Les ventes de voitures électriques chutent partout dans le monde. Seul un petit pays fait de la résistance: la Belgique. Mais pour combien de temps?
Les analystes automobiles de l’agence américaine Bloomberg prévoient une croissance annuelle moyenne de 21 % du marché mondial des voitures électriques au cours des quatre prochaines années. Cela peut sembler beaucoup, mais entre 2020 et 2023, 61% ont été enregistrés. Avec une telle courbe, le secteur automobile ne sera jamais en mesure de respecter le scénario «zéro émission nette», qui vise à rendre l’approvisionnement énergétique mondial exempt de carbone d’ici à 2050.
Tant en Europe qu’en Amérique et même en Chine, les ventes de 2024 sont restées bien en deçà des prévisions. De grands constructeurs tels que Mercedes, Volkswagen, General Motors, Ford et Renault sont revenus sur leur projet de ne produire que des voitures à zéro émission à partir de 2030. Le coréen Hyundai, qui a beaucoup misé sur une transition rapide vers une gamme entièrement électrique, a récemment annoncé un changement de cap stratégique: sous la pression des chiffres de vente décevants, il revient à l’hybride rechargeable comme étape intermédiaire vers le zéro émission. Le fabricant suédois de batteries Northvolt, spécialisé dans la technologie lithium-ion pour les voitures électriques a, lui, annoncé une lourde restructuration. Une décision intervenue peu après que Volvo Cars, principal acheteur et partenaire d’une coentreprise pour la construction d’une gigantesque usine de batteries, a également abandonné l’échéance de 2030 pour passer au «tout électrique».
La plupart des constructeurs font machine arrière pour le passage au tout électrique.
Le signe le plus marquant est peut-être la crise traversée par le plus grand constructeur automobile européen, Volkswagen AG. Début septembre, une fuite a révélé que VW envisageait de fermer des usines en Allemagne pour la première fois en 90 ans d’existence. Mais aussi en Belgique où les 3.000 travailleurs d’Audi Forest ont appris que leur site fermerait définitivement ses portes à la fin de l’année 2025. VW, comme tous les constructeurs européens, a du mal à faire face à la transition. Surcapacité et stocks pléthoriques en raison de ventes décevantes, la production de voitures électriques est également déficitaire. Il n’est donc pas surprenant qu’une lourde restructuration mette fin à l’activité d’un site d’assemblage relativement petit dans un pays voisin qui l’est tout autant. Le modèle produit à Forest n’a pas aidé… L’Audi Q8 e-tron, un SUV de 2,5 tonnes, affiche un prix d’entrée de gamme de 91.000 euros! Idéal comme voiture de fonction pour les patrons, beaucoup moins comparé à ce qu’attend le reste du marché. L’avenir du véhicule électrique en tant que «voiture du peuple» repose en effet sur des modèles aux alentours de 20.000 euros, avec une autonomie d’environ 350 kilomètres. Dans cette gamme de prix, les Chinois règnent en maîtres, expédiant chaque mois de nouvelles marques et de nouveaux modèles vers l’Europe.
«Les constructeurs européens ont trop longtemps misé sur le premium, analyse Philippe Vangeel, porte-parole d’EV Belgium. Ils l’ont fait avant même l’arrivée de la voiture électrique, car ce segment offrait des marges bénéficiaires bien plus élevées. Avec les VE, ça ne fonctionne plus.» Même Tesla, le leader mondial, parvient à peine à dégager un bénéfice sur ses modèles Y et 3, produits en partie en Chine. Les chiffres de la fédération sectorielle européenne ACEA illustrent l’exception belge. Alors qu’en juillet, la part des VE dans les ventes européennes a chuté de près de 11%, elle a augmenté de 44% en Belgique. Selon le site gocar.be, il s’agit d’un phénomène temporaire, purement dû aux avantages fiscaux et aux primes, principalement en Flandre. L’année prochaine, un effondrement des ventes est aussi prédit chez nous.