Un rapport d’experts propose de restructurer les hôpitaux en quatre niveaux, avec des missions clarifiées et des collaborations obligatoires sur dix ans (2026-2036). Ils vont désormais consulter le secteur avant d’arrêter les grandes lignes politiques d’ici juin 2026.
Selon les experts chargés de dessiner les contours d’une réforme du paysage hospitalier, l’idéal serait de catégoriser les hôpitaux en quatre «niveaux», avec une répartition claire des tâches et une collaboration obligatoire entre les différents niveaux. De l’«hôpital général régional» au «centre médical local», le monde de l’hôpital aurait dix ans pour se transformer, de 2026 à 2036.
Niveau 1: l’hôpital général régional
Le niveau le plus élevé, celui de l’hôpital général régional, doit pouvoir proposer des soins «programmés et non programmés», pour un suivi complet du patient. Cela suppose un service d’urgences, des «services médicaux et médico-techniques complets», une capacité «suffisante» et la «possibilité de renforcer son activité en situation de crise». Pour des soins plus complexes, l’hôpital pourrait renvoyer vers un établissement spécialisé, mais resterait en charge du suivi et des soins courants. Les experts proposent comme critères de taille un minimum de 240 lits (d’ici 2031) dont 150 «aigus» (180 en 2031), ou encore au moins 600 accouchements par an s’il y a une maternité.
Niveau 2: le CHU
Vient ensuite l’hôpital universitaire ou CHU. Il doit répondre aux mêmes exigences médico-cliniques que l’hôpital général régional, mais y ajoute sa mission d’enseignement, de formation et de recherche. Comme l’hôpital régional, le CHU peut être reconnu en tant que centre d’expertise pour certaines affections complexes. Les maladies rares lui sont d’ailleurs réservées.
Niveau 3: le centre médical local
Le centre médical local serait équivalent à ce qu’on appelle aujourd’hui un «hôpital de jour». Il s’agit d’un maillon essentiel du réseau, à favoriser autant que possible pour toute intervention qui peut se faire en ambulatoire, précisent les experts. C’est donc le lieu des «soins ambulatoires spécialisés programmés»: chirurgie de jour, consultations, dialyse low-care, suivi du diabète, éventuellement réadaptation ambulatoire, etc. Le centre peut aussi organiser l’hospitalisation à domicile dans les environs, ou encore héberger un poste de garde en médecine générale s’il n’y a pas d’hôpital général tout près.
Niveau 4: le HSI
Reste l’hôpital de soins intermédiaires (HSI), spécialisé dans la réadaptation et la phase suivant l’hospitalisation. Il pourrait être intégré à un HGR ou un CHU, ou en être séparé géographiquement, avec dans ce cas un minimum requis de 90 lits.
Les centres médicaux locaux et les hôpitaux de soins intermédiaires devraient obligatoirement être rattachés à un seul hôpital, qu’il soit HGR ou CHU, avec une seule stratégie, ainsi que des protocoles définis pour les transferts et les urgences.
Trop d’hôpitaux touche-à-tout
Le groupe d’experts a présenté son rapport à la Conférence interministérielle Santé publique, sous le titre «Changer pour préserver». Les différents ministres en charge de la Santé vont désormais à leur tour se tourner vers divers organes consultatifs, qui pourront donner leur avis sur les critères proposés pour chaque type d’établissement, l’adéquation avec les besoins de la population, etc.
Avant de définir les recommandations, les experts ont d’abord analysé la situation telle qu’elle est aujourd’hui, identifiant «forces, faiblesses, opportunités et menaces». Parmi ces dernières: la pression budgétaire, le déconventionnement des prestataires de soins qui se tournent vers des structures privées, ainsi que le vieillissement de la population (qui a besoin de davantage de soins). Au rayon des «faiblesses»: la pénurie de professionnels, ou encore un financement à l’acte qui entraîne une surconsommation de soins.
Mais aussi une offre de soins très, trop, «fragmentée». Il y a «trop d’hôpitaux qui “veulent continuer à tout faire” alors que les soins deviennent de plus en plus complexes et spécialisés», résument les auteurs. Particulièrement pour les services qui doivent tourner en permanence, cela aboutit à une utilisation «inefficiente» des moyens.
Des urgences limitées à certains hôpitaux
Le groupe d’experts vise ici entre autres les services d’urgence. C’est d’ailleurs un autre volet de la réforme qu’ils proposent: les services d’urgence seraient réservés aux hôpitaux universitaires ou hôpitaux généraux régionaux, qui ont donc une certaine taille. Mais le renvoi vers ces structures devrait être mieux organisé, pour éviter d’y amener des personnes qui ont en réalité besoin d’un médecin généraliste, par exemple.
Les numéros 112 (urgence) et 1733 (service de garde) renverraient ainsi à une même centrale d’appel chargée d’évaluer l’urgence et de renvoyer vers l’acteur adéquat: «médecin généraliste, poste de garde, ambulance, PIT (équipe d’intervention paramédicale), SMUR, ou service d’urgence du HGR ou CHU».
Par ailleurs, les experts recommandent aussi de désigner des centres d’expertise pour les «soins cliniques hautement complexes». Un centre doit alors concentrer l’infrastructure nécessaire, un niveau d’activité suffisant dans sa spécialité, une équipe multidisciplinaire compétente, etc. Une commission indépendante serait chargée de reconnaître les centres d’expertise et de contrôler.
Première échéance: 2031
Étalée sur dix années, cette réforme devrait bien sûr se faire avec des mesures d’accompagnement (entre autres financier), et le groupe d’experts prévoit aussi une «aide à la prise de décision politique». En gros, un modèle que le KCE a développé, et qui permet de cartographier l’offre de soins hospitaliers actuelle. Sur cette base, 39 sites qui ont pour le moment des lits «aigus», mais en nombre trop limité, devraient se transformer d’ici 2029. C’est-à-dire, dans la plupart des cas, réduire leur activité et abandonner les lits aigus, pour devenir finalement un centre médical local, sauf s’ils fusionnent avec d’autres sites et rationalisent.
Les normes «définitives» pour être hôpital général régional ou CHU sont définies pour 2031. D’ici là, il y aura inévitablement un transfert de patients des hôpitaux plus limités en taille (ceux qui doivent se transformer) vers les lits aigus des structures qui sont actuellement encore juste sous les normes à atteindre. La ligne du temps envisagée propose un état des lieux en 2031, à mi-parcours, pour voir si l’accompagnement financier est suffisant, ou encore s’il est possible d’encore relever la norme pour les HGR et CHU au-delà des 180 lits aigus justifiés.
Améliorer la qualité des soins
Dans un communiqué transmis mercredi, la CIM Santé publique se donne pour objectif de définir les grandes lignes politiques de la réforme «d’ici la fin juin 2026». Elle se nourrira du rapport, mais aussi des retours des organes qu’elle entend consulter à ce sujet: Conseil fédéral des établissements hospitaliers, Conférence des hôpitaux académiques de Belgique (CHAB), médecins généralistes et urgentistes, Aviq, Conseil des Hôpitaux Universitaires, etc.
Les ministres notent déjà que la réforme proposée est «intéressante». «L’objectif est de redéployer l’offre hospitalière, en améliorant la qualité des soins à haut degré de spécialisation (via la concentration de certains soins spécialisés) tout en maintenant l’accessibilité sur le territoire pour les soins standards (programmés). La question est donc de mieux programmer sur le territoire et de mieux répartir l’offre, tout en évitant les concurrences stériles.»
La tâche ne sera cependant pas simple, et les ministres de la Santé préviennent que la «temporalité» sera essentielle. «Il faudra une concomitance entre la réforme du financement et la réforme du paysage. Les entités fédérées doivent avoir une vision claire de la réforme portée par le fédéral afin de pouvoir établir un planning pour leur territoire pour les quinze prochaines années a minima», mettent-ils en garde de manière commune.




