En quatre ans, le taux d’absentéisme pour maladie chez les enseignants âgés de 50 à 65 ans a augmenté de 34%. Ils représentent à eux seuls la moitié des jours d’absence de l’ensemble du corps professoral.
La rentrée scolaire de trop? Pour certains enseignants en fin de parcours, le retour en classe devient de plus en plus difficile à appréhender au fil des années. Entre burn-out, dépression et douleurs musculo-squelettiques, les profs au-delà de la cinquantaine accumulent d’ailleurs les absences pour cause de maladie.
Au cours de l’année scolaire 2022-2023 (dernières statistiques disponibles), le taux d’absentéisme parmi les 50-65 ans s’élevait à 13,3%, selon les données de Certimed, l’organisme de contrôle médical agréé par la FWB. Un plafond jamais dépassé auparavant et bien supérieur à celui des 20-29 ans (3,79%), des 30-39 ans (6,95%) ou des 40-49 ans (8,52%). Sous la barre des 10% en 2019-2020, l’absentéisme chez les «vieux profs» a ainsi bondi de 34% en quatre ans.
Plus surprenant encore, alors que ce taux diminuait légèrement dans les autres catégories d’âge entre 2021-2022 et 2022-2023, il continuait de grimper chez les 50 ans et plus. A eux seuls, ils comptabilisaient ainsi la moitié (50%) des absences de l’ensemble du corps professoral l’année dernière, alors que ce groupe ne représente que 35% du total de la population enseignante.
Charge mentale (et physique)
Si l’absentéisme (notamment de longue durée) augmente logiquement avec l’âge dans la majorité des secteurs professionnels, cette hausse semble plus marquée dans l’enseignement. Ainsi, à titre de comparaison, les fonctionnaires fédéraux âgés de 50 à 65 ans enregistraient un taux d’absence pour maladie de 8,4% en 2022, contre 4,8% chez les 20-29 ans, 5,3% chez les 30-39 ans et 6,3% chez les 40-49 ans.
Une différence inhérente aux conditions de travail particulièrement pénibles du secteur, estime le nouveau président de la CGSP-Enseignement, Luc Toussaint. «Les profs sont soumis à des hauts niveaux de stress quotidien qui peuvent engendrer de l’hypertension en fin de carrière, note l’ancien prof de maths. Sans parler des problèmes de dos dont souffrent les institutrices maternelles plus âgées.» Un constat partagé par Roland Lahaye, secrétaire général de la CSC Enseignement: «En tant que prof, tenir sur la durée est extrêmement périlleux, car les charges physique et mentale en prennent un sacré coup.»
La perte de reconnaissance du métier, ainsi que sa transformation progressive avec l’apparition de nouvelles tâches administratives, entraînent également une perte de sens chez les plus âgés, déplore Roland Lahaye. «La transmission de savoir est réduite au profit d’un rôle de gratte-papier», peste le syndicaliste.
Le mythe du malade imaginaire
Le taux d’absentéisme des 50-65 ans pourrait-il être artificiellement «gonflé» par un recours abusif aux certificats médicaux en fin de parcours? Les enseignants bénéficient en effet d’un système de «cumul» de leurs congés maladie (15 jours par an), qu’ils peuvent reporter d’année en année, avec un plafond fixé à 182 jours. Les professeurs nommés pourraient-ils être tentés de profiter de ce «capital» aux portes de la pension? La théorie a de quoi agacer Luc Toussaint. «Déjà, c’est remettre en cause l’honneur des médecins, qui octroieraient des certificats de complaisance, regrette le président de la CSGP-Enseignement. Et puis, on a toujours beaucoup fabulé sur ces enseignants qui se feraient porter pâles, alors que la majorité d’entre eux sont prêts à donner cours avec 39 de fièvre pour ne pas abandonner leurs élèves.» Et Roland Lahaye d’insister: «Les enseignants définitifs n’ont pas tous les droits. Ils sont beaucoup à être malades de longue durée, en raison d’un véritable épuisement, et à voir leur salaire amputé de 20% car ils ont dépassé le plafond des 182 jours. Il ne faut pas croire qu’ils font ça par gaieté de cœur.»
«La transmission de savoir est réduite au profit d’un rôle de gratte-papier»
Roland Lahaye, secrétaire général de la CSC-Enseignement
Alors comment réduire cet absentéisme et encourager les aînés à ne pas quitter le navire anticipativement ? Pour Luc Toussaint, la solution idéale réside dans une véritable reconnaissance de la pénibilité du métier, qui autoriserait un départ précoce à la retraite, à l’instar des policiers ou d’autres métiers lourds. Un débat vieux de plus de dix ans, qui semble définitivement enterré aux yeux du gouvernement MR-Engagés, qui déplore déjà le poids financier que représente la DPPR (réduction partielle ou totale des prestations avant la pension avec réduction de salaire).
Profs absents: plus de 112 millions d’euros en 2024
La ministre de l’Education Valérie Glatigny (MR) souhaite plutôt aménager les fins de carrière, via un allègement dès 55 ans des charges de cours au profit d’autres missions, telles que l’accompagnement des débutants. «Cela fait partie de la panoplie de mesures destinées à lutter contre la pénurie tout en apportant une alternative à la DPPR qui engendre des coûts pharaoniques pour la FWB», souligne le cabinet libéral.
Une proposition accueillie favorablement au sein de la CSC Enseignement. «Tout n’est pas à jeter dans la Déclaration de Politique Communautaire du nouveau gouvernement, reconnaît Roland Lahaye. Mettre l’expérience des plus anciens au service des plus jeunes, qui se plaignent justement d’être trop peu épaulés en début de carrière, permettrait de faire une pierre deux coups. Ce serait une sorte de réinsertion professionnelle.»
Selon le cabinet Glatigny, cette piste de solution permettrait de réduire le coût budgétaire annuel de l’absentéisme pour cause de maladie des enseignants, chiffré à plus de 100 millions d’euros (toutes catégories d’âge confondues et tenant compte du coût des remplaçants) en 2023. Si la tendance actuelle se poursuit, ce coût devrait dépasser les 112 millions d’euros en 2024.