De nouveaux produits, présentés comme plus riches en vitamines et minéraux, fleurissent dans la grande distribution. «Riches en» ou enrichis? Avec quels effets sur la santé? Quelques clés pour ne pas se laisser berner.
Le comportement et les changements d’habitude des consommateurs n’ont aucun secret pour l’industrie agroalimentaire et la grande distribution, lesquelles savent parfaitement comment tirer profit des nouvelles modes alimentaires et de la popularité (souvent éphémère) de certains produits.
L’une des techniques de base pour doper les ventes de ces produits tendance, et souvent plus rentables, consiste à les positionner de manière stratégique afin d’augmenter leur visibilité. Le problème est qu’il s’agit généralement d’aliments ultratransformés, et de préparations peu coûteuses, qui entrent rarement dans le cadre d’une alimentation saine et équilibrée.
Selon une étude française publiée en 2024, les confiseries (surtout celles destinées aux enfants) sont mises en évidence aux caisses de plus de huit magasins visités sur dix, contrairement aux recommandations des autorités de santé publique. Le constat est le même en Belgique, où les aliments réconfortants (gras, sucrés, salés) sont stratégiquement présentés à l’entrée du magasin, près des caisses ou dans des bacs promotionnels disposés entre les allées.
«Les emballages de ces produits sont rarement clairs. Une ambiguïté voulue?»
Riche ou enrichi ?
Récemment, certaines chaînes de supermarché ont adapté leur stratégie pour coller davantage aux messages des campagnes de santé publique prônant une meilleure alimentation et une consommation accrue de fruits et légumes pour lutter plus efficacement contre les maladies cardiovasculaires et les maladies chroniques. L’émergence ces dernières années d’un discours global axé sur le bien-être et sur un mode de vie plus sain n’a pas échappé aux multinationales, ni aux start-up, du secteur de l’alimentation.
En témoigne le succès de l’emblématique «skyr», spécialité laitière naturellement protéinée et peu calorique issue de la tradition islandaise, ou des superaliments que sont les algues, la spiruline, le thé vert ou les baies de goji. Des modes qui s’installent ou qui lassent.
Le réflexe «good food» du moment, ce sont les aliments qui présentent un petit avantage par rapport à leurs voisins de rayon. Il s’agit de denrées alimentaires ou de préparations dont les étiquettes vantent, en plus du goût, des qualités nutritives exceptionnelles: céréales contenant plus de vitamines et minéraux, jus de fruits multivitaminés, eaux enrichies en zinc et en magnésium, yaourts hyperprotéinés ou riches en vitamine B2, B12, D et E, produits pour les végétariens et végétaliens riches en protéines et en fibres, etc. Tentant pour le consommateur qui aime être guidé dans ses choix et qui se montre sensible à ce geste de transparence. Toutefois, il est difficile de savoir si ces nutriments sont naturellement présents dans le produit ou s’ils ont été ajoutés intentionnellement afin de l’enrichir. En principe, les denrées alimentaires enrichies en vitamines et en minéraux doivent en être notifiées, à l’image des compléments alimentaires et tel que l’indique le SPF Santé publique. Mais les emballages de ces produits sont rarement clairs sur ce point. Une ambiguïté voulue?
«Ce procédé consistant à enrichir des aliments avec des antioxydants, des vitamines et des minéraux qui par ailleurs contiennent déjà toutes ces molécules, est sans doute une manière de concurrencer les compléments alimentaires, évalue Joël Pincemail, docteur en sciences biomédicales à l’ULiège et auteur de Marathon de recettes antioxydants pour sportifs (ou non) (Edipro, 2023). D’autant que le terme «enrichi» signifie simplement que l’apport est un peu plus élevé qu’un produit concurrent. Dans le cas d’une poudre de cacao qui contiendrait peu de vitamine D, par exemple, l’enrichir pourrait avoir un sens, mais si la valeur ajoutée n’est que de quelques microgrammes, les effets sur la santé restent insignifiants.»
L’enrichissement ne serait bénéfique que lorsque les besoins nutritionnels sont augmentés, ce qui est le cas pour les sportifs, ou que les apports alimentaires sont diminués, en cas d’insuffisance d’appétit, de perte de poids, de faible consommation de viande ou de produits laitiers, poursuit Joël Pincemail. «Dans ces cas-là, les choix alimentaires doivent être discutés avec un médecin nutritionniste ou un diététicien, qui sont les personnes les plus habilitées à donner des conseils alimentaires.»
Le Dr. Christine Simons invite également à la prudence. L’intérêt d’enrichir les aliments en vitamines et minéraux reste très limité, selon ce médecin nutritionniste à la Clinique Saint-Jean, à Bruxelles. «Le souci est que le consommateur n’a aucune idée de la quantité de vitamines et minéraux contenue dans ces produits, et donc de l’apport journalier qu’ils lui apporteront. Cela ne peut s’avérer intéressant que s’il s’agit d’un aliment de base de l’alimentation et que la quantité de vitamines et minéraux est quantifiable journalièrement. Dans le cas des laits infantiles, par exemple, la supplémentation peut aider à éviter les carences les plus fréquentes chez les nourrissons, bébés et jeunes enfants. Mais en ce qui concerne les adultes, vu la variété de profils alimentaires, je ne vois aucun produit qui puisse jouer un tel rôle.» La mention de ces nutriments sur les emballages, qu’ils soient naturellement présents ou qu’ils aient été ajoutés, a toutefois l’avantage de rassurer le consommateur sur ce qu’il achète, ce qui n’est pas une mauvaise chose, nuance le Dr. Simons.
Si d’éventuels risques liés au surdosage ne l’inquiètent pas outre mesure, la médecin nutritionniste s’interroge en revanche sur la stabilité des vitamines et minéraux ajoutés au cours du processus de cuisson, de réchauffement et de conservation. «Toutes ces étapes vont influencer la quantité de nutriments restants dans le produit au moment de son absorption dans le tube digestif et du passage dans le sang.»
A l’aveugle
Le Pr. Pincemail insiste également sur la nécessité de se référer aux apports journaliers recommandés, que peu de consommateurs connaissent. Il préconise surtout de se référer aux habitudes alimentaires dont les bienfaits pour la santé ont été prouvés scientifiquement plutôt que de se fier aux promesses qui figurent sur l’emballage. «Il est globalement admis qu’une alimentation basée sur la pyramide alimentaire, inspirée de la cuisine méditerranéenne, est suffisante pour fournir les apports journaliers en minéraux et autres vitamines – dont certaines sont des antioxydants, comme les vitamines C et E– et ne nécessite donc pas de prendre des compléments ou des aliments enrichis avec ces molécules.»
«Une alimentation basée sur la pyramide alimentaire ne nécessite pas de prendre des compléments ou des aliments enrichis.»
Les effets d’une consommation insuffisante en vitamines ou minéraux ne se font pas toujours sentir directement. Elle peut pourtant mener à des carences nutritionnelles plus ou moins importantes. En Belgique, le déficit le plus courant est en vitamine D, en raison de notre faible niveau d’ensoleillement. Les carences en magnésium, en fer, en zinc et en calcium sont également courantes.
Le Dr. Simons rappelle enfin que «même avec une alimentation équilibrée qui suit la pyramide alimentaire, il est possible d’observer des carences, car les produits de base de l’alimentation –légumes, fruits, céréales– en contiennent de moins en moins». La supplémentation peut donc s’avérer utile avant d’observer des carences importantes.
Deux méthodes permettent de savoir si les besoins en vitamines et minéraux sont comblés: réaliser une anamnèse alimentaire précise chez un diététicien ou un médecin nutritionniste, ou réaliser une prise de sang dans un laboratoire assurant un traitement préanalytique des échantillons.