Certaines zones de Belgique, en particulier rurales, manquent de médecins. Ce constat n’est malheureusement pas nouveau. Plusieurs professionnels de la santé se mobilisent à travers un « observatoire universitaire en médecine rurale », et avancent des solutions « innovantes et originales » pour palier le manque d’effectif.
En Wallonie, la moitié des communes manquent de médecins généralistes. Selon le dernier cadastre réalisé par l’Agence wallonne pour une vie de qualité (Aviq), il faudrait 145 médecins supplémentaires pour répondre aux besoins actuels et 585 médecins en plus pour anticiper les départs à la retraite. Face à cette pénurie médicale criante, plusieurs médecins, académiques et autres acteurs de terrain se mobilisent à travers un « observatoire universitaire en médecine rurale« .
Ce nouvel observatoire ambitionne de mieux comprendre la « raréfaction de l’offre en médecine générale, en particulier dans les zones en pénurie en Wallonie, et d’identifier des pistes de solutions en collaboration avec les acteurs de terrain », explique à l’agence Belga le médecin et professeur de l’UNamur Dominique Henrion, qui coordonne le projet. « Le but n’est pas d’établir quelque chose de revendicatif, mais de constructif », souligne-t-il.
Il existe en Belgique, comme dans d’autres pays, des inégalités territoriales d’accès aux soins. Ainsi, à la campagne, la densité médicale est plus faible, ce qui fait chanceler la balance entre la demande et l’offre médicale, les rares médecins en exercice étant sollicités de manière disproportionnée. À cela s’ajoutent également les distances plus longues pour les visites à domicile en zone rurale et la difficulté d’avoir accès à certains spécialistes.
Luxembourg, Namur, Hainaut
Ces différents facteurs mettent sous pression les acteurs de la première ligne de soins dans des régions qui risquent de devenir, à court terme, des « déserts médicaux« , craignent les observateurs. La situation est particulièrement critique en province de Luxembourg, où la densité médicale se situe en dessous de 90 médecins pour 10.000 habitants.
Le sud de la province de Namur et de celle du Hainaut sont aussi particulièrement désertés par les professionnels de la santé. Cette pénurie est due à plusieurs facteurs, parmi lesquels la trop faible part de généralistes (43%, contre 57% de spécialistes) parmi les médecins diplômés et la répartition géographique inadéquate des médecins généralistes.
À cet égard, seuls 22% des nouveaux médecins se sont installés dans des zones en pénurie, d’après le dernier cadastre de la Région wallonne. Autrement dit, 78% des nouveaux médecins n’exercent pas dans ces zones.
Pour inciter de jeunes médecins à s’établir dans des régions en pénurie, la Wallonie leur offre des primes allant jusqu’à 25.000 euros. « Une aubaine pour le médecin, mais rien ne garantit qu’il ne finisse pas par s’en aller », commente Dominique Henrion. D’après lui, il faudrait plutôt travailler sur une sélection en amont des études de médecine, en encourageant dès le secondaire des gens du cru à entreprendre un tel cursus. « À l’issue de leurs études, ces personnes retourneront probablement s’installer dans leur région », avance-t-il.
Rendre les zones rurales plus attractives pour les jeunes médecins
« Il faudrait aussi aider les étudiants à réaliser des stages dans les zones dépeuplées de médecins, alors que près de 170 étudiants sur les 180 interrogés par nos soins sur la question se disent intéressés de venir faire un stage en milieu rural », expose-t-il. « Le problème, c’est qu’il n’y a pas de logement ni de transport, donc il faudrait que les communes mettent ça en place », pointe-t-il.
Par ailleurs, une des raisons pour lesquelles les médecins fuient les milieux ruraux, c’est parce qu’il y a trop de travail. « Il faudrait alors proposer des conditions attractives, à l’instar de maisons médicales ou de cabinets multidisciplinaires avec plusieurs médecins en un seul lieu pour se répartir la charge de travail », suggère encore le Dr Henrion. En bref, il faut travailler « sur des solutions plus innovantes, originales, intégrées et concertées afin d’améliorer l’accessibilité aux soins de santé de première ligne en milieu rural », conclut le professeur.
Une première table ronde de l’Observatoire universitaire en médecine rurale a lieu ce jeudi. Lors de celle-ci, les premières observations et les enjeux de cette problématique de santé publique y seront exposés.