La réélection de la présidente Maia Sandu en Moldavie est saluée par les Européens, mais décriée par les prorusses.
Les alliés occidentaux de la Moldavie ont salué lundi la réélection de la présidente pro-européenne Maia Sandu, une victoire décriée par les prorusses dans cette ex-république soviétique profondément divisée.
Après une campagne tendue assombrie par des soupçons d’ingérences russes, la candidate de 52 ans a remporté le second tour des élections avec 55,33% des voix, contre 44,67% pour Alexandr Stoianoglo, son adversaire soutenu par les socialistes prorusses, selon les résultats complets.
« Maia Sandu est une présidente illégitime, reconnue seulement par ses soutiens à l’étranger« , « la présidente de la diaspora », a réagi ce parti proche de Moscou. « Le peuple moldave se sent trahi et volé« , a-t-il ajouté, citant des « irrégularités » et « la réduction injustifiée » du nombre de bureaux de vote en Russie.
« Avenir européen »
Ce dénouement est un soulagement pour l’Union européenne, qui a officiellement ouvert en juin des négociations d’adhésion avec le petit pays de 2,6 millions d’habitants.
D’autant que le référendum du 20 octobre, visant à inscrire dans la Constitution l’objectif européen, a failli tourner court. Il a finalement été approuvé de justesse.
« Les Moldaves ont montré une fois de plus leur détermination à construire un avenir européen malgré les tentatives hybrides de saper la démocratie », a réagi sur le réseau social X le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell. Paris et Berlin ont livré des messages similaires.
Pour l’Ukraine voisine, candidate elle aussi à l’UE, les Moldaves ont fait « un choix clair« , a déclaré son président Volodymyr Zelensky, appelant à « une Europe pacifique et unie ».
Le Kremlin, qui dément « catégoriquement » les allégations d’interférence, n’avait pas encore réagi.
« Leçon d’humilité »
Première femme à occuper, en 2020, les plus hautes fonctions dans cet Etat situé entre l’Otan et la sphère d’influence russe, Maia Sandu a évoqué « une leçon de démocratie » face à « une attaque sans précédent » de « forces hostiles et criminelles ».
Désinformation, achat massif de votes, menaces de mort, cyberattaques et « transports organisés » d’électeurs: la police a signalé ces dernières semaines de nombreuses « tentatives de déstabilisation » présumées de Moscou.
De fausses alertes à la bombe ont perturbé les opérations de vote en Allemagne, selon Berlin qui a dénoncé une « tentative massive d’influence et d’intimidation totalement inacceptable ».
Mais « c’est aussi une leçon d’humilité » pour Mme Sandu et ses partisans, analyse pour l’AFP l’expert Andrei Curararu, du groupe de réflexion WatchDog, évoquant la déception de certains face au rythme lent des réformes et au marasme économique.
Dans son discours dimanche soir, l’ancienne économiste de la Banque mondiale a tendu la main à ceux qui ne l’ont pas choisie, s’exprimant même en russe aux côtés du roumain, la langue officielle, et a promis d’être « la présidente de tous ».
Car le pays, l’un des plus pauvres d’Europe, est extrêmement polarisé, entre d’un côté une diaspora et une capitale majoritairement favorables à une intégration dans l’UE, et de l’autre les zones rurales et deux régions, la province séparatiste de Transdniestrie et la Gagaouzie autonome, tournées vers la Russie.
Rendez-vous en 2025
Maia Sandu a d’ailleurs perdu face à son rival sur le seul territoire de la Moldavie et doit sa survie à la forte mobilisation de la diaspora: sur les 327.000 bulletins de l’étranger, plus de 270.000 étaient pour elle.
« Moscou a certes exercé une influence sur le scrutin mais ce n’est pas la seule raison pour laquelle 44% des électeurs ont donné leur voix à Alexandr Stoianoglo », estime Lucian Cristea, un étudiant de 27 ans interrogé par l’AFP, évoquant l’attachement « sentimental » de certains à la Russie.
Dans ces conditions, l’expert de WatchDog met en garde contre l’issue des législatives prévues à l’été 2025. Si Maia Sandu ne tire pas les enseignements du scrutin, « nous n’aurons pas l’an prochain un parlement pro-européen« , avertit M. Curararu.
Un scénario qui serait alors similaire à la celui de la Géorgie, autre ancienne république soviétique, où la présidente Salomé Zourabichvili pro-occidentale s’oppose au gouvernement, accusé de dérive autoritaire prorusse.
« La lutte pour la démocratie continue en Moldavie et à travers la région », a lancé Maia Sandu sur le réseau social X.