Les étoiles qui s’affichent sur Google, Trustpilot ou les applications de livraison n’influencent pas identiquement tous les secteurs. Temu et Amazon traînent une réputation désastreuse en ligne, sans que cela fasse fuir les Belges. Pour des restaurants ou de petits commerces, quelques mots d’un inconnu peuvent en revanche faire très mal.
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Deux sur cinq pour Amazon, 2,1 pour Temu, 2,2 pour Amazon… A en croire les avis laissés sur Trustpilot, mieux vaudrait fuir les géants de l’e-commerce. Et pourtant, selon une étude de Comeos parue en 2025, cette mauvaise réputation ne freine pas les 54% de e-acheteurs belges ayant commandé au moins une fois au cours des douze derniers mois sur un site de vente chinois. Temu est en pole position, avec 30% des sondés qui y ont acheté un produit. Bien que 83% des consommateurs déclarent savoir que la qualité des produits de ces sites est médiocre.
Un restaurant coté trois étoiles sur Google serait en revanche boudé des clients. Un hôtel indépendant, un restaurant de quartier ou une chambre d’hôte qui tombent sous la barre des quatre étoiles sur une plateforme de réservation voient rapidement leur taux de remplissage baisser. Sur Booking, un point de différence sur une échelle de un à cinq étoiles peut multiplier par deux ou trois le chiffre d’affaires d’un prestataire. Trois sur cinq pour une application de livraison de repas? Arrêt de mort pour l’enseigne.
«En dessous de quatre étoiles, je ne commande pas, confie Louise, jeune bruxelloise. Pour les achats d’objets en ligne, c’est différent. Je ne m’attends pas à ce qu’un livre me rende malade, ni à faire une indigestion en commandant des décorations de Noël. J’avoue n’avoir jamais regardé les avis pour Temu, Amazon… Tout le monde sait pourquoi il vaut mieux les éviter. Mais parfois, les prix sont tellement attractifs qu’il est dur de résister. Mon exigence n’est pas la même pour un peignoir à cinq euros que pour un dîner à 100 euros.»
Plus d’un Belge sur trois choisit son restaurant grâce aux critiques en ligne. Et 39% des clients sont attentifs aux réponses du restaurateur aux critiques, selon une étude réalisée par la plateforme de caisse et de paiement Lightspeed.
Qui sont ces savants de l’e-commerce?
Si les avis comptent pour beaucoup de commerçants, les consommateurs ne savent pas toujours qui les rédige vraiment. Ingrid Poncin, professeure de marketing digital à l’UCLouvain, a identifié plusieurs catégories de critiques, chacune poursuivant ses propres motivations. «Il existe plusieurs profils de contributeurs, détaille-t-elle. Un premier groupe, altruiste, rassemble les personnes qui écrivent pour permettre à d’autres de bénéficier de leur expérience, positive ou négative. Un deuxième profil correspond à des consommateurs qui cherchent à se venger d’un service jugé insatisfaisant. L’objectif est alors moins d’informer que de sanctionner le prestataire. Un troisième regroupe ceux qui postent pour se donner une importance, obtenir une forme de reconnaissance.» Certains de ces «influenceurs de l’e-marketing» sont suivis par des centaines, voire des milliers de personnes sur Google. De simples utilisateurs, ils deviennent tantôt adoubeurs, tantôt bourreaux des e-commerçants.
«Les recherches menées sur des plateformes comme Booking montrent qu’un très petit pourcentage de voyageurs produit une grande partie des avis. Pour ces contributeurs, l’influence sociale a une valeur en soi», ajoute Ingrid Poncin. Les plateformes entretiennent parfois cette dynamique. Elles envoient des rappels systématiques après un achat ou un séjour, proposent des «badges» de contributeurs, ou mettent en avant les profils qui multiplient les contributions. Ces «super-commentateurs» deviennent des repères pour les autres internautes.
Marché de la réputation
Ingrid Poncin, qui a étudié les comportements des consommateurs en ligne, souligne que les avis ont aussi un impact psychologique fondamental sur les utilisateurs: «Historiquement, le principal frein au commerce en ligne provient du manque de confiance. Et d’une défiance importante envers les marques et leurs promesses, sauf lorsqu’une relation forte s’est construite dans le temps. Les avis d’autres consommateurs apportent quelque chose de précieux: la possibilité de faire davantage confiance à des pairs plutôt qu’au discours de la marque. Y compris lorsque l’on sait qu’il existe de fausses critiques.»
Selon les estimations de plusieurs plateformes de vente en ligne, environ 20% des avis peuvent être faux ou sont identifiés comme tels. En 2024, TripAdvisor en a supprimé 2,7 millions sur sa plateforme. L’entreprise estime que 3% de commentaires ont été générés par l’intelligence artificielle.
Le marché de la réputation attire aussi des acteurs spécialisés. Des entreprises vendent des avis à l’unité ou par lot, pour faire grimper la note ou disparaître des critiques négatives au milieu de commentaires élogieux. Des enquêtes britanniques sur les plateformes d’e-commerce estiment qu’au moins 10% des avis de produits peuvent être fictifs sur certains grands sites, avec un impact mesurable sur les décisions d’achat. D’autres analyses parlent de proportions encore plus élevées, jusqu’à un tiers des avis jugés suspects.




