Un policier est mort en faisant son travail, les politiciens font ce qu’ils font de pire: de la récupération politique
Aucun événement n’échappe jamais à la récupération. C’est une loi du marketing politique dont la mécanique est parfaite. Il suffit d’expliquer l’événement par un semblant de cause qui n’y est lié que par une lointaine apparence et qui correspond à la propagande du parti concerné.
Un policier est mort en faisant son travail, une perquisition, à Lodelinsart, dans le quartier du Gros-Fayt, et il n’a fallu que quelques douzaines de minutes pour que cet implacable mouvement perpétuel de la récupération y trouve un généreux carburant.
Alors dès l’après-midi de ce matin meurtrier, les plus fins communicants du PS étaient au travail pour accoler la mort de ce policier à une incrimination parfaitement légitime mais tout à fait captieuse, en ce sens qu’elle n’avait aucun rapport avec les faits mais qu’elle arrangeait bien le PS.
C’était la faute de la cause des causes socialistes, l’explication universelle de tous les malheurs du monde, le gouvernement MR-NVA, et de ses économies dans la police et la justice. Encore le lendemain, sur Bel RTL, le président du PS évoquait la «perte de 1.800 policiers» induite par ces économies, et la récupération était captieuse parce que même si ces 1.800 policiers avaient été affectés à l’unité du défunt héros, le meurtrier aurait tiré et tué lors de la perquisition du Gros-Fayt.
Et puis, dès l’après-midi de ce matin meurtrier, les meilleurs graphistes du MR étaient sur la brèche pour accoler la mort de ce policier, tué par un Lodelinsartois «connu de la justice», comme on dit pour rester poli, à trois revendications tout à fait légitimes mais parfaitement captieuses, en ce sens qu’elles n’avaient aucun rapport avec les faits mais qu’elles arrangeaient bien le MR. C’était à cause de la faute des fautes réformatrices, l’explication universelle de tous les malheurs du monde, le laxisme généralisé (de la gauche). Trois revendications étaient mises en images sur les réseaux réformateurs, l’expulsion des délinquants étrangers, les peines incompressibles et des procédures accélérées, et la récupération était captieuse parce que le meurtrier, un Belge dont la dernière condamnation datait de 2004 et contre qui l’actuelle procédure, justement, s’accélérait, aurait tiré et tué lors de la perquisition du Gros-Fayt même si ces trois revendications avaient été mises en œuvre.
Cette déplorable technique de l’accolement revendicatif indu s’épanouit partout dans le monde, mais aussi dans un morceau de pays, le nôtre, qui se prétend souvent immunisé contre la désinformation politique.
C’est pourtant dans notre bout de pays que quelques semaines après des attentats islamistes en France, où la laïcité est inscrite dans la Constitution, on a voulu inscrire la laïcité dans la Constitution belge pour se prémunir de prochains attentats islamistes, dans ce pays qu’on a construit des pistes cyclables pérennes en quelques heures pour éviter qu’un virus des voies respiratoires encombre hôpitaux et cimetières, ou dans ce pays qu’on a raconté que construire des centrales dans 20 ans allait faire baisser les prix de l’électricité maintenant. La lointaine apparence de causalité suffit encore. Elle est toujours nécessaire, pour pouvoir se livrer à la récupération, on dirait. Mais il ne faudra plus attendre longtemps avant que le meurtre d’un policier ne soit attribué au PEB E du meurtrier, aux allocations qu’il percevait depuis plus de deux ans, ou à un patrimoine supérieur à un million d’euros hors habitation et outil de travail.
« Il suffit d’expliquer l’événement par un semblant de cause qui n’y est lié que par une lointaine apparence.»