L’écrivain dévoile le récit poignant de sa revalidation physique et morale après l’agression dont il a été victime, en août 2022. Sa réponse: l’amour et la littérature.
C’est le livre que Salman Rushdie aurait «préféré ne pas devoir écrire» mais qu’il devait écrire «avant de pouvoir passer à autre chose». Le Couteau (1) est le récit de la tentative d’assassinat dont l’auteur fut victime, perpétrée par un activiste islamiste à Chautauqua, aux Etats-Unis, le 12 août 2022, et de son parcours pour renouer avec une vie plus ou moins normale.
La «rencontre» avec son agresseur, qu’il refuse de nommer et appelle «le A.», a duré 27 secondes, le temps pour l’agresseur de lui asséner des coups de couteau au visage, au cou, au bras… et de le placer entre la vie et la mort, le temps pour Salman Rushdie de se demander «pourquoi maintenant, après toutes ces années?», en référence à la fatwa lancée 33 ans et demi plus tôt contre lui par le chef de la révolution islamique iranienne l’ayatollah Khomeyni pour la publication de son livre Les Versets sataniques. L’écrivain américano-britannique d’origine indienne découvrira que «le A.» a lu à peine deux pages de son œuvre et l’a vu sur YouTube donner une conférence où il l’a trouvé «hypocrite». «Un livre sur une tentative d’assassinat devient pour le presque-assassiné le moyen de reprendre le contrôle sur l’événement, justifie Salman Rushdie. C’est ma façon de m’approprier ce qui m’est arrivé, de le faire mien, d’en faire mon propre travail.»
Salman Rushdie détaille sans fard les opérations qu’il a subies et les traitements auxquels il a été soumis pendant ses 18 jours passés aux soins intensifs et ses six semaines d’hospitalisation. Il nous donne à ressentir une partie des souffrances physiques endurées et du choc psychologique vécu après la découverte puis la perte de son œil martyrisé. Il explique comment il a surmonté les moments de désespoir grâce à l’amour de sa compagne, la romancière, poétesse et photographe Rachel Eliza Griffiths, de sa sœur, de ses enfants et du public, et comment il a formidablement repris goût à la vie. Avec cette obsession: être un simple auteur, lutter contre ce à quoi les événements, la fatwa de 1989 comme l’attaque de 2022, ont voulu l’assigner.
«C’est ma façon de m’approprier ce qui m’est arrivé, […] d’en faire mon propre travail.»
La seconde chance de vivre qui lui a été donnée, il souhaite la consacrer à l’amour et à l’art. «L’art n’est pas un luxe. C’est l’essence même de notre humanité.» Il le démontre avec ce récit profond et plein d’humour.
(1) Le Couteau. Réflexions suite à une tentative d’assassinat, par Salman Rushdie, Gallimard, 272 p.