.» Dans le cas des fonctionnaires internationaux, ceux-ci peuvent spécifier dans leur testament qu’ils souhaitent faire valoir le droit civil de leur pays d’origine, et non celui de résidence, si le premier correspond davantage à leurs besoins. «Il importe donc de s’adresser à des conseillers qui maîtrisent les aspects internationaux», conclut Gilles de Foy.

«Le plus mauvais réflexe des clients, c’est de se limiter à vouloir payer le moins d’impôt possible.»

Gilles de Foy

Avocat associé chez Bazacle & Solon et maître de conférence invité à l’UCLouvain

Notaire, avocat, planificateur, banquier… Il existe, sur cette thématique, de nombreux profils d’experts à consulter, dont la plus-value dépend là encore du cas rencontré. «Le notaire conseillera et rédigera les actes, mais ne s’occupera pas nécessairement de la traçabilité des opérations, détaille-t-il. L’avocat prendra davantage en charge ce volet, tout comme la technicité de certaines démarches, la coordination civile et fiscale du dossier. Le banquier pourra, lui, suggérer des solutions au regard des avoirs du client. L’agent immobilier, des opportunités de vente éventuelle à un moment donné. Bref, chacun apporte son propre prisme d’expertise.»

Selon le fiscaliste, la réforme wallonne aura aussi le mérite de renouer avec une planification successorale au sens noble du terme. «Le plus mauvais réflexe des clients est de se limiter à vouloir payer le moins d’impôt possible. Attribuer un même bien immobilier à plusieurs personnes peut s’avérer bénéfique d’un point de vue fiscal, mais entraîner un carnage civil, entretenant des conflits juridiques pendant des décennies pour sortir d’une indivision.» Bien plus que l’appât du gain, c’est donc avant tout la quête de sérénité qui devrait guider les démarches d’un légateur, quelle que soit la valeur de son patrimoine.

Fednot a récemment lancé une plateforme pédagogique en vue de planifier une succession ou gérer un décès: startmysuccession.be.

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