Le processus qui entraîne la cuite demeure mal compris des scientifiques.
Un lendemain de soirée peut s’avérer douloureux. Quand on est pudique, hypocrite ou raffiné, on dit qu’on souffre de «veisalgie». Gueule de bois ou cuite, dans le langage populaire.
Fatigue, maux de tête, sécheresse buccale, sensibilité à la lumière, nausées, tremblements, problème de concentration, déprime… Les symptômes frappent isolément ou groupés, avec plus ou moins d’intensité. Ils peuvent durer plus de 24 heures et apparaissent six à huit heures après l’ingestion, lorsque le taux d’alcool dans le sang diminue – leur paroxysme est atteint au moment où ce taux redevient nul. Evidemment, l’intensité est proportionnelle à la quantité d’alcool absorbée.
Ce qui est sûr, c’est qu’il s’agit d’une véritable intoxication
Le processus qui provoque la gueule de bois reste, pourtant, mal compris des scientifiques. Ce qui est sûr, c’est qu’il s’agit d’une véritable intoxication. Entre déshydratation, modification hormonale, libération de molécules inflammatoires et déséquilibre du taux de sucre dans le sang, la digestion de l’alcool exige un gros travail. D’abord du foie qui, dans le meilleur des cas, peut éliminer l’équivalent d’une bière ou d’un verre de vin par heure. Cette opération d’«assainissement» entraîne plusieurs mécanismes, dont certains demeurent méconnus. L’un des effets établis est la difficulté pour le cerveau à produire l’hormone antidiurétique (ADH), ou vasopressine, qui aide le corps à retenir l’eau. Sans elle, les reins envoient directement l’eau dans la vessie au lieu de la redistribuer dans l’organisme. Le corps puise dans ses réserves, notamment dans le cerveau, ça tire sur les membranes: c’est le mal de tête ou la douleur dans le bas du dos ou la nuque. Mais le déficit en vasopressine à lui seul serait insuffisant pour déclencher les effets de la gueule de bois.
Car celle-ci découlerait avant tout d’un empoisonnement. Le foie transforme l’alcool en un composé toxique, l’acétaldéhyde, ou éthanal, habituellement supprimé par un antioxydant, le glutathion. Sauf qu’à des concentrations élevées d’alcool, son stock se vide. L’acétaldéhyde non éliminé occasionne alors fatigue, troubles de concentration, vertiges, bouche sèche, sueurs…
L’abus d’alcool irrite aussi les muqueuses de l’estomac, en augmentant la libération d’acide gastrique. A la clé: des nausées et des vomissements.
Enfin, d’après les toxicologues, les signes de la gueule de bois collent à l’état d’hypoglycémie. L’alcool, c’est du sucre, et, lors d’un apport massif, le cerveau réagit en baissant le taux de sucre dans le sang. Résultat: une hypoglycémie, couplée à une déshydratation.
De récentes recherches tentent d’affiner la connaissance du processus. L’une d’elles démontre que le gin et la vodka, à prise égale d’alcool, provoquent moins de dégâts que les alcools bruns, comme le whisky. Une autre que des personnes présentant une variation du gène ALDH2, diminuant l’activité de l’enzyme chargée de transformer l’acétaldéhyde en acétate, non toxique, sont plus marquées par les effets de l’alcool. Mais la génétique n’explique pas tout. Aucun remède efficace n’existe. Seule méthode infaillible: éviter l’excès, boire de l’eau avant, pendant et après et respecter sa gueule de bois en faisant preuve de patience.