dimanche, octobre 27

Tout le monde peut avoir des obsessions ou des rituels. Mais sommes-nous tous atteints de troubles obsessionnel compulsifs pour autant? Habitude n’est pas (forcément) TOC.

Vérifier trois fois si la porte est fermée, se laver les mains compulsivement après avoir touché une poignée… Tel est le quotidien de ceux qui souffrent de troubles obsessionnels compulsifs, les fameux «TOC». Ils touchent environ 2% de la population adulte. Un trouble dont il est parfois difficile de parler.

Obsédante pensée

Mais est-ce que vérifier que les fenêtres sont bien fermées avant de quitter la maison est réellement un TOC? Qui des dix révisions de la valise pour s’assurer qu’il ne manque rien avant de partir en vacances? C’est une maladie «complexe», répond le Dr Alain Sauteraud, spécialiste des troubles anxieux et dépressifs et auteur de livres de référence sur les TOC. La maladie comprend deux symptômes principaux: les obsessions et les compulsions.

L’obsession, c’est la pensée, souvent intempestive. Celle qui évoque une crainte vis-à-vis d’un évènement malheureux à venir dont il faudrait se protéger. Celle qui revient sans cesse, et qui génère de l’angoisse ou de l’anxiété. «L’obsession n’est pas volontaire. C’est une pensée qui s’impose à la conscience», écrit le médecin dans son ouvrage «Mieux vivre avec un TOC» (Edition Odile Jacob). C’est, par exemple, ne plus vouloir serrer des mains par peur de la saleté. Ces pensées deviennent constantes, et restent parfois des mois voire des années.

Saleté, malheur… Des craintes variées

Les obsessions peuvent être classés en quatre grandes catégories.

1. Les obsessions de saleté: par exemple, quand quelqu’un vous serre la main et que vous la sentez «poisseuse» ou quand vous recevez des invités et que vous craignez de l’état de votre maison après leur départ. Elle est souvent associée à la peur qu’un contact sale puisse engendrer une maladie.

2. Les obsessions d’erreur: par exemple, se demander si la porte est bien fermée à clé. Elle peut entraîner d’autres questions: et le frein à main de ma voiture? Et les taques de cuisson? Tout le monde y pense de temps en temps, mais si cette pensée vous hante toute la journée, et régulièrement, c’est une obsession.

3. Les obsessions de malheur: le fameux chiffre 13, par exemple.

4. Les obsessions d’agressivité: votre enfant vous agace au plus au point, et tout à coup vient la pensée de trop («Ai-je vraiment songé à lever la main sur ma progéniture?») Cette pensée peut arriver, mais si elle a du mal à vous quitter, méfiance. «Une idée agressive banale, comme tous les parents en ont régulièrement, devient, en cas d’obsession, une éventualité possible.»

Le Dr Sauteraud rassure. Si ces pensées sont courantes, tout le monde n’est pas atteint de TOC pour autant: «La pensée obsédante n’est jamais absurde. Il n’est jamais tout à fait faux de penser que l’on peut être sali par un objet extérieur, ni que l’on a pu oublier de fermer une porte. Mais chez ceux qui souffrent de trouble obsessionnel compulsif, cette pensée est longue et pénible.»

Compulsion, ou la contrainte du rituel

Le TOC est considéré comme une anxiété «de fond». Celle qui est prégnante, mais pas paralysante. Il est tout à fait possible de vivre presque normalement avec un TOC. Mais n’est pas sans conséquence. Cette anxiété lancinante est souvent contrôlée par des rituels, ou des évitements. Si l’obsession précède et engendre le rituel, ce dernier vise lui à apaiser l’obsession. Le Dr Sauteraud estime qu’il s’agit d’un «moyen médiocre» pour baisser l’anxiété, car l’apaisement n’est que transitoire. D’autant qu’un rituel en amène souvent un autre. «Ils ont tendance à s’étendre à des activités de la vie quotidienne de plus en plus nombreuses.»

On entre alors dans la compulsion. Tout comme les obsessions, il existe plusieurs types de rituels. Les plus courants sont ceux de lavage, de vérification et les rituels mentaux. L’entourage voit cela comme une «manie», mais cela va souvent au-delà. Si l’acte de compulsion est volontaire, il devient vite difficile de s’en éloigner et de ne pas se sentir «forcé» de l’accomplir. «Il y a une force intérieure qui pousse à accomplir cette compulsion. Intérieurement, la personne se dit: « C’est absurde » et « Fais-le ». Ceux qui souffrent de TOC vivent avec une honte et culpabilité l’absurdité de « leurs gestes ».» Si le rite n’est pas effectué, l’anxiété revient de plus belle. Le rituel est souvent séquencé. D’abord vérifier ceci, puis cela. Le but: être certain de ne rien oublier. Puis répéter: vérifier trois fois que la cafetière est éteinte, puis cinq, puis dix. «Le nombre de répétition est souvent assez fixe pendant des mois. Puis il va fluctuer au fil des années.» Une des énigmes de la maladie, estime Alain Sauteraud.

Ce que le TOC n’est pas

Il convient de différencier le TOC d’une «idée fixe». Avoir peur de rater ses examens n’a rien à voir avec un TOC, car une fois le test passé, la pensée disparaît. Pour parler de TOC, il faut qu’il fasse perdre au moins une heure par jour ou gêne considérablement le quotidien. Il peut évoluer au fil du temps, et même s’aggraver, notamment en cas de responsabilité, de coup de stress ou si la situation touche des proches. Mais que les maniaques de la propreté se rassurent. Aimer avoir une maison propre et rangée n’est pas forcément un TOC. «C’est un rituel si vous trouvez cela absurde et si, quand vous résistez à l’envie de réaliser cet acte, vous vous sentez soudainement très anxieux. Sinon, c’est un trait de personnalité», rassure le médecin. A ne pas confondre non plus avec les autres troubles anxieux ou encore les phobies.

Chacun peut souffrir, à un moment donné, d’obsessions normales. Vous avez peur de faire un accident de voiture ou de transmettre une maladie à vos proches? C’est normal. Même si les thèmes sont globalement les mêmes (saleté, erreur, malheur…), les obsessions dites normales sont rares, brèves et conduisent rarement à des rituels. C’est cela qui fait la différence avec une personne souffrant de TOC. Chacun peut avoir, aussi, son petit rituel avant d’aller se coucher: boire un verre d’eau, lire quelques pages d’un bouquin… Tous les rituels ne sont par ailleurs pas compulsifs. «Dans la population normale, les obsessions et compulsions sont bien présentes, mais amènent peu de conséquences en termes de handicap, peu d’émotions pénibles et peu de temps perdu», objective enfin le Dr Alain Sauteraud.

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