vendredi, octobre 18

La gamme de produits végé ne cesse de s’étoffer. Les bénéfices pour la santé des charcuteries et fromages à base de protéines végétales sont toutefois très variables.

Dans les rayons, ils font illusion. Gouda, camembert, saucisson, lardons, américain préparé, salade de la mer ou poulet curry : tous ces produits ont l’apparence du fromage, de la charcuterie ou de salades à tartiner, à cette différence près qu’ils ne contiennent pas un gramme de viande, ni de poisson. Et pour certains, zéro lactose. Ils sont 100% végé.

Une petite révolution dans le monde de l’agroalimentaire qui fait l’objet de nombreuses discussions, principalement sur l’emploi de termes jusque-là réservés aux produits laitiers ou issus de pièces de boucherie. Si certains de ces produits sont parfois identifiés à l’aide de mots-valises tels que fakon (pour fake bacon) ou fauxmage, d’autres appellations sont plus ambiguës. En France, il est désormais interdit d’utiliser des dénominations réservées aux produits d’origine animale pour désigner des produits à base de protéines végétales. En Belgique, ce n’est pas le cas.

Ce dont on parle moins, c’est de l’aspect nutritif. Que contiennent ces produits transformés et sont-ils bons pour la santé ? Lire les étiquettes relève parfois du décryptage, tant la liste des ingrédients peut être longue et énigmatique. La composition de cette alternative au gouda choisie au hasard dans la grande distribution mentionne la présence d’huile de coco (20 %), d’amidon modifié, de sel marin, de dextrose, de phosphate de calcium, d’arôme de gouda, d’extrait d’olive, de régulateur d’acidité, de colorant et de vitamine B12. Dans les lardons végétaux, se trouvent essentiellement de la protéine de soja réhydratée (82 %), de l’huile de tournesol, du sel, des arômes naturels, des colorants et des correcteurs d’acidité. Au final, que met-on en bouche ?

“Les valeurs nutritives, on les connaît. La teneur en protéines, en lipides et en glucides est clairement affichée. Mais c’est un peu plus compliqué que cela…”, amorce Nicolas Guggenbühl, professeur en nutrition et diététique à la Haute école Léonard de Vinci. “La question qui se pose aujourd’hui, c’est justement le manque d’informations au-delà des valeurs nutritives pour jauger de leur intérêt pour la santé. D’autant qu’il existe une grande hétérogénéité dans les produits, selon la gamme ou la marque. Cela vaut autant pour les alternatives à la charcuterie que pour celles au fromage, dont la teneur en sel ou en acides gras insaturés peut être assez élevée, voire plus élevée que le produit auquel il se substitue.” Certaines charcuteries, comme le jambon blanc ou le filet de dinde, sont effectivement assez pauvres en graisses.

Produits high-tech

Le point faible des alternatives végétales, c’est leur consistance et leur onctuosité. Or, pour plaire au palais, il faut du gras. Mais du gras qui n’est pas d’origine animale. Pour recréer cette onctuosité, les firmes de l’agroalimentaire utilisent notamment de la graisse de coco, riche en acides gras saturés, comme c’est le cas pour ce gouda passé au crible. Le souci, c’est qu’une consommation régulière de graisse de coco augmente le risque de maladies cardiovasculaires.

Le manque de recul sur ces produits “high tech” à cuisiner ou à tartiner qui alignent les arômes et les additifs doit aussi inciter à rester prudent. D’autant que leur arrivée sur le marché est assez récente et que les acteurs de la santé publique manquent de recul sur leurs effets à long terme, met en garde Nicolas Guggenbühl. “Les fabricants de ces produits végétaux doivent respecter la législation européenne, au même titre que les producteurs laitiers ou de viande. Si ces produits sont autorisés, c’est qu’ils ne sont pas toxiques. Pris séparément, les additifs et les arômes artificiels qu’on y retrouve ne sont pas dangereux. Mais le cocktail de tous ces ingrédients ne risque-t-il pas de l’être ? Les dernières grandes avancées en nutrition montrent en tout cas que les croyances ne sont pas toujours fondées. En ce qui concerne le fromage, par exemple. Bien qu’il s’agisse d’un aliment gras, de surcroît riche en acides gras saturés, et qu’il contienne du cholestérol, il a finalement été établi que sa consommation n’augmente pas le risque de maladies cardiovasculaires. Cela montre bien qu’on ne peut plus aujourd’hui se limiter à la fiche nutritionnelle d’un produit pour décréter s’il est bon ou non pour la santé. Seul le recul et les études menées sur des consommateurs réguliers permettront de répondre à cette question.”

“On ne peut plus se limiter à la fiche nutritionnelle d’un produit pour décréter s’il est bon pour la santé »

Nicolas Guggenbühl

En attendant que la science se positionne, le consommateur peut s’appuyer sur le Nutri-score ou sur les applis destinées à lutter contre la malbouffe pour dissiper quelque peu le brouillard alimentaire. Ces outils ne sont pas parfaits, mais ils ont le mérite d’alerter le consommateur sur le taux de sucre, de sel et sur la présence d’additifs controversés. Il peut aussi faire preuve de bon sens. Entre du saucisson traditionnel et son alternative végétarienne, on peut légitimement présumer que l’un sera plus sain que l’autre, la relation entre la charcuterie et les effets néfastes pour la santé étant quant à elle bien établie. Le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), a d’ailleurs inscrit la charcuterie au rang des produits “certainement cancérogènes”, le plus haut niveau d’alerte.

Du bon et du mauvais gras

Pour les produits laitiers, l’avantage est nettement moins évident. C’est au cas par cas. Une alternative végétarienne faite à base de noix de cajou s’avérera excellente pour la santé. Le fruit à coque contient en effet du “bon gras”, des fibres, du magnésium, du zinc et des vitamines nécessaires au bon fonctionnement de l’organisme (lire l’encadré ci-dessous). Celle à base de graisse de coco, nettement moins. Certains succédanés de produits laitiers sont enrichies en calcium, en fer ou en zinc, ce qui permet à ceux qui en consomment quotidiennement de s’assurer un apport suffisant. C’est d’autant plus important si le consommateur est une consommatrice, les femmes étant plus sujettes aux carences en fer.

Au cas par cas également : les tartinables ou tartinades. Certaines de ces pâtes contiennent essentiellement des légumes et des aromates. D’autres se rapprochent davantage des salades de thon, de poulet ou de l’américain préparé. Selon les marques et le type de produit, le goût va de très ressemblant à franchement éloigné. Et les étiquettes réservent quelques surprises.

Dans ce poulet-curry vegan pris au hasard, on trouve près de 30 % de fruits et légumes, des protéines végétales (pommes de terre et pois) mais aussi de la chicorée et du bambou. De la farine de graine de caroube, de la gomme xanthane et de la gomme de guar pour épaissir le tout. Des gélifiants, des acidifiants et du sucre. Difficile d’y voir un produit sain. A nouveau, il ne faut pas se fier aux apparences, tempère l’expert en nutrition. “Pour ces produits, la teneur en sucre, par exemple, m’inquiète moins que la teneur en sel. L’Europe n’impose pas de différencier sur les étiquettes les sucres naturellement présents des sucres ajoutés. Or, les fruits, les légumes et certains féculents contiennent du sucre. Ils ne sont pas à éliminer pour autant. Une préparation présentant un taux de sel de 1,5 gramme pour cent grammes de produit, là, c’est préoccupant.”

L’autre bonne nouvelle, c’est que les aliments utilisés pour donner une certaine consistance à ces tartinades, essentiellement le tofu (à base de soja), le seitan (à base de farine de blé), le tempeh et le miso (à base de soja fermenté) et le champignon filamenteux Fusarium venenatum, ont tous de bonnes valeurs nutritives et sont peu transformés. Depuis quelques années, la communauté scientifique s’interroge toutefois sur les effets d’une consommation très régulière de soja sur le système endocrinien. A ce jour, il n’existe pas de consensus sur la question.

© GETTY

Équilibrer les apports pour éviter les carences

Les nutriments à surveiller pour éviter les déficits et les carences lorsque l’on opte pour un régime végétarien ou vegan sont les protéines, certains acides gras, les vitamines D et B12, le calcium, le fer, le zinc et l’iode. Dans un épais rapport sur les conséquences de l’alimentation végétarienne pour la santé, publié en 2021, le conseil supérieur de la Santé confirme que la valeur nutritive des protéines végétales n’est pas équivalente à celle des protéines animales. Pour assurer un apport suffisant, il faut consommer plus de légumineuses, de céréales et de graines oléagineuses.

Même problème en ce qui concerne les lipides. Les apports en acides gras insaturés de la famille des oméga 3 à longue chaîne que sont l’acide eicosapentaénoïque et l’acide docosahexaénoïque (DHA) sont insuffisants. Présents dans les algues, les crustacés et le poisson, ces oméga 3 trois jouent un rôle important dans la préservation des fonctions cérébrales. Pour aider l’organisme, il faut consommer davantage d’huiles riches en LNA, comme l’huile de noix, de lin ou de colza, à partir duquel l’organisme peut synthétiser l’EPA et la DHA. L’autre piège à éviter, c’est celui de aliments riches en graisses insaturées – le beurre, le fromage… –, que les végétariens ont tendance à consommer en plus grande quantité, ainsi que les produits transformés comme les burgers végétariens. Le fer, c’est aussi ce qui fait cruellement défaut dans les régimes alimentaires où la viande, le poisson et les œufs sont absents. Le risque de déficit, voire de carence, peut être accentué par plusieurs composants des végétaux, tels que l’acide oxalique (présent dans les légumes à feuilles, les fruits rouges et certaines céréales), les phytates (dans les légumes secs, les graines et les céréales), les tanins (certains fruits et légumes, le thé et le café) qui se lient au fer et réduisent son absorption. Pour la favoriser, il est donc conseillé d’associer des aliments riches en vitamine C aux végétaux riches en fer. Le problème est identique pour le zinc, que l’on trouve essentiellement dans les aliments d’origine animale. L’intestin grêle absorbe moins de zinc provenant des aliments végétaux. La solution pour éviter le déficit est la même que pour le fer. Le manque de vitamine D, nécessaire à la formation et au maintien du tissu osseux, ou en vitamine B12 (exclusivement présente dans les aliments d’origine animale), qui contribue au système immunitaire et au système nerveux, sont assez courants dans la population. Ce sont évidemment les végétaliens qui sont les plus exposés puisque leur apport en calcium est très limité. L’apport en iode, enfin, est un peu moins problématique puisqu’en plus du poisson et des crustacés, on en retrouve dans les algues marines, les œufs, les produits laitiers, le sel iodé mais également certains fruits et légumes.

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