jeudi, septembre 19

Les différents centres d’accueil pour demandeurs d’asile sont très inégalement répartis par l’autorité fédérale: au total, il y a 14.500 places en Wallonie, 11.000 en Flandre, et 3.100 à Bruxelles…

Enjeu de campagne électorale, préoccupation de nombreux électeurs, l’immigration est une invitée de poids dans les débats politiques. L’invitation est valable à tous les niveaux, quelle que soit la campagne, européenne -voyez Viktor Orban, qui a construit ses succès en la dénonçant, ou nationale –voyez le Vlaams Belang. Au niveau local, l’immigration, lorsqu’elle est dite illégale, concerne des personnes déboutées, sous ordre de quitter le territoire, ou qui n’ont pas introduit de demande, et affecte surtout les grandes villes: à Mons, Charleroi, Liège ou, surtout, Bruxelles, où se concentrent des migrants sans-papiers, ils posent des questions spécifiques.

Pour ce qui concerne l’immigration légale, cette question se cristallise surtout autour de l’implantation de centres d’accueil pour demandeurs d’asile. C’est l’agence fédérale Fedasil qui pilote ces implantations, parfois avec des partenaires comme la Croix-Rouge. Et, évidemment, en discussion avec les communes concernées, même si ces dernières n’ont pas de pouvoir formel sur ce sujet.

Celles-ci y sont souvent réticentes, les petites parce qu’elles craignent que la structure vienne troubler leur tranquillité, et les grandes parce qu’elles redoutent que cette installation vienne compliquer la gestion d’un espace public par essence plus dense. Dans les deux cas, les bourgmestres sont globalement hostiles à l’accueil de ces centres d’accueil: leurs résidents ne votent pas, contrairement à leurs riverains.

Ces centres d’accueil sont une centaine, disséminés dans toute la Belgique. Mais la charge de la dissémination porte beaucoup plus sur les communes wallonnes que sur leurs homologues flamandes. Selon les plus récentes statistiques de Fedasil, ils sont très différemment répartis selon les régions.

Avec 3.000 places sur les 28.000 disponibles, la Région bruxelloise héberge un nombre de demandeurs d’asile assez proportionnel à la population. Mais ces données n’intègrent pas les places créées par une convention entre Fedasil et la Région de Bruxelles-Capitale, qui élèvent à près de 7.000 le nombre de personnes hébergées à Bruxelles.

En revanche la plus peuplée des trois régions du pays, la Flandre, n’accueille qu’environ 11.000 demandeurs d’asile dans des centres localisés sur son territoire. Et on dénombre, en Wallonie, 14.500 places d’hébergement, soit la moitié du total national.

Ce déséquilibre est également marqué pour les Initiatives locales d’accueil (ILA), par lesquelles des CPAS, subsidiés par Fedasil, prennent en charge l’hébergement de demandeurs d’asile. Il y a aujourd’hui plus de places en ILA en Wallonie qu’en Flandre (2.282 contre 2.069 selon les chiffres de Fedasil). Puisque les ILA ne sont jamais lancées qu’en collaboration directe avec les communes, et qu’elles ne peuvent que faire de l’obstruction plus ou moins formelle dans le cas de l’implantation d’un centre d’accueil, la disproportion interrégionale est encore plus visible ici. En d’autres termes, si, en Belgique, on dénombrait une moyenne de 3,26 places d’accueil pour mille habitants, cette moyenne était respectivement de 1,95 place pour mille habitants en Flandre, 4,82 places pour mille habitants en Wallonie, et 5,55 à Bruxelles au printemps 2024. «Et le déséquilibre est appelé à s’accroître, parce que des centres vont ouvrir en Wallonie, et d’autres vont fermer en Flandre», avance le député fédéral Khalil Aouasti (PS).

Chez Fedasil, on ne conteste pas ce déséquilibre. Mais on ne l’explique pas par une réticence spécialement plus grande de la part des communes flamandes. Quand bien même plusieurs incidents ont déjà été observés dans les centres et à proximité ces dernières années…

«Dans le contexte actuel, très tendu, nous sommes en grand manque de places d’accueil. Fedasil analyse en permanence des sites potentiels, même temporaires. Et c’est une question d’opportunité, par rapport aux bâtiments qui sont mis sur le marché, indépendamment du lieu où ils se trouvent, et que Fedasil peut occuper et transformer en fonction de ses besoins. Par exemple, d’anciens sites touristiques, et il y en a dans les Ardennes, ou des hôpitaux qui fermeraient, comme il y en a eu récemment en région liégeoise», explique Benoit Mansy, porte-parole de Fedasil, qui ne voit pas de différence notable dans la frilosité à voir s’implanter un centre d’accueil, entre communes du Nord, du Sud ou du centre du pays.

«Si ça arrive plic-ploc comme ça…»

Un autre clivage, gauche-droite celui-là, se laisse deviner sur le sujet, dans les réponses données par les partis sur cette thématique. Le MR et les Engagés («C’est d’abord à l’Etat de prévoir des places d’accueil, et ensuite aux communes, sur une base volontaire et solidaire», disent ces derniers) refusent en effet que le fédéral puisse (encore plus qu’aujourd’hui, où il peut légalement le faire en cas de crise aigüe) imposer aux communes une répartition proportionnelle, sans qu’elles puissent s’y opposer. PS, Ecolo comme PTB estiment, eux, au contraire, qu’une approche encore plus centralisée éviterait les déséquilibres entre régions, mais aussi entre communes.

Comme, au centre-droit, DeFI, pour qui «en cas de saturation du réseau d’accueil, il est crucial que toutes les communes participent à l’effort collectif d’accueil, afin de préserver la cohésion sociale», car «permettre à certaines communes de refuser d’accueillir des demandeurs d’asile risquerait de créer des inégalités, de renforcer les tensions locales, et de mettre en péril l’intégration de ces personnes vulnérables».

Ancien directeur de Myria, le centre fédéral migrations, actuel député fédéral et tête de liste DeFI à Woluwé-Saint-Pierre, François De Smet a constaté l’importance de la concertation avec les riverains lors de l’arrivée de 80 migrants dans un bâtiment inoccupé, «sans grande concertation avec le bourgmestre, manifestement». Non sans tensions. «Si ça arrive plic-ploc comme ça, comme la Région ou le fédéral, et singulièrement Nicole de Moor, ont pris l’habitude de le faire, on piège les bourgmestres, qui ont le devoir de veiller à la sécurité publique. Et bien sûr, on ne gagne pas les élections sur la migration… Mais je suis persuadé qu’une reconnaissance électorale est possible pour les bourgmestres et mandataires locaux qui peuvent montrer que leur commune doit pouvoir prendre sa part de solidarité. A condition que l’effort soit justement réparti et que les critères soient expliqués afin que les gens n’éprouvent aucun sentiment d’injustice», parie-t-il.

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