Le téléphone qui sonne et un numéro qui s’affiche: 0466… Il semble provenir de Belgique, il n’en est pourtant rien. Entre démarchage externalisé et possibles usages détournés, comment prévenir les risques liés aux numéros locaux virtuels?
Le 14 octobre, Sarah reçoit un appel. Au bout du fil, une femme se présente comme une employée d’Orange. Elle l’informe de l’obligation de changer d’abonnement depuis le rachat, le 1er octobre dernier, par Orange Belgique de VOO S.A. Une information démentie par le porte-parole du télécom, qui assure que chaque client VOO peut garder son abonnement actuel s’il le souhaite.
Le doute assaille Sarah: et si quelqu’un de malintentionné avait essayé de l’arnaquer en lui faisant signer un contrat qu’elle ne désirait pas? D’autant que sur son écran, le numéro qui s’affiche n’est pas celui du service client d’Orange Belgique, mais un portable débutant par : (+32)0466/. Sur les forums de VOO et Proximus, d’autres consommateurs font également état d’appels provenant de numéros commençant par 0466.
Selon le site du Common Reference Database Centre (CRDC), qui permet de localiser un numéro de téléphone, ces appels émanent de l’opérateur Voxbone Mobile. L’entreprise de télécommunications, dont le siège social est situé à Bruxelles, permet de créer des numéros locaux virtuels, et s’adresse essentiellement aux entreprises en se présentant comme un intermédiaire entre l’émetteur et le récepteur d’une communication (appel ou SMS).
Prenons l’exemple d’une société internationale basée en Inde qui souhaite démarcher des clients potentiels en Belgique. Pour simplifier, ses communications sont transmises aux serveurs de Voxbone Mobile via son réseau, puis redirigées vers le destinataire via le réseau d’un opérateur local tel qu’Orange ou Proximus. Le numéro qui s’affiche à l’écran n’est donc pas celui de l’entreprise à l’origine de l’appel, mais celui qui lui a été attribué par l’intermédiaire. Celui-ci semblant provenir du pays de résidence du récepteur de l’appel ou du message, il inspire davantage confiance qu’un indicatif étranger.
La technique du «spoofing»
Or de nombreuses entreprises sous-traitent le service client à des sociétés étrangères (c’est ici le cas d’Orange). Il ne s’agit alors pas de tentative d’arnaque. Mais puisque ces numéros sont virtuels, il est néanmoins possible que des personnes malintentionnées fassent un usage détourné, mais surtout illégal, du service de Voxbone Mobile pour élaborer des arnaques. «Bien que le service soit autorisé par la loi, des personnes profitent de failles pour soutirer de l’argent à leurs victimes, en leur faisant signer de faux contrats, ou leurs informations sensibles, en leur demandant de remplir un formulaire en ligne», indique Michele Rignanese, porte-parole de Safeonweb. Cette technique d’usurpation de numéro (il peut aussi s’agir d’une adresse e-mail) s’appelle le «spoofing» (usurper, parodier).
L’entreprise en est tout à fait consciente. La politique d’utilisation acceptable (PUA) de Bandwidth, dont Voxbone Mobile est devenue une filiale en 2020, stipule: «Les clients ne peuvent utiliser le réseau ou les services de Voxbone d’une manière qui: viole toute loi, réglementation, traité, tarif ou l’accord applicable; viole les politiques d’utilisation acceptable de tout réseau, installation ou service accessible via les services […]; ou implique des pratiques de marketing trompeuses ou frauduleuses».
Elle indique néanmoins ne pas surveiller «en règle générale, les communications des clients pour vérifier leur conformité aux politiques de Voxbone ou au droit applicable», et déclare ne pouvoir «être tenue responsable […] de tout préjudice ou perte résultant d’une utilisation inexacte, inadaptée, offensive, illégale ou illicite des services, ni de tout dommage direct, indirect, spécial ou consécutif découlant de réclamations alléguant qu’un client a adopté un comportement en violation de la présente PUA».
Michele Rignanese se veut toutefois rassurant. «La plupart du temps, il s’agit de télémarketing. Cela peut être énervant, mais le danger reste faible. En cas de doute, si le démarcheur se présente comme votre opérateur et qu’il vous demande de réaliser des actions inhabituelles, coupez court à la conversation et vérifiez vous-même les informations et vos données via votre compte en ligne.»
En cas de soupçons d’escroquerie, il est possible d’adresser une plainte via l’adresse [email protected]. Voxbone s’engage à mener une «enquête raisonnable sur les incidents» et à coopérer «avec toute autorité chargée de l’application de la loi ou de la réglementation afin d’enquêter sur les allégations de comportement illégal ou inapproprié». Il est aussi possible de signaler toute arnaque via [email protected] ou de ConsumerConnect, la plateforme du SPF Economie.
















