Les prix réels des logements sont à la baisse, tandis que les loyers continuent d’augmenter. Quelle est alors la solution la plus avantageuse financièrement: acheter ou louer une maison?
Est-ce que louer une maison est vraiment de «l’argent jeté par les fenêtres», comme on l’entend souvent? Ou acheter une maison serait-il «dépassé», comme d’autres l’affirment parfois? A l’aide d’un exemple chiffré, nous examinons ce que cela coûte de louer une maison toute sa vie et ce que cela coûte d’en acheter une aujourd’hui, pour ainsi déterminer quelle option est la plus intéressante financièrement. Spoiler alert: ce n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît.
L’exemple se base sur une méthode développée il y a plusieurs années par l’économiste en immobilier Sven Damen ( de l’Université d’Anvers), mais avec des chiffres actualisés. Prenons deux couples, tous deux âgés de trente ans, ayant des revenus identiques et le même budget de départ. Ils trouvent chacun une maison prête à être habitée. Celles-ci se situent dans la même rue, elles sont même voisines, identiques, avec le même nombre de chambres, une salle de bain et une cuisine similaires, ainsi qu’un jardin de même taille. L’une des maisons est mise en vente à 300.000 euros, tandis que l’autre est proposée à la location pour 1.000 euros par mois.
Acheter
Le premier couple, Jeanne et Pierre, décide d’acheter la maison. Ils peuvent apporter 20% du prix d’achat, soit 60.000 euros, grâce à leurs économies et à l’aide financière de leurs (grands-)parents. Ils doivent néanmoins emprunter le reste de la somme, soit 240.000 euros. Ils contractent ainsi un prêt sur 25 ans avec un taux d’intérêt fixe de 2,80 %. Jeanne et Pierre devront donc rembourser 1.109 euros par mois pendant 25 ans pour leur prêt hypothécaire. Ils devront également payer des taxes annuelles (précompte immobilier) et entretenir leur maison. Le professeur Damen estime que les coûts annuels s’élèvent à environ 3,5 % du prix d’achat, soit dans cet exemple 8.400 euros par an.
Louer
Le deuxième couple, Anne et Jérôme, dispose également de 60.000 euros de capital de départ, tout comme Jeanne et Pierre, mais ils choisissent de louer la maison pour un loyer mensuel de 1.000 euros. Cela représente environ 100 euros de moins que ce que Jeanne et Pierre doivent rembourser chaque mois pour leur prêt. Sur un an, cela équivaut à une économie de 1.200 euros. Cependant, le loyer est ajusté chaque année en fonction de l’indexation et augmente donc, alors que Jeanne et Pierre remboursent leur prêt à un taux fixe, ce qui signifie que leur mensualité reste inchangée. Anne et Jérôme, en revanche, économisent sur les coûts annuels de taxes et d’entretien que Jeanne et Pierre doivent supporter.
Investir
Qui a fait la meilleure affaire? Les acheteurs Jeanne et Pierre ou les locataires Anne et Jérôme? Une question essentielle pour répondre à cela est: que font Anne et Jérôme de l’argent qu’ils économisent en louant une maison et en n’ayant pas de frais annuels? Et que font-ils avec leur capital de départ de 60.000 euros? Si Anne et Jérôme dépensent tout cet argent en voyages, bonne nourriture et autres plaisirs, cela leur apporte (on l’espère) beaucoup de satisfaction, mais aucun rendement financier. Cela devient une toute autre histoire s’ils investissent bien cet argent, par exemple dans un fonds d’actions ou via un tracker. Car si les locataires Anne et Jérôme investissent leur capital de départ (60.000 euros) ainsi que les frais annuels qu’ils n’ont pas à payer (8.400 euros) de manière judicieuse, les rendements de cet investissement pourraient leur permettre de couvrir (en partie) leur loyer.
À titre purement illustratif: le Bel20, l’indice qui reflète les mouvements des vingt principales actions à la Bourse de Bruxelles, a augmenté de 15% l’an dernier. Les 68.400 euros auraient alors généré 10.260 euros (sans compter les dividendes, les distributions de bénéfices des entreprises aux actionnaires). Ce montant se rapproche des 12.000 euros nécessaires pour couvrir un an de loyer.
Mais attention: Anne et Jérôme n’obtiendront certainement pas un rendement de 15% chaque année. En 2022, par exemple, le Bel20 a même enregistré une perte de 12%. Dans ce cas, leurs 68.400 euros investis auraient subi une perte de 8.208 euros. Cela est douloureux, car il devient évidemment impossible de couvrir une partie du loyer avec les rendements des investissements.
Mais qu’en est-il à plus long terme? Au cours des quarante dernières années, le rendement net sur les marchés financiers, lorsque les dividendes étaient réinvestis, a atteint en moyenne 11%. Avec un rendement de 11%, les 68.400 euros génèrent 7.524 euros. Cela représente plus de la moitié du montant nécessaire pour payer le loyer d’Anne et Jérôme. Il convient toutefois de rappeler que les rendements passés ne garantissent en rien les rendements futurs, qui restent donc incertains.
Il est difficile de prévoir combien vous paierez de loyer dans quarante ans
Acheter ou louer: l’importance de l’inflation
Lorsque l’on examine ce qui est le plus avantageux à long terme, entre louer ou acheter une maison, un autre élément joue un rôle très important: l’inflation. Le coût de la vie augmente, les prix grimpent, ce qui influence fortement, par exemple, le loyer d’une maison (le montant du loyer augmente avec l’inflation, exprimée dans l’indice) mais aussi la valeur de la maison (à quel point les prix de l’immobilier augmentent-ils?).
Tout comme les rendements futurs sont incertains, l’inflation est également incertaine. Par conséquent, il est également difficile de prévoir à combien s’élèvera le loyer dans 40 ans ou quelle sera la valeur d’une maison à ce moment-là.
Steven Trypsteen, spécialiste de l’immobilier chez ING, a réalisé un exercice intéressant dans le livre Een huis kopen zou niet moeilijk mogen zijn (Acheter une maison ne devrait pas être difficile, non traduit) de Bart Van Opstal et Patrick Luysterman. Supposons que l’inflation, la croissance des prix de l’immobilier et les rendements des investissements au cours des 40 prochaines années soient identiques à la moyenne des 40 dernières années (inflation de 2,7%, croissance des prix de l’immobilier de 4% et rendement net des investissements de 11% par an), alors, selon ses calculs, les acheteurs comme Jeanne et Pierre auront après 40 ans un patrimoine supérieur à celui des locataires comme Anne et Jérôme. Leur patrimoine serait alors environ 20% plus élevé.
Cependant, si les chiffres évoluent différemment dans les prochaines années, il se peut qu’Anne et Jérôme aient fait une bonne affaire en choisissant de louer une maison. Si l’inflation au cours des 40 prochaines années est de 1,2%, que les prix de l’immobilier augmentent de 1% et que le rendement des investissements est de 8% par an, alors le patrimoine des locataires comme Anne et Jérôme serait après 40 ans environ 20% supérieur à celui des acheteurs comme Jeanne et Pierre.
Acheter ou louer? En conclusion
Au cours des 50 dernières années, les prix de l’immobilier ont considérablement augmenté en Belgique. Entre 1973 et 2014, les prix des logements ont été multipliés par onze, tandis que les prix des terrains ont été multipliés par 19. Grâce à cette forte hausse, acheter était financièrement plus intéressant que louer une maison au cours des décennies précédentes.
Que cela reste vrai pour les 40 ou 50 années à venir dépend de nombreux facteurs sur lesquels nul n’a aucune prise et qui peuvent évoluer de manières très différentes. C’est regrettable, mais comme précisé d’emblée: la réponse à la question de savoir ce qui est le mieux aujourd’hui, acheter ou louer, n’est pas aussi simple qu’il y paraît.
Le loyer absorbera une grande partie de la pension plus tard (et en cas d’entrée en maison de repos, cette dernière ne suffira même pas).
Dix réflexions pour se faire une opinion
Étant donné qu’il est difficile de donner une réponse claire à la question de savoir s’il est aujourd’hui financièrement plus intéressant d’acheter ou de louer, voici dix réflexions qui peuvent aider à faire un choix.
1. Dans cet exemple chiffré, on part du principe qu’un couple souhaitant acheter ou louer une maison dispose d’un beau capital de départ. Ce n’est pas toujours le cas. Ceux qui n’ont pas suffisamment de capital initial auront du mal à obtenir un prêt hypothécaire pour acheter une maison et n’auront d’autre choix que de louer.
2. En cas d’achat d’une maison, il faut rembourser chaque mois un montant fixe pour son prêt. La banque impose cette discipline. En revanche, ceux qui louent une maison doivent se l’imposer eux-mêmes pour investir judicieusement le montant économisé. Chaque mois. Cette discipline et cette connaissance des investissements ne sont pas à la portée de tout le monde. Pour celles et ceux qui ne l’ont pas, acheter une maison est en principe financièrement plus intéressant.
3. Le loyer absorbera une grande partie de la pension plus tard (et en cas d’entrée en maison de repos, cette dernière ne suffira même pas). Celui ou celle qui, par malheur, ne vit que jusqu’à 65 ans ne rencontrera pas de problème, mais en cas de 100 bougies (youpie!) soufflées, il faudra encore louer pendant environ 35 ans après l’âge de la pension et disposer de suffisamment d’économies. Une maison en propriété constitue alors une bonne réserve financière. Celui ou celle qui a toujours loué devra se constituer cette réserve d’une autre manière. Comme précédemment calculé: au moment de la retraite, il faudrait avoir économisé au moins huit années de salaire, soit environ 100 salaires nets mensuels, pour maintenir son niveau de vie. Et cela sans compter une maison.
4. Les frais ponctuels liés à l’achat d’une maison, comme les frais de notaire, les frais de dossier auprès de la banque, etc., peuvent peser lourd au moment de l’achat. Mais répartis sur la longue période de possession de la maison, leur impact devient négligeable.
5. Les coûts récurrents, comme les taxes sur l’immobilier (précompte immobilier) ou les taxes sur les plus-values (précompte mobilier), ont un impact plus important sur le tableau financier. Et il n’est pas exclu que ces coûts augmenteront dans les années à venir.
6. En cas d’achat d’une maison, il faut non seulement tenir compte de divers frais d’entretien (comme une gouttière qui fuit!), mais également des coûts de rénovation nécessaires pour rendre la maison plus économe en énergie. Ces frais peuvent se révéler très élevés.
7. Une maison en propriété offre une sécurité résidentielle, ce qui est bien moins le cas avec une maison en location. Une maison en propriété peut être rénovée selon les goûts de chacun et peut être transmise plus tard à des héritiers (ou son produit en cas de vente). L’attachement est moindre avec une maison en location, ce qui facilite un éventuel déménagement, par exemple en cas de changement de situation familiale ou professionnelle. Un locataire n’est pas responsable des frais importants (comme une gouttière qui fuit!), mais doit bien s’entendre avec le propriétaire.
8. En Belgique, la valeur des maisons n’a cessé d’augmenter ces dernières années, bien que ce soit de manière très légère ces trois dernières années. En tenant compte de l’inflation, la valeur de l’immobilier a même diminué en termes réels au cours des trois dernières années. Il n’est donc pas garanti que les prix de l’immobilier augmentent toujours. Dans d’autres pays européens, les prix des logements ont déjà connu de fortes baisses.
9. Étant donné que les maisons sont très coûteuses et que les loyers continuent d’augmenter, des formes d’habitat partagé se développent. Par exemple, dans le cas du «cohabitat», les espaces de rangement, les buanderies et/ou les jardins sont partagés, tandis que dans le cas du «cohousing», au minimum l’espace des repas est commun. Les coûts sont alors répartis entre plusieurs ménages. Celui ou celle qui envisage ce type d’habitat doit bien s’informer sur les implications juridiques et financières.
10. En fin de compte, il n’est pas évident de dire ce qui est le plus avantageux, acheter une maison ou en louer une. Cela dépend de la discipline financière et de l’intérêt pour l’investissement de chacun. Mais aussi de l’évolution de l’inflation, des marchés boursiers, des prix des logements, etc., autant d’éléments sur lesquels nul n’a le contrôle. Cependant, il est toujours utile de réfléchir à tous ces aspects afin de prendre une décision éclairée. Pour ne pas risquer de le regretter par la suite.