jeudi, décembre 12

De plus en plus de Belges consentent explicitement à faire don de matériel corporel humain après leur mort. Une déclaration qui permet de clarifier la position du défunt quant à la possibilité de donner ses organes. Comment s’y opposer? Jusqu’à quel âge une personne est-elle donneuse potentielle? Le point en sept questions.

«Attendre la greffe d’un organe est un combat quotidien. Cela consiste à vivre en sachant qu’il existe une solution miraculeuse à ses problèmes de santé, être sur une liste d’attente pour la recevoir, mais ne pas savoir quand ce sera le cas», résume Olivier Detry, chirurgien transplanteur au CHU de Liège et ancien président de la Société belge de transplantation.

Très encadré, le don d’organes ou de matériel corporel humain (peau, os…) repose sur une loi de 1986, complétée notamment d’un arrêté royal de 2009, définissant les contours du prélèvement et de la transplantation d’organes. Si tous les résidents du pays sont considérés comme donneurs potentiels, de plus en plus de Belges s’enregistrent volontairement comme donneurs de matériel corporel humain après leur décès. Au total, près de 480.000 personnes ont manifesté leur consentement explicite, pour plus de 200.000 refus enregistrés, selon le rapport de la base de données fédérale Orgadon pour l’année 2023.

«Un organe supplémentaire disponible, c’est une vie sauvée. Un de moins, ce sera une vie perdue, précise encore le chirurgien. Aujourd’hui, il n’a jamais été aussi facile de s’inscrire comme donneur potentiel. Cela évite de faire reposer la charge de cette décision sur la famille endeuillée, dans un moment forcément compliqué.»

Une décision lourde, encore parfois taboue et difficile, qui soulève d’autres interrogations. Sept questions pour mieux démêler les enjeux autour du don.

1. Comment peut-on approuver ou s’opposer au don de matériel corporel humain?

«La Belgique se base sur une présomption d’acceptation du don. C’est « qui ne dit mot consent ». On cherche donc à savoir si la personne avait fait part de son avis sur la question, officiellement ou auprès de ses proches. Dans 90% des cas, cette information n’est pas enregistrée dans la base de donnée Orgadon et il faut donc interroger la famille», explique Olivier Detry.

La procédure pour notifier cet avis n’a jamais été aussi simple en Belgique. Outre la déclaration via sa commune ou celle chez son médecin généraliste, il est possible de faire part de son consentement, ou opposition, sur le portail masanté.be ou clicpourledondorganes.be.

2. La famille peut-elle modifier la demande du donneur?

L’inscription dans une base de données clarifie les intentions du donneur potentiel et ne peut, a priori, pas être contestée par les proches après le décès. «C’est la théorie, précise le chirurgien du CHU. Si la personne est contre, il n’est évidemment pas possible de faire modifier cette demande. En revanche, il y a une latitude si la personne avait marqué son accord et que les proches sont totalement opposés. Nous pourrions passer outre, mais on s’abstiendra par respect. Il y a encore environ 30% de refus en Belgique. Et c’est une réaction humaine et logique de dire non lorsqu’une personne proche disparaît brutalement.»

3. Quelles sont les étapes entre le décès et le don?

Avant tout prélèvement sur une personne décédée, le décès doit être constaté par trois médecins indépendants des équipes de transplantation, en se basant sur les critères médicaux les plus récents.

La famille sera ensuite avertie de la possibilité de faire du défunt un donneur potentiel. Des vérifications sur d’éventuelles contre-indications seront effectuées, la condition médicale et l’historique du défunt avant son décès sont analysés. Des tests sont ensuite effectués (prise de sang, scanner, etc.) pour vérifier si le don est possible et sans danger pour le receveur.

4. À partir de quel âge peut-on être donneur?

Pour faire un don de son vivant, le donneur doit normalement être majeur et avoir donné son consentement libre et éclairé. Mais dans des cas spécifiques, un don de son vivant peut être effectué chez des plus jeunes: «Un mineur âgé d’au moins 12 ans peut donner des cellules ou des tissus régénérables, à condition qu’il s’agisse d’une transplantation destinée à un frère ou une sœur et que le mineur soit capable de manifester sa volonté», précise la loi.

Il est également possible en dessous de cet âge d’être donneur en cas de décès. Il s’agira alors plus d’évaluer la maturité des organes. «Un prélèvement sur un enfant est possible, même très jeune, ce n’est pas vraiment un critère. Mais il y a évidemment la question de la taille de l’organe, qui ira plutôt à un enfant du même âge», ajoute encore Olivier Detry.

Si un parent inscrit son enfant mineur pour marquer l’opposition au don de matériel corporel humain, celui-ci sera radié d’office à 18 ans, afin de laisser un libre choix une fois la majorité atteinte.

5. Jusqu’à quel âge peut-on donner des organes?

«Fondamentalement, il n’y a pas de limites d’âge. Il est possible de s’inscrire comme donneur même passé 60 ans si c’est un souhait. Mais la transplantation se fera avec une certaine logique. Le prélèvement de certains organes qui ne vieillissent pas, par exemple le foie, sont acceptables sur une personne de 80 ans. En revanche transplanter un cœur d’une personne de 90 ans sur un trentenaire a moins de sens», explique le chirurgien.

L’âge moyen des donneurs a eu tendance à augmenter au fil des ans. «C’est notamment le fait de l’augmentation de la sécurité routière, doit-il constater. Il tourne aujourd’hui plutôt autour de 60 ans.»

(Suite de l’article sous l’infographie)

6. Que peut-on transplanter?

Outre les organes (foie, cœur, poumon, rein, pancréas), la transplantation de tissus, d’os, de peau, de cornée ou encore de vaisseaux sanguins sont possibles. C’est pour cela que le terme «matériel corporel humain» complète désormais le plus générique et plus connu «don d’organes».

En Belgique, les cœurs sont les plus recherchés, car les conditions à réunir pour une greffe sont plus complexes, l’âge du donneur sera déterminant, notamment. Les reins sont quantitativement les plus demandés, avec environ 1.200 personnes sur liste d’attente en Belgique.

7. Y a-t-il beaucoup de dons transfrontaliers?

La Belgique fait partie d’Eurotransplant, un réseau de huit pays à travers l’Europe qui peuvent mutualiser les recherches d’organes afin d’aider un maximum de patients en attente d’une greffe. Le système fonctionne avec une forme de compensation, afin d’assurer un certain équilibre entre les prélèvements qui sortent du pays et ceux qui entrent. La balance dépendra évidemment du taux de décès enregistrés dans le pays ainsi que des urgences qui nécessitent parfois de recevoir plus à un moment précis.

«Environ 80% des prélèvements restent en Belgique, précise Olivier Detry. Ce sont les reins les plus échangés entre ce réseau de pays. Les conditions de préservations ont fait d’énormes progrès, ce qui est crucial car chaque heure qui passe va évidemment dégrader l’organe ou le matériel corporel.» Un cœur reste ainsi viable environ quatre heures, un foie six heures, un rein entre 18 et 24 heures.

Pour en savoir davantage sur le don d’organes et de matériel corporel humain, la plateforme clicpourledondorganes.be contient de nombreuses informations. Outre l’aide à une personne en attente d’une greffe, il est possible également de donner des organes pour la recherche médicale ou scientifique.

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