mardi, avril 1

Il n’y a qu’en Wallonie qu’un député perçoit une indemnité de sortie, de maximum deux ans, en cas de démission parce qu’il ne peut pas cumuler avec un poste de bourgmestre ou échevin…

Les innombrables sujets qui ont défrayé la chronique depuis plusieurs années sur les indemnités de sortie des parlementaires ont mené à plusieurs réformes dans tous les parlements du pays. Au fédéral, l’accord de gouvernement Arizona prévoit d’ailleurs de réduire de moitié, de 24 à 12 mois, le plafond de ces primes de départ, dont l’ampleur a déjà été diminuée plusieurs fois au cours des législatures précédentes. Cette vertueuse concurrence multiforme, à laquelle se livrent assemblées fédérales et fédérées, renverse parfois l’organigramme de la vertu. Dans ce Nouveau Testament de la bonne gouvernance, les derniers deviennent vite les premiers.   

Ainsi, le Parlement wallon avait été le premier à légiférer sur le cumul avec un mandat local. Mais il est aujourd’hui le dernier à offrir une indemnité de sortie à des députés qui choisiraient de démissionner pour s’en aller exercer, dans leur commune, un mandat de bourgmestre, d’échevin ou de président du CPAS.

C’est écrit très lisiblement dans le «règlement du Parlement wallon relatif aux indemnités des membres du Parlement wallon», adopté au mépris des cumulards et des traqueurs de pléonasmes le 26 mars 2014. Son article 11 prévoit que les députés qui choisiraient de démissionner n’ont, de manière générale, droit à aucune indemnité de sortie. C’est la règle générale. Mais elle connait trois exceptions: la maladie, validée par un médecin, la force majeure, validée par le Bureau, et s’il démissionne «en sorte de respecter le prescrit de l’article 24bis, § 6, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles». Ce prescrit concerne les règles anti-cumul wallonnes.

Depuis une décennie, elles prévoient, en Wallonie, qu’un quart seulement des députés de chaque groupe, ceux qui peuvent jouir du meilleur taux de pénétration dans leur arrondissement, puissent cumuler leur députation avec un siège au collège de leur commune. Les autres, les députés et potentiels bourgmestres ou échevins les moins bien élus, doivent donc choisir. Et s’ils décident de quitter le Grognon pour n’occuper qu’un bureau municipal, ils peuvent demander, dans les trois mois suivant leur démission, une indemnité de sortie selon les règles similaires dans tous les parlements (deux mois par année de mandat, avec un maximum de vingt-quatre mois).       

Ces règles anti-cumul étaient à l’époque uniques en Belgique. Comme est aujourd’hui unique la possibilité pour un parlementaire, qui choisit de démissionner pour exercer une autre fonction politique, de recevoir tout de même une prime de départ. Même aux niveaux de pouvoir qui ont limité à leur tour, et plus ou moins, le cumul des mandats.

Au Parlement bruxellois, où tout cumul est désormais strictement interdit, les députés qui ont préféré un poste communal ne percevront aucune prime de départ. Pour prendre un exemple dans l’actualité récente, en nouant, avec le MR de Schaerbeek, un accord pour devenir le bourgmestre dans trois ans, le député régional socialiste Hasan Koyuncu, qui démissionnera donc du Parlement bruxellois, a fait une croix sur d’éventuelles indemnités de sortie. A la Chambre et au Sénat, seule la force majeure ou la maladie y autorisent. Ainsi le socialiste Malik Ben Achour, qui a choisi de quitter le Sénat pour devenir échevin à Verviers, renonce à la fois à ses émoluments de sénateur et à une prime de départ. Et au Parlement flamand, seule une démission pour cause de maladie donne l’accès à une indemnité de sortie.

Cette singularité wallonne avait été pensée pour apaiser le déchirement de mandataires forcés de choisir entre une carrière municipale et un avenir régional. Elle n’a pas été limitée dans le temps, et a aujourd’hui encore cours. Sous la législature précédente, l’ancienne ministre Alda Greoli (CDH-Les Engagés), devenue parlementaire en 2019, avait été parachutée au collège communal de Spa, dont elle n’était du reste pas élue locale à l’époque, pour contribuer à régler une situation devenue difficile. Fin 2022, elle a reçu pour cela une indemnité de sortie d’onze mois, pour trois années passées au Parlement, pour ses années au gouvernement, comptabilisées comme des années d’assemblée.

Sous cette législature, Marie-Christine Marghem a quitté le parlement régional wallon lorsqu’elle est devenue bourgmestre de Tournai après les élections communales. Députée de la Chambre des représentants –ministre aussi– pendant plus de 20 ans d’une belle carrière fédérale, elle n’aura donc presté que quelques mois comme députée wallonne. Mais ces quelques mois l’ont rendue éligible à une indemnité de départ de 24 mois, qu’elle n’aurait pas perçue si elle était plutôt restée députée fédérale avant de pouvoir s’installer à l’hôtel de Ville de Tournai (les statuts du MR interdisent le cumul d’un mandat de parlementaire avec un poste exécutif dans une commune de plus de 50.000 habitants, mais pas le règlement du Parlement fédéral).

Deux autres députés wallons de cette législature, le bourgmestre PS de Chapelle-lez-Herlaimont Mourad Sahli et la bourgmestre MR de Neupré Virginie Defrang-Firket, entraient également dans les conditions de recevoir une indemnité de sortie, puisqu’ils ont dû choisir, et opté pour leur mandat exécutif local.

Ces trois derniers seront peut-être les derniers Wallons, donc les derniers Belges, à avoir accès à cette prime de départ: l’accord de gouvernement fédéral imposera une grande réflexion sur le statut des parlementaires, et promet, on l’a dit, de diviser par deux la durée des indemnités de sortie. Et, au Parlement wallon, l’opposition souhaitera sans doute embrayer, et en finir avec cette exception wallonne. Toujours grâce à cette vertueuse émulation que permet notre fédéralisme.

 

 

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