L’automne, les arbres aux belles couleurs, les feuilles mortes… Un beau tapis qui ne plaît néanmoins pas à tout le monde. Ramasser les feuilles d’automne est une tâche ardue pour les particuliers et les services communaux. Mais est-elle bien nécessaire ?
L’arrivée de l’automne est dans un premier temps vécue comme un événement magique : le vert des feuilles disparaît au profit de magnifiques couleurs caractéristiques de la saison, telles que le rouge vif, l’orange et le jaune… Puis vient le moment des premières chutes de ces feuilles d’automne. Soudainement beaucoup moins amusant: le sol se couvre de toutes ces feuilles désormais mortes, au plus grand déplaisir de certains, qui préfèrent s’en débarrasser afin de jouir de leur pelouse.
Vécu comme une tâche ingrate et qui exige du temps et des efforts physiques, le ramassage de feuilles mortes fait pourtant débat. Pourquoi devrait-on en effet enlever toutes ces feuilles d’automne accumulées dans les jardins et les espaces publics? « Ramasser les feuilles dans le jardin, franchement, c’est une mauvaise idée à mon sens », affirme le professeur Hugues Claessens, du département Gestion des ressources forestières et des milieux naturels à l’université Gembloux Agro-Bio Tech.
Il ne faut pas ramasser les feuilles d’automne
Mais qu’ont-elles de si important, ces feuilles mortes? Outre le fait de « protéger la terre de la battance de la pluie et d’empêcher les mauvaises herbes de se développer », elles servent également d’engrais naturel… et gratuit, selon le professeur de l’Agro-Bio Tech. « Il reste dans la feuille plein d’éléments minéraux, qui sont aussi des matières organiques », avance-t-il. « Pendant tout l’hiver, les feuilles se décomposent progressivement et donnent tous les éléments minéraux et organiques au sol. »
Une pelouse moins belle
« La seule chose pour laquelle de grandes quantités de feuilles peuvent être embêtantes, c’est pour la pelouse. Parce que l’herbe en dessous peut dépérir. Elle est à l’ombre, il n’y a donc plus de lumière, plus de photosynthèse. C’est un peu gênant et la pelouse n’est plus si jolie », admet Hugues Claessens, qui propose néanmoins de trouver un compromis entre tout ce qu’apporte la feuille au sol et le côté propreté/aspect visuel du jardin. « Si vous faites un jardin progressif, avec une pelouse nette et belle près de la maison et un espace plus sauvage derrière, il faut laisser les feuilles mortes dans cette partie-là. Et cela enrichit la pelouse aussi. En tous cas, en dessous des arbres, en dessous des buissons… Les feuilles sont une bénédiction. »
Les plantes, et surtout les arbres, fonctionnent en effet comme d’énormes pompes qui aspirent des éléments nutritifs afin de les stocker dans leurs feuilles. À l’automne, ces feuilles tombent sur le sol qui s’enrichit un peu plus. Tout ce processus de dégradation et transformation de la matière organique produit le humus, un élément essentiel du sol, sans lequel la terre se dégraderait, se stériliserait et ne produirait plus rien.
Chaque année, les ménages et les communes jettent donc des kilos de déchets verts alors qu’ils s’avèrent être une source alimentaire significative pour les sols et les micro-organismes. Les feuilles d’automne au sol constituent également un univers idéal pour divers insectes et bestioles, qui y trouvent refuge pendant la période hivernale.
Pourquoi les feuilles tombent?
Quant à savoir pourquoi les arbres se mettent soudainement à nu en automne, il faut avant tout s’intéresser à la météo. C’est elle qui dicte une grande partie de ce processus de vie… et de mort ! « Il y a une interaction assez forte avec les vents et les pluies. Tant qu’il n’y en a pas, les feuilles peuvent rester longtemps. C’est mécanique. La durée de l’arrière saison joue aussi un rôle. Est-elle relativement douce et en même temps relativement humide ? Cela ne pousse pas les feuilles à tomber », détaille le spécialiste. « C’est quand même presque toujours à la même période que les feuilles tombent, c’est la dernière quinzaine d’octobre qui est la plus belle, avec les plus belles couleurs. »
Les températures jouent notamment un rôle dans le cycle de vie de l’arbre et de ses feuilles. « Le grand principe dans nos régions tempérées, c’est que l’arbre doit arriver à passer l’hiver, durant lequel il gèle », explique le professeur Hugues Claessens. Or, la feuille est un organe sensible au gel. « Elle est pleine d’eau donc si l’eau gèle, les cellules éclatent », précise-t-il. Ce qui risque d’abîmer l’arbre. La solution que les feuillus ont trouvé pour se protéger est de sacrifier leurs feuilles et de rapatrier toutes les ressources dans leurs racines, leur tronc, leurs bourgeons…
Autre facteur important : la lumière du soleil. En automne, les jours raccourcissent et les feuilles, capteurs solaires, ne parviennent plus à fabriquer suffisamment d’énergie pour l’arbre.
Aussitôt que la luminosité baisse et que le temps se refroidit, l’arbre va commencer à secréter une petite molécule hormone qui s’appelle éthylène et qui va à son tour déclencher un second mécanisme : la formation d’un bouchon à la base de la feuille qui empêche celle-ci de recevoir la sève qui la nourrit. Au fur et à mesure que le temps passe, la feuille se dessèche et devient fragile. Son avenir ne tient dès lors plus qu’à un fil : au moindre coup de vent, elle finit par se détacher et tomber.
Les arbres se parent de leurs plus belles couleurs
Avant de mourir, les feuilles changent soudainement de couleur. Fini les 50 nuances de vert, les arbres d’automne deviennent rouges, orange, brunes et parfois jaunes. « Une fois que l’automne arrive et que les ressources de la feuille se vident, la chlorophylle disparaît. Or c’est elle qui est responsable de la photosynthèse et donc du vert », expose le professeur de l’Agro-Bio Tech.
Les pigments verts captent en effet l’énergie lumineuse. Or, lorsque les journées commencent à raccourcir, les arbres captent moins la lumière du soleil et ont donc moins d’énergie. Ils ralentissent alors leur métabolisme, notamment en diminuant graduellement la photosynthèse. C’est à ce moment-là que ces fameux pigments verts, la chlorophylle, disparaît au profit d’autres couleurs plus chaudes provoquées par des pigments déjà présents dans les feuilles :
- Les feuilles jaunes sont dues aux pigments xanthophylles,
- Les feuilles orangées sont dues aux pigments carotènes.
Seuls les pigments anthocyanes – responsables des flamboyantes feuilles rouges aperçues sur certains arbres (érables, chêne rouge…) – sont produits seulement à l’automne.
Les feuilles mortes, un danger pour les trams
Si les feuilles d’automne sont une bénédiction pour les jardins, elles représentent un véritable danger en ville. En particulier pour les trams et autres modes de transport. « La visibilité est réduite en automne et la chute des feuilles rend les routes et les voies de tram plus glissantes », prévient la STIB, qui appelle son personnel à faire preuve de vigilance.
Et pour cause: sur les rails, les feuilles mortes accumulées sont compressées par les roulements du tram et peuvent former une sorte « d’huile ». Le tram adhère moins bien aux rails. Il met donc plus de temps à freiner.
Pour ces raisons, la STIB combat les feuilles mortes à l’aide d’un souffleur à feuilles, afin de toutes les retirer, et de sable projeté, pour améliorer l’adhérence des roues sur les rails.