Ils se détestent, mais ils vont devoir travailler ensemble. Après la renonciation d’Elke Van Den Brandt de former une majorité néerlandophone pour le gouvernement bruxellois, le scénario d’un coalition réunissant notamment le PS et la N-VA est de plus en plus probable. Les compromis s’annoncent complexes.
Le premier juin dernier, à une semaine du triple scrutin, le président du Parti Socialiste Paul Magnette rappelait que son parti demeurait « l’alternative » contre « un axe MR/N-VA« . 100 jours plus tard, un blocus quasi unanime à l’idée de d’inclure Fouad Ahidar (et sa team) au versant néerlandophone du gouvernement bruxellois et l’abandon de la formatrice Elke Van Den Brandt (Groen) dans sa mission de formatrice, le scénario d’une N-VA au gouvernement bruxellois devient de moins en moins improbable. Côté francophone, pour rappel, les jeux sont déjà faits, MR, Engagés et PS se sont d’ailleurs déjà mis d’accord pour gouverner ensemble et ont même pris les devants. Pour eux, la participation au prochain gouvernement semble donc inscrite dans le marbre. Le PS, et Les Engagés dans une autre mesure, seraient donc amenés pour la première fois à gouverner avec la N-VA. Cet alliage est-il compatible, ou s’oriente-t-on vers une inévitable « particip-opposition » ?
Le Ministre-Président sortant, Rudi Vervoort (PS) avait annoncé en janvier 2023 dans La Libre que le PS ne bloquerait pas les institutions bruxelloises si la N-VA devenait incontournable. Cette dernière ne l’est pas totalement, ce qui offre une marge de manœuvre aux socialistes dans les négociations. « Il faut voir comment la N-VA se montrera conciliante dans les négociations car elle souhaite gouverner, ou si elle vendra chère sa place car elle se sait inévitable, commente le directeur général du Crisp et docteur en sciences politiques, Jean Faniel. La N-VA conserve une vision institutionnelle de Bruxelles qui revient à la co-gestion de la région par les Wallons et les Flamands, ce qui ne convient généralement pas aux francophones, mais David Leisterh (président du MR bruxellois et formateur francophone du gouvernement régional, NdlR) a déclaré récemment que la région était gérée depuis trop longtemps par ceux qui y habitent. »
Le débat du survol persistera
En janvier 2023 toujours, Rudi Vervoort admettait que le PS pourrait réfléchir à une simplification de la Cocom (Commission communautaire commune) et de la Région. « Les craintes communautaires qui ont amené à la création de la Région bruxelloise n’ont plus lieu d’être. »
Contacté, l’actuel président du PS bruxellois, Ahmed Laaouej ne s’avance pas si vite, et attend de voir. « Je vois Cieltje Van Achter dire qu’elle veut une fusion des zones de police. On va déjà voir ce que donnera l’Arizona. »
Ce n’était déjà pas facile avec certains membres néerlandophones du gouvernement.
Mais un autre dossier historique de la région bruxelloise risque de s’envenimer un peu plus avec l’arrivée de la N-VA au sein de l’exécutif régional: le survol de Bruxelles. « Ce n’était déjà pas facile avec certains membres néerlandophones du gouvernement (sortant, Ndlr). La question, c’est de savoir qui défend les intérêts des Bruxellois, glisse Ahmed Laaouej. Un gouvernement, ce n’est pas qu’une feuille de route, c’est une question de dynamique« , assure le socialiste, posant ainsi la responsabilité sur les épaules des Engagés et, plus encore, sur celles du MR.
Si les francophones campent sur leurs positions dans ces deux dossiers structurant de la politique bruxelloise, ils seront probablement amenés à faire des concessions sur d’autres points. « Le Tijd fait sa une de ce matin sur l’intention du gouvernement flamand de réduire la déductibilité fiscale des titres-services pour en augmenter leur valeur faciale« , note Jean Faniel, ce qui pourrait être imité par la N-VA bruxelloise au sein d’un gouvernement. « Difficile à dire à ce stade si Cieltje Van Achter (présidente de la N-VA bruxelloise, NdlR) s’y accrocherait, mais le MR pourrait le demander. (…) Si Groen devait ne pas être dans la majorité bruxelloise, peut-être que le PS pourrait être déforcé dans le rapport gauche-droite au sein du gouvernement. Ce que le PS pourrait avoir gagné sur le report de la LEZ, il pourrait le payer avec le départ d’Elke Van Den Brandt des négociations.«
Sylvain Anciaux