Les cheveux, ce sont un peu comme des feuilles d’arbre. À un moment, ils meurent et finissent par tomber. Une chute qui peut être saisonnière… et inquiétante. Ce que les industriels de la cosmétologie ont bien compris, proposant moult traitements aux promesses plus incroyables les unes que les autres. Mais sont-ils réellement efficaces?
Pas un automne ne passe sans que la chute des cheveux ne fasse la une (de la presse féminine, surtout). Un marronnier, dans le jargon journalistique. En l’occurrence un marronnier qui perdrait ses feuilles, que l’on essaierait à tout prix d’empêcher de tomber, à coup d’astuces et de traitements divers et variés.
En moyenne, une personne perd entre cinquante et cent cheveux par jour, explique le Dr. Jean-Jacques Stene, dermatologue au CHU Saint-Pierre, à Bruxelles. Mais parfois, ce nombre augmente, et il est compréhensible de s’inquiéter lorsque, sous la douche, un nombre important de cheveux est récupéré au fond du siphon. Ou lorsqu’ils se retrouvent par touffes, coincés entre les dents de la brosse. Mais tout cela s’explique, car dans certains cas, la chute est physiologique. La répartition des cheveux dans les trois phases du cycle de vie pilaire est alors modifiée.
Un cheveu, un cycle de vie, trois phases
La première, la phase anagène, est celle de la croissance. Elle dure entre deux et cinq ans durant lesquels le cheveu naît dans le follicule pileux, cette petite cavité, berceau de tous poils. En moyenne, le cheveu pousse à une vitesse de 0,3 à 0,5 millimètre par jour, soit un centimètre par mois et douze à quinze centimètres par an. La deuxième phase est appelée catagène ; c’est celle du repos. Sur une courte période de deux à trois semaines, la pousse est très ralentie, voire arrêtée, et les chutes sont rares. Arrive enfin la phase télogène, celle du «décès». C’est durant cette période de trois mois que les cheveux tombent, poussés par de nouveaux bulbes en développement.
Sur une même tête, tous les cheveux n’entrent pas dans l’une ou l’autre de ces phases en même temps. Dans des conditions normales, environ 80% se trouvent en phase anagène, 15% en phase télogène, et le reste est en phase catagène. Mais dans le cas d’une répartition modifiée, le pourcentage de cheveux en phase télogène peut être plus important. Ce qui signifie une chute plus abondante.
Un simple rééquilibrage
Concernant la chute saisonnière, l’analogie avec les feuilles qui tombent n’est pas erronée. «En général, durant l’été, un plus grand nombre de cheveux entrent dans la phase de repos, et à l’arrivée de l’automne, ceux-ci finissent par tomber», explique la dermatologue et spécialiste des pathologies du cheveu et du cuir chevelu au CHU de Liège, Charlotte Castronovo. Et le Dr. Jean-Jacques Stene de préciser: «Il s’agit tout simplement d’un rééquilibrage. Les cheveux qui ne sont pas tombés durant l’été tombent en automne. Idem en hiver, où certains cheveux sont au repos, et au printemps, où ceux-ci entrent en phase télogène.» «Cette forme de perte de cheveux (NDLR: appelée effluvium télogène) dure généralement trois mois et est auto-résolutive», précise la Dr. Castronovo.
La perte de cheveux est souvent source de détresse chez les patients et c’est vendeur. Un peu comme les produits anti-âge.
D’autres situations peuvent s’accompagner d’un pourcentage plus important de cheveux en phase télogène et perturber le cycle pilaire. C’est le cas après un accouchement, par exemple, où la femme connaît une chute hormonale brutale menant le cheveu à entrer prématurément en phase télogène. Un phénomène observé également chez les patients ayant eu recours à un bypass qui a entraîné une perte de poids importante, chez les personnes ayant présenté un épisode infectieux important (le Covid-19, par exemple), celles sujettes à un dérèglement de la glande thyroïde, ou encore celles présentant des carences. «La carence en fer peut être associée à une chute de cheveux. On peut l’observer chez les femmes en période de menstruation et chez les personnes végétariennes», commente le Dr. Stene.
Les causes de la chute de cheveux sont multiples et varient en fonction du patient. «Certaines ne justifient pas de traitement, mais lorsque la perte dure plus de trois mois, qu’elle affecte le cuir chevelu de manière localisée ou qu’elle s’associe à d’autres signes cliniques comme des démangeaisons, il faut consulter», indique la dermatologue.
Des traitements (presque) inefficaces
Les traitements contre la chute temporaire des cheveux sont nombreux. Compléments alimentaires en gélules ou à boire, sérums et shampoings, tous promettent globalement la même chose: retrouver des cheveux sains, forts, brillants, et surtout, (re)gagner en volume grâce à une croissance capillaire accélérée. Sont-ils efficaces, ou s’agit-il simplement d’un argument marketing pour faire vendre? Un peu des deux, selon Charlotte Castronovo.
«La perte de cheveux est souvent source de détresse chez les patients et c’est vendeur. Un peu comme les produits anti-âge ou les compléments alimentaires d’aide à la perte de poids. Les gens veulent un remède et se jettent sur toutes les solutions possibles pour résoudre leur problème», indique-t-elle. Les fabricants de ces produits en automédication l’ont bien compris. «De nombreux compléments alimentaires contre la chute de cheveux sont proposés en cure de trois mois. Or, dans le cas précis de la chute saisonnière, la perte de cheveux a tendance à s’amender spontanément au terme de trois mois», avance la spécialiste. Elle précise que ces traitements peuvent amender la qualité de la fibre, mais ne sont pas la cause de la repousse. Le Dr. Stene rejoint l’avis de sa consœur, précisant que si ces produits peuvent améliorer la qualité du cheveu, c’est parce que «la plupart des compléments alimentaires contiennent des acides aminés soufrés qui peuvent améliorer la kératine ».
Le dermatologue est moins tendre avec les lotions en vente libre dans le commerce, qu’il juge inutiles. «Aucune étude scientifique valable sur le sujet ne prouve que ce type de produit est efficace », assure-t-il. Quant aux shampoings, ils sont encore moins efficients que les autres traitements, selon lui. Il rejoint ainsi son homologue français Pascal Reygane, dermatologue et directeur d’une unité spécialisée dans les pathologies du cheveu à l’hôpital Saint-Louis, à Paris. Interrogé par l’UFC-Que choisir, l’expert assure qu’il est «impossible qu’un simple shampoing ait des effets anti-chute». D’après lui, le temps de contact entre le produit et le cuir chevelu n’est pas suffisant pour permettre aux ingrédients d’agir. Tout au plus, ces produits capillaires amélioreraient l’aspect du cheveu.
Qu’il s’agisse d’une chute de cheveux saisonnière ou réactionnelle liée à un problème métabolique, le cheveu finira par repousser.
Depuis 2007, l’Agence européenne de sécurité alimentaire (EFSA), par le règlement (CE) n°1924/2006, n’autorise aucun fabricant à alléguer que ses produits ont des effets sur la santé sans que ces informations n’aient été vérifiées et que la EFSA n’ait marqué son accord. Le SPF Santé publique précise qu’il est autorisé d’avancer des arguments tels que: «Pour la beauté du cheveu», «pour des cheveux brillants», qui sont des appréciations purement esthétiques. «Par contre, les allégations concernant la pousse des cheveux ou encore « pour des cheveux brillants de santé » sont considérées comme des allégations de santé tombant sous le règlement», ajoute-t-il.
La patience est mère de toutes les vertus
«Face à une chute de cheveux débutante, des cures peuvent être prises afin d’éviter le rendez-vous médical, indique la Dr. Castronovo. Mais si au bout de trois à six mois, le patient ne perçoit aucun changement, il doit se rendre chez un médecin.Chez certaines personnes, la cause peut être une carence nutritionnelle ou un trouble hormonal. Dans de tels cas, après exploration des causes, je préfère très largement prescrire des compléments spécifiques. Les causes d’une chute de cheveux sont multiples, et les réponses le sont tout autant.»
«Qu’il s’agisse d’une chute de cheveux saisonnière ou réactionnelle liée à un problème métabolique, le cheveu finira par repousser. Dans ce deuxième cas, il est toutefois nécessaire de régler le problème initial. Quoi qu’il en soit, le tout est de faire preuve de patience», conclut le Dr. Stene.