Faire du sport en soulevant des poids? Et puis quoi encore? N’hésitez pas, clament pourtant les experts qui ajoutent que tout le monde devrait régulièrement faire de la musculation. Même les patients sous chimiothérapie, les enfants et les centenaires.
L’ancien rameur international et actuel professeur de physiologie de l’effort Jan Bourgois (UGent) fête cette année ses 65 ans. Il pratique quotidiennement une activité sportive, que ce soit la marche, la natation, le vélo ou l’aviron. Mais il se rend également une à deux fois par semaine à la salle de sport pour entraîner ses muscles avec des exercices bien spécifiques. «Je fais encore exactement les mêmes exercices de musculation qu’à l’époque où j’étais dans l’équipe nationale d’aviron», raconte Jan Bourgois. «Je pousse toujours entre 180 et 200 kg sur la presse à cuisses».
Depuis des décennies, les scientifiques du sport et les athlètes savent à quel point les exercices de renforcement musculaire sont essentiels pour les performances sportives de haut niveau. Entre-temps, les sportifs amateurs ont également découvert l’importance du développement musculaire. Dans les salles de fitness, les cours collectifs ou les programmes personnalisés axés sur la puissance sont devenus très populaires. Les espaces dédiés aux tapis de course et aux vélos rétrécissent au profit de salles où hommes et femmes transpirent en rythme grâce à des exercices comme les squats, les dead hangs, les soulevés de terre et des mouvements impliquant des haltères, des poids ou des kettlebells.
«Une activité physique quotidienne est essentielle, explique le professeur Bourgois. Mais pas seulement un entraînement d’endurance quotidien comme courir, faire du vélo ou nager: il faut aussi faire de la musculation.» En vieillissant, les muscles s’affaiblissent, les os deviennent plus poreux et les tendons s’usent. Chez les femmes, qui ont naturellement moins de masse musculaire, ce déclin commence plus tôt que chez les hommes. «Les hommes peuvent maintenir relativement facilement leur force et leur masse musculaire jusqu’à l’âge de 50 ans, détaille-t-il. Après cela, il y a une légère diminution, et à partir de 60 ans, celle-ci devient beaucoup plus marquée. Chez les femmes, la force et la masse musculaire diminuent de manière linéaire à partir de 40 ans.» Vers l’âge de 70 ans, hommes et femmes ont perdu au moins 30% de leur masse musculaire.
Une vie de qualité
Des muscles et des os solides peuvent ralentir le processus naturel de vieillissement physique et permettre de rester mobile même à un âge avancé. «Et donc de continuer à mener une vie de qualité», explique l’athlète, scientifique du sport et entraîneur physique néerlandais Bas Van Hooren. «Pouvoir encore accélérer le pas pour attraper le bus, monter les escaliers, se lever sans effort du lit ou du canapé, ne pas se casser une hanche à la moindre chute, ne pas passer les dix dernières années de sa vie dans un fauteuil roulant… Pour cela, il faut vraiment maintenir ses muscles en forme.»
La combinaison de cardio et de musculation offre la meilleure protection contre les maladies.
Les connaissances scientifiques sur la manière dont le sport et l’exercice aident à prévenir et réduire les maladies, y compris certains types de cancer, ne cessent de s’accumuler. Mais la plupart des gens associent l’activité physique aux sports d’endurance. «Les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour les adultes, qui préconisent un minimum de 150 à 300 minutes par semaine d’activité physique modérément intense, sont largement connues. Mais elles concernent effectivement le cardio. L’accent mis sur la musculation n’est apparu qu’en 2010», explique Katrien De Cocker, professeure en sciences du sport et politiques de santé (UGent). Par conséquent, la recherche dans ce domaine est également moins avancée. Mais nous savons déjà que, en plus des heures que vous passez à marcher, courir, faire du vélo ou nager, la quantité d’exercices de renforcement musculaire réduit considérablement le risque de maladies cardiovasculaires et de diabète, ainsi que de troubles mentaux comme la dépression. De grandes bases de données montrent que c’est justement la combinaison du cardio et de la musculation qui offre la plus grande protection contre les maladies.»
Graisse abdominale
La musculation réduit la graisse abdominale, fait baisser le taux de sucre dans le sang et diminue la pression artérielle – autant de facteurs de risque pour les maladies chroniques. «Mais le fait est que la condition physique moyenne des gens se dégrade, constate Jan Bourgois. Jusqu’au début des années 1980, nous avions l’impression de gagner la bataille contre les maladies cardiovasculaires et chroniques. Mais avec l’arrivée des ordinateurs et des smartphones, la tendance s’est inversée. Les facteurs environnementaux comme la pollution et une alimentation malsaine jouent évidemment aussi un rôle, mais la cause principale reste le manque d’activité physique».
Les humains sont génétiquement programmés pour bouger suffisamment, affirme Jan Bourgois. S’ils ne le font pas, ils tombent malades. «Prenez le diabète de type 2. Il était autrefois appelé diabète de vieillesse, mais aujourd’hui, de plus en plus de jeunes en sont atteints.»
Bouteilles d’eau
Quelle quantité de musculation faut-il faire pour en ressentir les bénéfices pour la santé? C’est une question que l’entraîneur physique Bas Van Hooren reçoit régulièrement. «La réponse est simple: plus c’est fréquent, mieux c’est. Mais une fois toutes les deux semaines vaut toujours mieux que rien.» L’OMS recommande aux adultes de faire des exercices de musculation deux fois par semaine, et aux personnes âgées au moins trois fois par semaine.
Pour débuter, il suffit juste d’un tapis et de bouteilles d’eau, pour éventuellement alourdir les exercices destinés aux muscles des bras. Idéal pour ceux qui souhaitent commencer les exercices de musculation mais sont rebutés par l’idée de pratiquer dans une salle de sport. Cependant, pour une véritable musculation, il est nécessaire d’utiliser des appareils, des haltères ou d’autres poids. «Dans un premier temps, il est préférable de le faire sous la supervision de personnes qui s’y connaissent vraiment», explique Bas Van Hooren.
Pas de Pilates
Il n’est bien sûr pas nécessaire de soulever immédiatement 100 kilos. Il vaut mieux augmenter progressivement l’intensité des exercices, bien que le principe du «no pain, no gain» s’applique également ici. «Il est évidemment préférable que l’entraînement devienne un peu intense et difficile. Des haltères de deux ou trois kilos, ou des bandes élastiques si légères qu’elles ne peuvent même plus être considérées comme de la musculation, c’est une perte de temps», ajoute Bas Van Hooren.
Les exercices choisis, et le nombre de répétitions, importent peu pour le sportif amateur moyen, contrairement à un athlète de haut niveau qui souhaite améliorer ses performances sur des points très spécifiques. «Encore une fois, ce qui est beaucoup plus important, c’est de faire quelque chose», selon Bas Van Hooren. Cependant, lorsqu’il s’agit de développer la puissance, il déconseille les exercices de yoga ou de pilates, souvent présentés comme renforçant les muscles. «D’après mon expérience, la manière dont la plupart des gens pratiquent le yoga et les pilates représente une charge si légère qu’on ne peut pas vraiment les considérer comme de la musculation».
La musculation peut être bénéfique pour pratiquement tout le monde, et pas seulement les personnes en bonne santé. Pour de nombreux groupes de patients, elle est également recommandée pour la récupération. «Même pour les personnes sous chimiothérapie», précise Bas Van Hooren. La recherche montre que la chimiothérapie est beaucoup plus efficace lorsque les patients pratiquent également de la musculation. On pourrait même affirmer qu’il est presque contraire à l’éthique pour un médecin de prescrire uniquement une chimiothérapie sans recommander également la musculation. Elle peut atténuer de nombreux effets négatifs de la chimiothérapie.»
Musculation en famille
Il n’est jamais trop tard pour commencer la musculation. De nombreuses recherches la recommandent spécifiquement pour les personnes âgées. «Même des personnes de plus de 100 ans, qui n’ont jamais pratiqué la musculation de leur vie, peuvent encore progresser et gagner en vitalité», certifie Bas Van Hooren.
Une nouvelle tendance dans certaines salles de fitness, notamment dans le segment haut de gamme, est l’organisation de séances d’entraînement pour toute la famille – parents et enfants ensemble. Ce n’est pas une idée si absurde, selon Jan Bourgois. «Déjà dans les années 1990, j’ai publié un article sur l’utilité de la musculation encadrée pour les enfants. A l’époque, cela avait déclenché une petite tempête, car c’était soi-disant extrêmement dangereux. Mais il devient de plus en plus nécessaire d’investir dans ce domaine. Beaucoup de jeunes ne bougent plus et ne pratiquent plus de sport. Cela entraînera d’énormes problèmes de santé à l’avenir. Quand les enfants jouaient encore beaucoup à l’extérieur, ils développaient naturellement leur force et leur endurance. Maintenant, ils passent leur temps à fixer un écran.»
Flashy
L’activité physique fait également des merveilles pour la santé mentale. «L’impact positif des exercices d’endurance, de musculation et de souplesse sur le cerveau est immense», affirme le professeur Bourgois. «Cela fait trente ans que nous le savons. Lorsque je constate le nombre record de personnes souffrant de burn-out et les longues listes d’attente chez les psychiatres et psychologues, je me demande ce que nos politiciens attendent. Même des enfants de dix ans souffrent aujourd’hui de troubles alimentaires et de dépressions. Trouvons-nous cela normal? Pourtant, les politiques continuent de privilégier des solutions curatives, comme l’augmentation du nombre de psychologues, au lieu de rendre la population à nouveau en bonne santé grâce au sport et à l’activité physique.»
«Le seul problème avec la musculation dans les salles de sport, c’est que tout est devenu un peu trop flashy, explique Jan Bourgois. Avec de nouvelles séances d’entraînement et un jargon ronflant, alors que les meilleurs résultats s’obtiennent avec des exercices de musculation dont l’efficacité est prouvée depuis des décennies.»
Les politiques ne doivent pas miser sur l’augmentation du nombre de psychologues, mais sur le rétablissement de la santé de la population grâce au sport et à l’activité physique.
Les bottes de compression ne remplacent pas la musculation
Certaines salles de sport proposent aux femmes des tests hormonaux payants comme base pour un programme d’entraînement personnalisé. Cela s’inscrit dans ce qu’elles appellent la «scientifisation» du fitness, mais les scientifiques du sport considèrent cela principalement comme des arguments de vente pseudo-scientifiques.
Il en va de même pour l’attention croissante portée à la récupération après l’entraînement, avec des bains glacés, des thérapies à lumière rouge ou des bottes de compression. Bas Van Hooren a mené une étude sur ces méthodes de récupération pour le Kenniscentrum Sport en Bewegen aux Pays-Bas. «La conclusion est que quasiment toutes ces méthodes de récupération ne fonctionnent pas. C’est une grande idée marketing, et pour 99% des gens, c’est totalement absurde.» Combiner des séances d’entraînement avec une alimentation saine et un sommeil correct est largement suffisant pour la plupart des gens.
Quoi qu’il en soit, il est très probable qu’au cours des prochaines années, la population sera encouragée à inclure régulièrement des exercices avec des poids dans la vie quotidienne. «La force est tellement importante pour une bonne santé qu’il est à prévoir que le gouvernement développera et promouvra d’ici cinq à dix ans des programmes spécifiquement dédiés à la musculation, la « directive oubliée de l’activité physique », qui pourraient être intégrés dans les écoles ou les entreprises», conclut Katrien De Cocker.