Le smartphone a déjà détrôné l’ordinateur comme support favori pour faire des achats en ligne. Mais jusqu’ici, les usages étaient bien séparés: le téléphone pour les petits achats, et le bon vieux PC pour les grosses dépenses. Jusqu’à ce que la Gen Z bouleverse les usages.
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Les Belges passent en moyenne trois heures par jour sur leur smartphone, et c’est une estimation basse. Ce temps occupé à pianoter l’est, entre autres, pour acheter: en 2024, 74% des transactions de l’e-commerce ont été effectuées avec smartphone, pour 68% en 2020. L’augmentation est constante et les professionnels du milieu ne prévoient pas de ralentissement. Le baromètre de la fédération belge de l’e-commerce, Becom, indique que le smartphone et l’ordinateur sont désormais au coude à coude comme plateformes utilisées pour le shopping en ligne.
D’abord pour une simple raison statistique: «90% des Belges possèdent un smartphone alors que 70% ont un accès direct à un ordinateur», avance Leen De Cort, directrice de l’Association belge de recherche et d’expertise pour les organisations de consommateurs (AB-REOC). Mais si le téléphone s’impose dans l’e-commerce, ce n’est pas par simple question d’usage de l’utilisateur, c’est aussi en raison d’une volonté du commerçant.
Le «tout ou rien» des applications
Ainsi, les vendeurs du Web ont adapté leur site afin de les rendre plus adaptés au smartphone qu’à l’ordinateur. Le consultant Deloitte a d’ailleurs noté, dans une étude citée par le média de l’e-commerce français Ecommercemag, que le taux de conversion sur mobile pour les sites optimisés est 1,5 fois plus élevé que sur PC. L’enjeu n’est pas d’être beau, mais d’être adapté. «C’est d’ailleurs souvent une erreur, dans l’e-commerce, note le consultant et expert du secteur, Damien Jacob. De nombreux sites investissent dans la beauté, plus que dans l’ergonomie. Très concrètement, l’interface d’Amazon est moche. Mais le site est redoutablement complet et efficace.»
«Le site d’Amazon est moche, mais redoutablement complet et efficace.»
L’expert affirme également que les achats à l’aide d’applications sont de moins en moins plébiscités. Car pour qu’une application vende des produits, il faut qu’elle soit complète de A à Z: localisation de l’utilisateur, identification rapide, paiement facilité. Mais aussi que l’utilisateur la sollicite au moins une fois par semaine. Sur ces points, jusqu’ici, l’Europe et son RGPD n’ont pas facilité la tâche aux commerçants. «En Chine, cela fait bien dix ans que tout le monde paie tout grâce à une « super-app » bancaire installée sur smartphone. Et c’est aussi pour faciliter les paiements que les marketplaces (des plateformes de vente réunissant une grande quantité d’enseignes) se développent plus que les sites des commerçants. Elles ont intégré un moyen de paiement.»
Les applications XXL qui fonctionnent le mieux, comme Amazon, Shein ou Temu, par exemple, ont également trouvé le truc pour fidéliser le client. «Cela passe régulièrement par des processus de gamification, alerte Leen De Cort. On pousse le consommateur à acheter pour accumuler un certain nombre de points qui seront convertis en coupons. Pour ces entreprises, il est crucial de garder les clients le plus longtemps sur l’application, qui permet de récolter un grand nombre de données personnelles.» Et donc d’optimiser le marketing.
La Gen Z, public charnière pour l’e-commerce
C’est aussi l’usage que fait l’utilisateur de son smartphone qui est important. «On sait que l’e-commerce fonctionne particulièrement bien en soirée ou la nuit, note Leen De Cort. Aussi parce que, le soir, on n’a pas toujours envie de ressortir son ordinateur après une journée de travail.» C’est un détail, mais un détail important puisque Leen De Cort et son association ont constaté lors d’études sur le comportement du consommateur que celui-ci était prêt à renoncer à l’urgent besoin d’acquérir certains produits s’il était informé des conséquences sociales et environnementales de ces produits. «Or, sur un téléphone, les informations obligatoires relatives au produit s’inscrivent logiquement en plus petit que sur de grands écrans d’ordinateurs, et le consommateur peut potentiellement passer à côté.»
Sur Instagram, qui a d’ailleurs contribué au développement du m-commerce (l’e-commerce sur mobile) grâce à ses armées d’influenceurs, la Gen Z n’a pas loupé le coche. Et déjà un écart se creuse avec les millenials qui préfèrent toujours effectuer leurs plus gros achats sur écran d’ordinateur.
En France, l’auditeur KPMG a noté au travers d’une étude que la Gen Z (les 18-24 ans) était particulièrement séduite par des solutions de paiement permettant d’étaler les factures, soit le buy now, pay later (achète maintenant, paie plus tard). Par ailleurs, 64% de cette même Gen Z a concentré ses achats sur des produits de première nécessité, soit six points de plus que l’ensemble des cyberacheteurs. Et 63% a opté pour des produits en promo, soit huit points de plus que le reste de la population. Dans une autre étude menée par Leen De Cort, on apprend notamment que 31% des 18-24 ans se disent sensibles aux achats impulsifs en ligne, contre 28% des 25-34 ans.
Dans 18% des cas, les réfractaires à l’e-commerce le sont parce qu’ils trouvent les méthodes de paiement trop fastidieuses. «On est donc plus sur un défi technique que sur des questions de marketing, conclut Damien Jacob. Aujourd’hui, l’amateurisme n’est plus permis dans l’e-commerce.» D’autant que six services sur dix sont désormais vendus en ligne, des billets de train aux assurances en passant par la livraison de courses. Le temps quotidien passé sur smartphone n’est pas près de diminuer…
S.Ax.














