D’une chose licencieuse, on dit qu’elle est graveleuse. Si on ajoute à la définition la notion de danger, d’emprise et de déviance pleine de conséquences, on obtient le «sexe à sec». Une pratique sexuelle préoccupante qui quitte progressivement des endroits du monde – où le plaisir féminin est un tabou religieux et social – pour se répandre. Le principe: assurer rapports sexuels vaginaux sans lubrification. Pour quoi faire? Pour ne pas passer pour «une sale femme qui mouille», ce que répriment certaines sociétés. Pour augmenter la friction sur le pénis. Pour assouvir les fantasmes tordus de ceux qui veulent «casser de la femme» (littéralement une catégorie et un hashtag sur les sites les plus sombres).
Pour quoi faire? Pour ne pas passer pour «une sale femme qui mouille».
C’est ainsi que des femmes insèrent dans leur intimité de la craie pillée, des morceaux de peau de chamois, du sable sec, des gravillons, du papier de soie, des lambeaux de papier de verre, des feuilles sèches, des copeaux de bois… Et lorsqu’à la recherche de sensations s’additionne un délire hygiéniste, c’est à coup de détergents, d’eau de Javel, d’antiseptiques, de produits caustiques et de spray asséchant recommandé pour apaiser la varicelle que les femmes se torturent.
Dans les pays fortement imprégnés de religion et de croyances d’où émerge cette «tendance», la lubrification vaginale peut être considérée par d’aucuns comme le signe de valeurs morales impures. Une «femme mouillée» est probablement infidèle, légère, voire sorcière. Elle répand des IST, elle laisse des traces d’enjôleuse. Lorsque son corps se prépare à la protéger des douleurs de la pénétration en lubrifiant son vagin (une mécanique salvatrice qui n’est pas forcément corrélée avec l’excitation), elle n’y est pour rien. Mais pour certains, elle sort de sa fonction de réceptacle et de procréatrice passive pour devenir un objet capable de ressentir une forme de plaisir (pour autant qu’il y ait consentement, naturellement). Et le plaisir des femmes est un enjeu social et politique pour les sociétés patriarcales rétrogrades. Derrière l’horreur de l’excision se cachent des pratiques certes non chirurgicales, mais tout aussi barbares.
Des pratiques qui encuriosent l’Occident. Avec des motivations diverses: adoption d’une supposée rectitude morale soi-disant imposée par la religion, envie de nouvelles sensations dans le champ BDSM… Pour des femmes d’ici – très jeunes ou pas – dont l’éducation sexuelle est balbutiante, il n’est pas rare de confondre lubrification et saleté. Le vagin est une mécanique bien rodée et «autonettoyante» d’où s’échappent, au fil du cycle, des substances plus ou moins fluides, odorantes et incontrôlables. Des substances qui indiquent lorsque quelque chose se dérègle. Des substances naturelles, parfois abondantes et absolument nécessaires.
A force d’induire que tout cela est sale, on en arrive à ne même plus souhaiter des rapports sexuels joyeusement humides. Brûlures, allergies, déchirures, lacérations, infections… La liste des risques est évidente. Et il n’est pas rare qu’ils touchent aussi les hommes pénétrants. Une forme de justice? Pas vraiment puisque les hommes ainsi blessés n’hésiteront pas à comparer l’orifice de leur partenaire à un piège à loups dangereux, infligeant une honte supplémentaire à celle qui ne sera jamais assez sainte.