Jeudi, le président ukrainien Volodymyr Zelensky doit dévoiler les contours de son «plan de victoire» à Joe Biden et Kamala Harris. Une expression mal choisie alors que Kiev essuie de lourdes pertes sur le terrain. Cette feuille de route vise plutôt à rassurer sa population et à exercer une pression supplémentaire sur les Occidentaux.
Il le promettait depuis plus d’un mois. Jeudi, le président ukrainien Volodymyr Zelensky va enfin dévoiler le contenu de son fameux «plan de victoire», censé mettre un terme au conflit qui l’oppose à la Russie depuis février 2022. En visite outre-Atlantique en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, Zelensky en présentera les grandes lignes à son homologue américain Joe Biden et à la vice-présidente Kamala Harris lors d’une entrevue à Washington.
Les grandes lignes de cette feuille de route, tenues secrètes jusqu’alors, ont fuité dans la presse britannique et américaine cette semaine. La stratégie de Kiev peut globalement être résumée en quatre axes:
1. Un soutien militaire et financier accrus de la communauté internationale
2. Une levée des restrictions pour les frappes à longue portée
3. Une adhésion accélérée à l’Otan
4. Une poursuite des opérations terrestres (à Koursk, notamment)
Responsabiliser l’Occident
Si le plan de Zelensky a été minitieusement étudié, il a en réalité peu de chances d’aboutir. D’abord, car les troupes ukrainiennes ont rarement été confrontées à de telles difficultés sur le front. «Elles perdent du terrain un peu partout, à une vitesse plus importante que jamais, note Tom Simoens, professeur à l’Ecole royale militaire (ERM). Le nombre de kilomètres carrés concédés quotidiennement aux Russes a été multiplié par cinq ces derniers jours.» La ville de Prokrovsk et le point-clé de Vouhledar, notamment, sont en passe de céder à l’envahisseur. Même à Koursk, où Kiev mène une offensive depuis début août, l’armée ukrainienne se trouve aujourd’hui dans une position défavorable. Un triomphe ukrainien est donc loin d’être à l’ordre du jour. «Avant de pouvoir parler de victoire, il faudrait d’abord pouvoir stabiliser la situation», tranche Tom Simoens.
Le plan de Zelensky s’apparente donc plutôt à un énième appel à l’aide à la communauté internationale. Et à une volonté de la responsabiliser. «En présentant une feuille avec des pistes de solutions concrètes (bien que peu réalistes, notamment sur le plan de l’adhésion à l’Otan), l’Ukraine montre qu’elle n’est pas la seule responsable de ses pertes, insiste Tom Simoens. Aux yeux de Kiev, l’Occident devrait donc assumer ses échecs, notamment à fournir une aide militaire cohérente et un soutien financier durable.»
Se protéger de la menace Trump
Avec son plan, Zelensky souhaite également accentuer la pression sur Biden pour qu’il l’autorise enfin à utiliser ses armes à longue portée sur le sol russe. Un ligne rouge que le président américain n’a jamais osé franchir jusqu’ici, mais qui pourrait sauter dans les jours à venir. Une possibilité redoutée par Moscou, qui a pris les devants mercredi, en brandissant la menace nucléaire en cas de «lancement massif» d’attaques aériennes contre son territoire.
La sortie de Zelensky vise également à assurer ses arrières en vue de l’élection présidentielle américaine. Un potentiel succès de Donald Trump fait trembler Kiev, qui craint de voir le robinet d’aides américaines définitivement fermé. «Zelensky est conscient qu’une victoire de Trump constituerait un point de bascule immédiat dans le soutien militaire et financier à l’Ukraine, donc il doit consolider ses relais à Washington, note Raoul Delcorde, professeur en relations internationales à l’UCLouvain. Il a donc absolument besoin d’être rassuré.»
Au-delà du président, c’est la population ukrainienne dans son ensemble qui a besoin de soutien. «Au vu de la situation sur le champ de bataille, le moral est au plus bas, relève Tom Simoens. Un « plan de victoire », rien que par son nom, peut redonner un peu d’espoir aux Ukrainiens. D’autant que l’arrivée de l’hiver assombrit encore davantage leur horizon.»