Incapacité à perdre du poids ne signifie pas toujours manque de motivation. Certes, les kilos superflus viennent bien de quelque part. Mais pas toujours de là où on pense. Et si c’était lié aux hormones?
La prise de poids est souvent mal vécue par celui qui observe l’aiguille de la balance pointer chaque jour un peu plus vers l’Est. Ces kilos supplémentaires, que l’on a vite tendance à attribuer à de la gloutonnerie ou à la sédentarité, peuvent être le signe d’un dérèglement du métabolisme. Des facteurs extérieurs comme l’anxiété, la dépression, un traitement médical ou le non-accès à une alimentation équilibrée peuvent faire partie du problème. Mais dans certains cas, ce sont bien les hormones qui viennent mettre la pagaille.
Les variations hormonales sont l’une des causes cachées d’une prise de poids inexpliquée. Plusieurs hormones sont impliquées dans la gestion de la faim. Hormone de la satiété par excellence, la leptine joue un rôle prépondérant dans l’équilibre énergétique. Produite par le tissu adipeux et par certains organes, dont l’estomac, elle informe le cerveau sur le niveau des réserves énergétiques, notamment lorsque l’organisme doit s’adapter à des changements, qu’ils soient comportementaux ou environnementaux. Lorsque la nourriture ingérée arrive dans l’estomac, les parois de celui-ci sécrètent immédiatement de la leptine, en synergie avec une autre hormone produite par l’intestin grêle, la cholécystokinine. C’est elle aussi qui favorise l’assimilation des protéines et limite le stockage des lipides dans les tissus adipeux.
Les patients qui présentent une résistance à la leptine ne se sentent jamais rassasiés.
Message brouillé
Chez l’humain, le tissu adipeux est constitué à plus de 95% de graisse blanche. Selon la morphologie et le genre de l’individu, le tissu adipeux sous-cutané (à distinguer du tissu adipeux viscéral, qui entoure les organes) se concentre sur la ceinture abdominale, les hanches, les cuisses, les fesses ou les épaules – c’est de lui qu’on aimerait se débarrasser. La leptine est également impliquée dans le fonctionnement des systèmes reproductif, immunitaire et dans le métabolisme osseux.
Un déficit de leptine, partiel dans la plupart des cas, peut être à l’origine d’un déséquilibre hormonal. Le phénomène s’observe principalement chez les enfants et a pour conséquence de les rendre obèses. Des études ont montré que chez ces jeunes patients, des injections de leptine permettaient de réguler l’appétit et aidaient à réduire spontanément leurs apports alimentaires.
La présence de l’hormone en trop grande quantité n’est pas plus souhaitable, car le résultat sera identique: une prise de poids incontrôlée. L’organisme risque, en effet, de développer une résistance à l’hormone. Cette leptino-résistance brouillera, en quelque sorte, le message de satiété, ce qui aura pour effet de retarder la sensation d’avoir l’estomac plein.
«Chez les patients présentant une résistance à la leptine, on observe une réelle incapacité à contrôler leur consommation. Ils ne se sentent jamais rassasiés alors qu’ils ingèrent de grandes quantités de nourriture. Lorsque ce type de comportement apparaît chez des enfants ou des adolescents et que d’autres causes ont été écartées, on suspecte généralement un déséquilibre hormonal», décrit la Dr Laura Iconaru, responsable de la clinique d’endocrinologie du CHU Brugmann.
La leptine est étroitement liée à une autre hormone, la ghréline. Deux «sœurs» que tout oppose puisque le rôle de la seconde est de stimuler l’appétit. Libérée par l’estomac et agissant sur l’hypothalamus, elle active la production de dopamine, la molécule du plaisir, et ainsi le circuit de récompense. Celui-là même qui pousse à se ruer sur le sucre, à se servir un verre de vin ou à allumer une cigarette après une journée éprouvante, en quête d’un sentiment de bien-être.
Des recherches ont montré que d’autres mécanismes impliquant la ghréline empêchaient les patients obèses de perdre du poids alors qu’ils s’astreignaient à un régime drastique. Ces patients présentaient pourtant un taux de ghréline habituel, voire bas. Il est apparu que cette hyperphagie paradoxale était liée à la présence de certains anticorps dans leur organisme ayant une affinité plus forte avec l’hormone de la faim. En se liant à la ghréline, ces anticorps la protègent d’une dégradation rapide dans la circulation, ce qui prolonge la sensation de faim.
Un choix orienté?
Une étude parue fin 2023 dans Cell a aussi mis en évidence la manière dont la ghréline agit sur l’hippocampe, région du cerveau qui exerce un rôle central dans la mémoire à court terme. L’expérience consistait à mettre des souris affamées et d’autres, repues, en présence de nourriture et à mesurer leur activité neuronale. Il est apparu que chez les souris qui n’avaient pas faim, et qui se sont abstenues de manger, un type de cellules présentes dans l’hippocampe a augmenté à l’approche de la nourriture. Tandis que les souris affamées présentaient une activité neuronale nettement moins intense. Les chercheurs en ont déduit que la ghréline stimulait non seulement l’appétit mais qu’elle était capable d’influencer directement la région du cerveau responsable de nos prises de décisions. Des recherches complémentaires sont à présent menées pour savoir si la faim peut exercer une influence sur le fonctionnement de la mémoire et sur la capacité d’apprentissage, comme le fait le stress ou le manque de sommeil.
Le stress, justement, est loin d’être un allié dans le maintien du poids de forme. Lorsqu’il se fait chronique, il met l’organisme à rude épreuve. Les déséquilibres hormonaux qu’il provoque ont des répercussions sur la vitalité et sur l’équilibre psychique mais aussi sur la silhouette. Un excès de cortisol, cette hormone libérée par les glandes surrénales, aura pour effet de stimuler l’appétit, de favoriser le stockage des graisses, principalement dans la région abdominale, de faire fondre notre masse musculaire et de nous guider vers des aliments réconfortants, plus sucrés et plus gras. L’exposition au stress prolongé constitue, en outre, un facteur de risque de diabète de type 2. Lorsqu’elles sont déréglées, les hormones impliquées – le cortisol, l’adrénaline et la noradrénaline – peuvent perturber l’équilibre glycémique des diabétiques. La surcharge pondérale peut elle-même être à l’origine de désordres hormonaux puisqu’elle favorise la résistance à l’insuline et force le corps à en produire de manière excessive. Or, les chances de perdre du poids sont particulièrement faibles lorsque l’insuline est instable.
Aucune étude n’a réellement établi de lien entre la pilule contraceptive et une prise de poids.
Hormones en berne
Perdre du poids, ou éviter d’en prendre, ne demande pas les mêmes efforts à tout âge. L’appétit vorace d’un enfant en pleine croissance est en général bon signe. Mais si la nature est bien faite, elle peut s’avérer plus cruelle à d’autres périodes de la vie. Les variations hormonales, surtout chez les femmes enceintes ou ménopausées, peuvent rapidement faire grimper leur IMC. Pendant la grossesse, les œstrogènes et la progestérone sont déchargées de la gestion des cycles hormonaux. Durant la période de gestation, leur nouveau job consiste à favoriser le stockage des graisses en vue de l’allaitement et à retenir l’eau dans les tissus. Et la pilule, alors? C’est souvent la crainte exprimée par les jeunes femmes lorsque le choix d’un moyen de contraception s’impose. «Aucune étude n’a réellement établi de lien entre la pilule contraceptive et une prise de poids. Si des kilos apparaissent, c’est sans doute parce que le médicament n’est pas adapté à l’organisme, qu’il faut s’orienter vers un autre», évalue la Dr Iconaru.
Les changements corporels liés à la ménopause et à la périménopause, en plus d’être encore relativement tabous, ne sont pas forcément mieux vécus. Cette fois, c’est la chute de la production d’œstrogènes, tandis que la testostérone continue à être sécrétée à faible dose, qui provoque une nouvelle répartition de la graisse, laquelle a tendance à se loger au niveau de l’abdomen. D’où l’effet bedon. Une tendance à l’embonpoint qui s’observe également chez les hommes à l’andropause. Dans leur cas, c’est bien sûr la chute de testostérone qui favorise le stockage des graisses au niveau du torse.
Chez un sujet plus jeune, la part de masse graisseuse représente 20% à 25% du poids. A la ménopause, elle est davantage de l’ordre des 30%. La fonte des muscles et le ralentissement du métabolisme, qui implique que tout écart alimentaire se paie cash, participent également au changement de silhouette.
En hyperthyroïdie pour mincir?
Un dysfonctionnement de la thyroïde peut aussi expliquer une fluctuation pondérale. Dans le cas de l’hypothyroïdie, les hormones sécrétées par les glandes ne sont pas assez présentes pour assurer le bon fonctionnement de l’organisme. La fatigue s’installe, les crampes musculaires se font sentir, la tolérance au froid diminue… Le corps tourne au ralenti et ne brûle plus autant de calories. L’excédant file alors dans les tissus adipeux et les kilos s’installent.
L’accélération du rythme cardiaque, les palpitations, les bouffées de chaleur, les troubles du sommeil et une baisse de la libido sont, a contrario, les signes d’une thyroïde qui tourne à plein régime. La perte de poids, malgré un appétit augmenté, est la conséquence logique de cette hyperactivité de la glande endocrine.
Fondre rapidement et sans se fouler? Tentant mais dangereux. «Il m’arrive de recevoir en consultation des patients présentant une hyperthyroïdie inexpliquée. Quand on les interroge sur leurs résultats sanguins, ils expliquent qu’ils prennent des hormones pour se mettre en état d’hyperthyroïdie afin de perdre du poids, déplore la Dr Iconaru. Ils ne se rendent pas compte qu’ils augmentent le risque d’arythmies cardiaques, d’infarctus et d’ostéoporose. Et, pour la testostérone, d’être moins fertiles.»