L’obligation du néerlandais à l’école à partir de 2027 refait débat. Faire des élèves francophones des références en la matière est une promesse régulièrement faite par le politique. Pourquoi tant d’attachement à un objectif systématiquement manqué ?
En 2001, tous bilingues à la sortie des humanités! Telle était la promesse, à l’époque, des ministres Marie Arena et Laurette Onkelinx (PS). Près d’un quart de siècle plus tard, 7,8% des Bruxellois francophones et 8,9% âgés de 18 à 30 ans maîtrisent le néerlandais. Des chiffres que le président du MR, Georges-Louis Bouchez, aimerait voir s’améliorer puisqu’il a réaffirmé, sur Bel RTL ce jeudi, vouloir rendre le néerlandais obligatoire dès 2027 pour les élèves à partir de la troisième primaire. «Sa» ministre compétente, Valérie Glatigny (MR), prend pour sa part plus de pincettes et affirme dans Le Soir que si l’intention est bien là, «il faut tenir compte de la faisabilité» et de la pénurie d’enseignants.
Cette volonté ne vient pourtant pas de la libérale, mais de Caroline Désir (PS) qui occupait le poste avant elle. «On l’a acté en gouvernement en 2022, se souvient l’Ixelloise. Dans la Déclaration de Politique Communautaire, il était question d’un grand débat public sur l’obligation du néerlandais à l’école. Avec le Covid, c’est devenu complexe à organiser, mais c’est surtout devenu un débat politique.»
Nécessaire malgré la dévalorisation
Il faut dire que dans les faits, la Wallonie traîne. L’apprentissage du néerlandais est déjà obligatoire à Bruxelles à partir de la troisième primaire avec, donc, des résultats peu significatifs dans les faits. «En Flandre, ils ne comprennent pas très bien pourquoi on en est là. Le français y est obligatoire depuis un certain temps. Mais ils sont aussi en pénurie de profs et il y a de la concurrence entre les communautés», précise la socialiste.
Si rendre le néerlandais obligatoire n’augmente pas les aptitudes des élèves, et que les profs manquent, à quoi bon promouvoir la mesure? Georges-Louis Bouchez et Valérie Glatigny (avec quelques réserves) ne sont pour rappel pas les premiers à le faire. Avant Caroline Désir et son projet de rendre le néerlandais obligatoire, Marie-Martine Schyns (Les Engagés) n’était «pas fermée» à l’idée, tandis que Marie Arena et Laurette Onkelinx en avaient fait un slogan. «Différents politiques de gauche comme de droite y sont favorables, complète Caroline Sägesser, chargée de recherches au sein du secteur Socio-politique du Crisp. Le problème, c’est la dévalorisation du néerlandais. Il est obligatoire à Bruxelles, mais pas présent au CEB car il n’est pas obligatoire en Wallonie. (…) Lorsqu’on a transféré l’enseignement aux communautés, on a pensé à inscrire l’obligation du cours de religion dans la constitution, mais pas les langues.»
«Prôner le néerlandais est essentiel, assure Philippe Hiligsmann, professeur au pôle de recherches linguistiques à l’UCLouvain et vice-recteur aux affaires académiques et étudiantes à l’université de Luxembourg. D’abord parce que c’est une langue voisine, avec une histoire, et que c’est celle du premier partenaire commercial de la Belgique francophone. Le néerlandais a mauvaise presse, mais dans certains domaines de la vie économique et sociale, c’est un must.»
En proposant ce qu’elle estimait être une mesure «de bon sens», Caroline Désir s’est pour sa part heurtée à des acteurs du secteur qui ont «tous mal» réagi. Notamment parce que les écoles, à part parfois dans le Brabant Wallon, se construisent principalement autour de l’apprentissage de l’anglais. Il faut réinventer un système déjà précaire, alors que l’ancienne ministre avait chiffré 350 emplois manquants, dont 175 profs de néerlandais, pour mettre en place la mesure. 2027 serait aussi une date trop optimiste que pour être réaliste, juge Caroline Sägesser. «C’est un travail de longue haleine, mais le pari vaut la peine d’être tenté».