Avant de former un gouvernement, six partis bruxellois négocient dans le cadre de l’élaboration d’un budget pour 2026. Pour cette mission, l’optimisme est de mise, mais il n’est pas exclu que le gouvernement actuel reste en affaires courantes jusque 2026.
Ils se sont enfermés depuis lundi autour de David Leisterh qui a repris son costume de formateur non pas pour former un gouvernement, mais pour construire un budget 2026. Les six partis bruxellois (MR, PS, Les Engagés, Groen, Vooruit et Open VLD) décideront d’ici la fin de semaine s’ils invitent le CD&V ou non à rejoindre ce drôle de conclave. En effet, sans les chrétiens-démocrates néerlandophones, la sizaine recueille une majorité au parlement bruxellois, mais –faut-il le rappeler– l’exécutif régional a également besoin d’être majoritaire au sein des groupes francophone et néerlandophone.
C’est sur ce tout dernier point que tout bloque encore; Open VLD (et MR) préféreraient y voir la N-VA de Cieltje Van Achter. Ceci dit, ce mardi, l’Open VLD bruxellois (à savoir le ministre régional Sven Gatz et la seule députée au parlement Imane Belguenani) a descendu en flammes le projet d’économies de la ministre nationaliste sur la capitale. Ce (curieux) lien de solidarité s’effiloche, et pourrait déboucher sur un abandon des nationalistes par les libéraux, et donc une accession définitive du CD&V à la coalition, et donc à un déblocage.
Concrètement, la situation n’est pas encore là. Les discussions de fond sur le défi budgétaire XXL qui attend Bruxelles ont à peine commencé. Pour l’heure, David Leisterh (MR) et Ahmed Laaouej (PS) ont chacun remis une note à leurs interlocuteurs, reprenant les grands constats financiers de Bruxelles. Si ceux-ci sont les mêmes, les trajectoires à embrasser diffèrent largement. Sans surprise. Certains voudraient augmenter les tarifs de la STIB, d’autres veulent tout faire pour éviter le moindre impôt supplémentaire alors que des protagonistes veulent rétablir les frais d’enregistrement sur les fonctionnaires européens qui y échappent jusqu’à présent. Ces divergences ne minent pas (encore) pour autant l’optimisme ambiant. «Les mesures d’économies sont connues, pointe un participant à la réunion. Maintenant, il faut savoir trancher.»
Dans le plan A, le CD&V rejoint les discussions dans les jours à venir, construit un budget avec les six autres partis et un gouvernement fort de toutes les majorités requises, verra le jour de plein exercice voit le jour. Enfin.
Mais le plan B n’est pas exclu pour autant.
Un gouvernement bruxellois mi neuf, mi-vieux
Ce plan B n’est privilégié par personne, mais demeure une solution plausible à l’issue de ces discussions budgétaires. Car, quoi qu’il arrive, il faudra montrer que les choses avancent si un retour aux urnes (dont la légalité doit encore être démontrée) veut être évité. Les francophones disposant déjà d’une majorité via l’axe MR-PS-Les Engagés pourraient convoquer l’article 35, paragraphe II, afin de remplacer les ministres en affaires courantes depuis quinze mois par les nouveaux. La procédure se ferait via un vote au parlement pour chaque ministre remplacé, y compris pour le Ministre-président, poste trusté par David Leisterh (MR).
Côté néerlandophone, c’est plus compliqué. Si les trois partis actuellement à la table des négociations ne sont pas rejoints par le CD&V, il leur manquera un siège (8/17) pour atteindre une majorité néerlandophone au parlement bruxellois. C’est pourquoi le remplacement ministre par ministre semble compromis (sauf un surprenant soutien de la Team Fouad Ahidar).
L’exemple du gouvernement Wilmès
«C’est un bidouillage possible, et pas scandaleux car il est prévu par la loi», analyse la constitutionnaliste Anne-Emmanuelle Bourgaux, qui s’est penchée sur les mécanismes des affaires courantes et leurs implications à l’époque du gouvernement Wilmès I. En pleine crise sanitaire, la libérale s’était retrouvée à gérer un gouvernement mort-vivant après sa chute provoquée par le départ de la N-VA à cause de la ratification du pacte de Marrakech. Anne-Emmanuelle Bourgaux rappelle néanmoins que Sophie Wilmès avait proclamé que son gouvernement avait vocation à gérer la crise sanitaire qui dévalait sur la Belgique, mais pas les autres compétences qui restaient en affaires courantes (car le gouvernement Wilmès était minoritaire).
Dans le cas bruxellois, les compétences occupées actuellement par les ministres néerlandophones (condamnés à rester, donc) occupent des portefeuilles primordiaux pour Bruxelles: Budget, Mobilité, Urbanisme… Est-ce là le rôle d’un ministre en affaires courantes de définir une politique si importante pour une région? «S’il y a un changement de Ministre-Président, il n’est pas défendable que son gouvernement soit considéré en affaires courantes, note Anne-Emmanuelle Bourgaux. On pourrait cependant imaginer un vote de confiance au parlement tous les six mois afin d’éviter de se demander à l’infini si ce gouvernement bruxellois est en affaires courantes ou non.»
La formule, note la constitutionaliste, a l’avantage de débloquer les choses à la Cocof (Commission communautaire française), en charge des matières personnalisables comme le versement des allocations familiales menacées par des coupes budgétaires. L’inconvénient, en revanche, est de plonger encore un peu plus la formation d’un gouvernement bruxellois dans une dynamique partisane, particulièrement à l’avantage des francophones. «En 2001, la cinquième réforme de l’Etat a touché aux institutions bruxelloises, justement dans le but d’éviter un blocage des institutions car la crainte d’un score important du Belang était palpable, rappelle Anne-Emmanuelle Bourgaux. On imaginait pas, à l’époque, que ce blocage des institutions viendrait des partis démocratiques.»















