dimanche, décembre 22

Les 581 communes du pays présentent d’importantes disparités en termes de densité de population. Logiquement, c’est dans la capitale que les concentrations sont les plus élevées. Avec des conséquences non négligeables sur la santé des habitants et leur qualité de vie.

Le triple de la France. Le quadruple de l’Espagne. Le quintuple de la Croatie. S’il y a bien une donnée qui distingue la Belgique de ses homologues européens, c’est sa densité de population. Avec 383 habitants au km², le plat pays se classe dans le top 3 des Etats de l’Union européenne les plus densément peuplés, juste derrière Malte et les Pays-Bas.

Ce chiffre brut masque en réalité d’importantes disparités entre les trois Régions du pays et, à plus forte raison, entre ses 581 communes, révèlent les statistiques publiées par Statbel mises à jour le 18 septembre.

Sans surprise, c’est la Région de Bruxelles-Capitale qui affiche la densité de population la plus élevée, avec 7.694 habitants au km², contre seulement 501 hab/km² pour la Flandre et 218 hab/km² pour la Wallonie. Logiquement, au vu de la croissance continue de la population belge, ces taux progressent partout, mais proportionnellement un peu plus à Bruxelles (7.441 hab/km² en 2019) et en Flandre (484 hab/km² en 2019) qu’en Wallonie (215 hab/km² en 2019).

Densité de population: un top 20 très bruxellois

En zoomant à l’échelle communale, une constante saute aux yeux : les 18 communes les plus densément peuplées sont naturellement bruxelloises. Saint-Josse-ten-Noode, qui compte 23.173 hab/km², se retrouve en première position. Un constat peu surprenant pour cette commune qui est également la plus petite de la capitale, avec seulement 1,14km² de superficie. Viennent ensuite les communes de Saint-Gilles (19.454 hab/km²) et Koekelberg (19.162 hab/km²). Watermael-Boitsfort, en 34e position (1.951 hab/km²), est la seule commune bruxelloise exclue du top 20. A contrario, la commune liégeoise de Saint-Nicolas, en 19e position avec 3.546 hab/km², est la première entité non-bruxelloise du recensement.

A l’autre bout du spectre, on retrouve la commune namuroise de Vresse-sur-Semois et ses 24 hab/km², juste devant les communes luxembourgeoises de Daverdisse (25 hab/km²), Sainte-Ode (28 hab/km²), La Roche-en-Ardenne (28 hab/km²) et Herbeumont (30 hab/km²). Le bas du classement est surreprésenté par des communes wallonnes, majoritairement luxembourgeoises. Au nord du pays, c’est en Flandre occidentale que se retrouvent quatre des cinq communes les moins densément peuplées, à savoir Lo-Reninge (51 hab/km²), Zuienkerke (55 hab/km²), Alveringem (62 hab/km²) et Heuvelland (84 hab/km²) ; Herstappe (56 hab/km²), en province de Limbourg, s’intercalant à la troisième place.

Des équipements et commerces plus nombreux…

La densité de population de chaque commune influe – généralement indirectement – sur plusieurs paramètres de la vie quotidienne.

Il existe d’abord une relation très forte entre la densité d’une commune (ou d’une agglomération) et son offre en termes d’équipements. «La condition sine qua non pour qu’un commerce fonctionne, c’est d’avoir un volume suffisant de population aux alentours, note Jean-Michel Decroly, professeur de géographie humaine à l’ULB. Les équipements les plus rares et les plus spécialisés se trouvent ainsi dans les communes aux plus fortes densités de population.» Peu de chances de voir fleurir un magasin d’instruments de musique ou un campus universitaire en pleine campagne luxembourgeoise, par exemple. Cela étant, le niveau socio-économique de la population résidente influe également fortement sur l’offre d’équipements ainsi que sa qualité.

La densité de population d’une commune influe également sur l’accès aux soins de santé. A priori, cette offre suit la même logique que celle des commerces : plus la commune est densément peuplée, plus les services de soins y sont nombreux. «Le sud de la province de Luxembourg est, par exemple, très peu doté d’infrastructures hospitalières», observe Jean-Michel Decroly. Cet accès facilité aux soins, et aux équipements de manière générale, explique notamment le nombre important de migrations des personnes âgées vers des centralités urbaines.

… mais proportionnellement moins de médecins

Mais à y regarder de plus près, ce postulat ne se vérifie pas toujours en Belgique. La Région de Bruxelles-Capitale, de loin la plus densément peuplée, compte par exemple le moins de médecins généralistes par habitant de toute la Belgique. «Ce chiffre est encore plus faible pour les médecins conventionnés, ce qui pose la question de l’accessibilité économique aux soins pour des populations déjà plus fragilisées», relève Céline Mahieu, professeur en Santé publique à l’ULB et directrice du Centre Approches sociales de la Santé. Selon les données de l’Inami publiées en 2022, Bruxelles dénombre ainsi 5,66 généralistes conventionnés pour 10.000 habitants, contre 8,56 pour la province de Namur ou 8,94 pour le Limbourg.

En termes sanitaires, les populations des communes les plus densément peuplées sont également plus exposées aux pandémies, probablement plus récurrentes dans le futur. Les chiffres de contaminations au Covid-19 en pleine épidémie étaient d’ailleurs généralement bien plus élevés à Bruxelles et à Anvers que dans le Luxembourg. «Les zones à forte densité de population sont par essence des lieux dans lesquels la promiscuité est plus importante, donc avec des risques plus importants de circulation rapide de microorganismes pathogènes, notamment par voie aérienne», confirme Jean-Michel Decroly.

La densité de population n’explique pas tout

Les communes à forte densité de population semblent également les plus exposées aux externalités négatives (pollution, nuisances sonores…), pouvant entraîner davantage de maladies. «Selon la littérature scientifique internationale, le nombre de cancers est plus élevé dans les zones les plus densément peuplées, explique Céline Mahieu. Mais encore une fois, cette hypothèse ne se vérifie pas en Belgique. La Région de Bruxelles-Capitale est celle avec le plus faible taux de cancers, simplement car sa population y est relativement plus jeune. La densité de population masque en réalité d’autres facteurs bien plus influents, comme la pyramide des âges.»

Dangereux, donc, de dresser des liens de causalité directe entre densité de population et paramètres sociologiques et sanitaires. «Les choses sont plus complexes qu’elles n’y paraissent à première vue, insiste Jean-Michel Decroly. Il faut surtout distinguer la densité de population d’une commune, qui désigne la population à son lieu d’habitat, de sa densité d’occupation.» Toute une série d’externalités négatives sont en réalité à attribuer aux activités quotidiennes et au passage dans cette commune – axes de transports, industries – et non à la population résidente. 

La nuance s’impose, donc. D’autant que les communes les plus densément peuplées sont généralement des lieux de concentrations d’inégalités qui empêchent toute généralisation abusive sur le plan sociologique. «Ces communes font coexister des populations plus fragilisées, pour certaines dans un parcours migratoire naissant, avec des populations aux niveaux de richesse et d’éducation bien plus élevés, car l’activité économique y est importante», conclut Céline Mahieu.

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