La listéria progresse en Belgique et en Europe, portée par une hausse diffuse des cas graves, surtout chez les personnes âgées et fragilisées. A l’approche des fêtes, l’Afsca multiplie les rappels de produits prêts à consommer, et les autorités répètent que les aliments réfrigérés mangés sans cuisson restent la principale zone de risque.
La listéria, bactérie très volatile qui se propage tant dans l’air, dans les sols que dans l’eau, se signale deux fois plus souvent dans des aliments en Belgique en 2025 qu’en 2020. C’est un constat relayé par un rapport de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA): «Les cas de listériose ont suivi une tendance à la hausse statistiquement significative en Belgique, France, Portugal, Espagne… On compte plus de 90 cas pour l’année 2024. La listériose a causé la plus forte proportion d’hospitalisations et de décès parmi toutes les infections d’origine alimentaire signalées dans l’Union européenne. Environ sept personnes sur dix infectées par la listériose ont dû être hospitalisées et une personne sur douze est décédée. Le dépassement des 100 cas est à prévoir d’ici la fin de l’année 2025.»
Pas plus tard que ce 16 décembre, la marque Nonna spécialisée en repas préparés, rappelle toute une série de produits contenant du poulet pour une «présence possible» de listeria. Baguettes garnies, plats de pâtes et salades césar sont traquées en urgence.
Le message d’alerte de l’Afsca est loin d’être rassurant pour ces snacks privilégiés sur le temps de midi: «Ne surtout pas les consommer. Les listéries sont des bactéries particulièrement dangereuses pour les jeunes enfants, les femmes enceintes, les personnes immunodéprimées et les personnes âgées. Elles peuvent provoquer nausées et vomissements, crampes abdominales, diarrhée ou constipation, maux de tête et fièvre persistante.» Les produits visés occupent les rayons depuis près d’une semaine, à en croire la date de péremption indiquée au 16 et 17 décembre 2025.
Alors que les fêtes approchent, une attention particulière est recommandée sur le saumon fumé et poissons crus, les charcuteries en tout genre pour accompagner l’apéro, et fromages au lait cru ou à pâte molle. Bref, le panel de l’apéritif parfait est sous les radars de l’Afsca et de l’Efsa, agences de sécurité des aliments.
An Van den Bossche, chercheuse au service des maladies bactériennes à Sciensano, rassure: «Cette évolution progressive du nombre de cas ne peut pas être perçue comme une hausse tirée par de grands foyers. Il existe ponctuellement de petits regroupements, mais l’augmentation est surtout générale, avec une majorité de cas sporadiques ou de petits liens entre deux ou trois cas. En Belgique, une part importante des cas concerne des personnes âgées, très souvent au-delà de 65 ans, avec des comorbidités. Cette réalité soutient l’idée que la hausse est davantage liée à la fragilisation de la population qu’à une multiplication de grandes épidémies.»
Pour éviter une contamination à la listériose, qui laisse souvent un souvenir plus mémorable que celui des fêtes de par l’agressivité de ses symptômes, An Van den Bossche conseille de favoriser des aliments cuits: «La cuisson détruit les agents pathogènes. Les aliments fumés, crus, ou certains produits au lait non pasteurisé n’ont pas bénéficié d’un traitement thermique suffisant pour éliminer la bactérie, ce qui augmente le risque que le pathogène soit encore présent.»
Le temps d’incubation avant l’apparition des premiers symptômes est en moyenne d’une à deux semaines. Chez les personnes en bonne santé, la listériose provoque généralement une gastroentérite accompagnée de fièvre et l’infection est en général bénigne.
«Elle peut toutefois évoluer en une forme invasive avec la présence de la bactérie dans le sang ou dans le système nerveux central, et est alors associée à un taux de mortalité de 20%, précisent les auteurs du rapport de l’Efsa. Les formes invasives surviennent principalement chez les personnes aux défenses immunitaires réduites. Par exemple, chez les utilisateurs d’immunosuppresseurs, qui sont des médicaments inhibant le système immunitaire, ou de corticostéroïdes et en cas de chimiothérapie, de cancer, de diabète ou d’alcoolisme. Mais aussi chez les personnes âgées de plus de 60 ans ou chez la femme enceinte, où une infection peut entraîner une fausse couche, une naissance prématurée ou une infection du nouveau-né.»
«100 cas documentés»
Il est très compliqué pour une personne «en bonne santé» de faire la différence entre une gastro et une contamination au listéria. De ce fait, la chercheuse de Sciensano explique que seuls les cas graves sont comptabilisés dans les études scientifiques: «Tout le monde peut être exposé à la Listeria via l’alimentation. Chez une personne en bonne santé, cela peut ne provoquer aucun symptôme, ou se limiter à des troubles digestifs. Ces situations ne sont pas l’objet principal de la surveillance, car elles ne conduisent pas forcément à une hospitalisation et ne sont pas systématiquement documentées. La surveillance cible avant tout les formes graves, dites invasives, celles qui entraînent un sepsis, une méningite ou une atteinte sévère.»
Repas préparés, ingrédient bactérien
La plupart des produits où les bactéries de listéries se cachent sont le plus souvent des produits transformés, comme des plats préparés. Poké bowls, salades toutes faites, assiettes de pennes à toutes les sauces, sandwichs à base de viande, avec une mention spéciale pour les saucisses fermentées (chorizo, salami…), produits les plus fréquemment contaminés de par leur séchage à l’air libre et donc leur exposition accrue aux bactéries.
An Van den Bossche explique pourquoi ce type de produit est le plus souvent contaminé: «Cela tient aux propriétés de la Listeria dans l’environnement. La bactérie peut persister et se maintenir à basse température. Elle ne disparaît pas au réfrigérateur et peut même continuer à s’y multiplier. Elle peut aussi se fixer sur des surfaces et persister dans des biofilms. Dans la chaîne de préparation, cela crée un risque de contamination par l’environnement de production, par exemple via des machines de tranchage, des plans de travail ou d’autres équipements, si le nettoyage n’est pas parfaitement maîtrisé.»
Les chiffres de cette consommation spécifique des plats préparés dessinent aussi le décor de cette hausse. Derrière les rappels de produits, il y a un marché du «prêt à manger», installé dans les frigos et les comptoirs, en particulier pour le repas du midi. L’enquête sur le budget des ménages de Statbel de 2024 montre que les ménages belges dépensent en moyenne 109,4 euros par an en plats préparés achetés dans le commerce.
Saison à la hausse
En cette période de fêtes et d’hiver, la multiplication des gastro-entérites complique la lecture des symptômes d’une contamination à la bactérie. Sciensano rappelle que les norovirus, une cause fréquente de «grippe intestinale», provoquent des épidémies principalement en hiver. En Belgique, l’Afsca a recensé 777 toxi-infections alimentaires collectives en 2024, soit 4.248 personnes malades et 205 hospitalisations, avec environ 17% des contaminations contractées à domicile, un contexte typique des repas en famille ou entre amis. Sur le volet contrôle, l’agence indique avoir analysé 67.592 échantillons alimentaires en 2024, dont 98% jugés conformes, et recense 283 rappels de produits auprès des consommateurs.
Pour éviter un maximum une contamination, l’Afsca recommande d’adapter son alimentation. Avec une insistance plus accrue selon l’état de santé de la personne et son âge.





