lundi, mai 20

Pour bloquer le texte de la majorité alternative PS-Ecolo-PTB sur le décret paysage, le MR abat sa dernière carte. Celle du Conseil d’Etat, auquel les libéraux devraient demander un avis juridique. Une ‘flibuste’ qui permettrait de jouer la montre, et mettrait les Engagés dans une position très délicate.

Semaine décisive pour l’avenir du décret paysage. Ce jeudi, la journée commencera par de nouveaux débats houleux autour du texte présenté par le PS et Ecolo, avec l’appui du PTB. Les parlementaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles devront ensuite se positionner sur le vote de ce texte polémique lors de la séance plénière.

Piqûre de rappel: socialistes et écologistes ont symboliquement fait exploser la majorité qu’ils formaient avec le MR. En commission de l’Enseignement Supérieur, les deux partis de gauche ont obtenu, grâce à l’appoint du PTB, le report d’un an des nouvelles règles de finançabilité, qui menacent l’avenir de certains étudiants en vue de la prochaine rentrée.

‘Flibuste’: le MR joue la montre sur le décret paysage

Une première victoire, que la majorité alternative formée de facto par cette alliance des gauches devra donc confirmer lors de la plénière de ce jeudi. Sauf que: il pourrait n’y avoir aucun vote sur ce texte. C’est en tout cas ce que le MR va tenter de provoquer, en demandant l’avis juridique de la section de législation du Conseil d’Etat. Une démarche qui, selon l’article 55 du règlement du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, doit être effectuée par son président (le socialiste Rudy Demotte) «quand la demande lui en est faite par un tiers au moins des membres du Parlement».

Le plan du MR pour tenter de torpiller le texte du PS et d’Ecolo représente une stratégie bien connue en politique. «Il s’agit d’une ‘flibuste’, c’est-à-dire une technique d’obstruction parlementaire, qui aurait un effet considérable en fin de législature en retardant le texte», explique Vincent Lefebve, politologue au sein du Centre de recherche et d’information socio-politique (Crisp). Cette manœuvre, traditionnellement utilisée par les partis d’opposition pour bloquer des textes de la majorité, a déjà été utilisée par le passé. Ce fut le cas récemment à deux reprises, «sur l’avortement juste avant l’installation du gouvernement Vivaldi et sur la loi pandémie à l’été 2021».

Un plan impossible sans l’appui des Engagés

C’est là qu’est l’os. Étant donné qu’il est peu probable que le PS, Ecolo et le PTB soutiennent cette demande, le MR n’a plus qu’un seul espoir: convaincre les Engagés de se joindre à la manœuvre stratégique. Sachant que l’assemblée se compose de 94 députés, au moins 32 d’entre eux doivent se prononcer en faveur d’un avis du Conseil d’Etat. Le groupe MR comptant 23 parlementaires, il manque donc neuf personnes. Les douze Engagés, la députée DéFi et un indépendant sont les sauveurs potentiels des libéraux.

Selon Diana Nikolic, présidente du groupe MR au Parlement de la FWB, deux options se trouvent sur la table. «Soit le PS et Ecolo se rendent compte des errements juridiques de leur texte et acceptent de demander l’avis du Conseil d’Etat, soit les Engagés nous rejoignent pour obtenir le quorum nécessaire». Diana Nikolic assure que les libéraux n’ont pas (encore?) sollicité leurs collègues centristes pour tenter de les convaincre. «La seule pression que je mets est celle de la responsabilité politique, on n’adopte pas un texte qui n’est pas juridiquement bétonné. Il ne faut pas être un grand constitutionnaliste pour s’en rendre compte», assène la cheffe de groupe.

Pression maximale sur Maxime Prévot et les siens

La pression sur les Engagés – pris en étau entre l’alliance des gauches et le MR – est maximale. Contacté, l’ex-cdH tempère: «Le président Maxime Prévot n’a pas encore arrêté de position ferme et définitive en ce qui concerne la demande d’un avis au Conseil d’Etat.»

Les Engagés semblent avoir quelques difficultés à accorder leurs violons sur la question du décret paysage. En coulisses, certains dénoncent leurs incohérences et leur ambiguïté. «Ils affirment tout et leur contraire à ce sujet. C’est donc ça, être centriste? Un jour dire oui, et puis l’autre jour dire non?».

Fin mars, la vice-présidente du parti et parlementaire bruxelloise Gladys Kazadi se disait en faveur d’un moratoire d’un an, pour l’année académique en cours. Dans la foulée, le député FWB Michel de Lamotte se positionnait également en faveur d’un moratoire, ainsi que d’une période transitoire de deux ans pour assurer la finançabilité des étudiants dont le parcours serait impacté par le passage de l’ancien au nouveau régime.

A contrario de ces deux prises de position, le président du mouvement créé en 2022 Maxime Prévot a affirmé sur le plateau de RTL Info que jamais les Engagés n’avaient demandé un report du décret paysage.

Pour le parti centriste, jusqu’ici en bonne forme dans les sondages, prendre position d’un côté ou de l’autre pourrait s’avérer dommageable. «Peut-être n’ont-ils pas envie d’être les faire-valoir de la gauche ou de la droite, afin de clairement incarner le centre de l’échiquier politique», analyse Vincent Lefebve.

PS et Ecolo restent sereins

Si Diana Nikolic a exprimé ses doutes quant à la validité constitutionnelle du texte cosigné par Ecolo et le PS, les deux partenaires de majorité restent confiants. «On prépare nos réponses sur le plan juridique, et on attend de voir si on peut discuter avec les Engagés, commente le député Martin Casier (PS). Je constate que le MR tente une nouvelle fois de gagner du temps, en faisant une déclaration de guerre aux étudiants.» Du côté écologiste, le ton se veut également rassurant: «Nous avons rédigé notre texte avec la plus grande attention, et ne craignons pas que celui-ci soit soumis à l’analyse».

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