mardi, avril 8

Vanessa Matz veut mettre fin à l’anonymat sur les réseaux sociaux, notamment pour mieux protéger les femmes et les mineurs. Mais son projet se heurte à une levée de boucliers de certains utilisateurs qui crient à l’atteinte à la liberté d’expression. La ministre de la Digitalisation s’en défend.

Il y a quelques jours, la ministre fédérale de la Régie des bâtiments et de la Digitalisation, Vanessa Matz (Les Engagés), était épinglée par l’ancien député flamand d’extrême droite Dries Van Langenhove, après qu’elle a révélé vouloir mettre fin à l’anonymat sur les réseaux sociaux. «Il s’agit de la dernière étape avant que vous ne soyez obligés de vous connecter avec votre carte d’identité pour utiliser l’Internet», écrivait, sur X, l’ancien du Vlaams Belang.

Depuis, la ministre Engagés ferait l’objet de menaces anonymes venant de l’extrême droite. Elle dit avoir «alerté le centre de crise et déposé plainte contre X» auprès de la police bruxelloise pour «menaces et injures». Vanessa Matz bénéficie désormais d’une protection policière renforcée.

Un compte, une personne

Mais que contient ce projet qui irriterait à ce point l’extrême droite, et qui, selon elle, lui aurait valu des messages privés aussi évocateurs que: «Tu vas retirer ton projet, sinon on te le fera retirer par la force»?

Vanessa Matz explique que ce projet, pris en «accord avec le gouvernement», vise à ce que chaque compte sur les réseaux sociaux soit «rattaché à une identité vérifiée» pour qu’en cas d’infraction, «la justice puisse, au besoin, identifier la personne qui se cache derrière». Quant à la possibilité d’étendre ce projet à d’autres sites tels que les forums en ligne, la ministre reste évasive. «Il est primordial pour moi de prendre le temps du débat public au Parlement afin de discuter en toute transparence des contours» de cette mesure.

Pour fixer la fin de l’anonymat sur les réseaux sociaux, la ministre de la Digitalisation souhaite mettre en place un service de certification de compte qui «ne récupérerait aucune donnée», insiste-t-elle. «Concrètement, cela vous demanderait de passer par une étape supplémentaire, une clé d’identification, au moment de l’encodage sur la plateforme», explique-t-elle, précisant que cette mesure n’empêcherait pas le pseudonymat.

Protéger femmes et enfants

Si Vanessa Matz veut protéger l’ensemble des utilisateurs, sa mesure cible avant tout deux parties de la population. D’abord, les femmes, qui font régulièrement l’objet d’attaques sur les réseaux sociaux et qui, à cause de cette surexposition au harcèlement, participent moins aux débats publics en ligne. Ensuite, les enfants qui, eux, font face «à des formes de cyberharcèlement, de manipulation et de prédation qui peuvent avoir des conséquences dramatiques».

Cette mesure vise aussi à développer un système de vérification de l’âge. Sur Facebook, Snapchat, Instagram et TikTok, l’âge minimum pour pouvoir créer un compte en Belgique est fixé à 13 ans. Cependant, il suffit aux jeunes utilisateurs de mentir. De fait, les enfants de moins de 13 ans sont en réalité nombreux sur ces plateformes.

«La vérification de l’âge sur certaines plateformes en ligne est une piste sérieuse pour renforcer la sécurité des enfants en ligne, toutefois sa mise en œuvre est complexe, admet Vanessa Matz. Des pays comme l’Australie ou l’Etat de Floride aux Etats-Unis ont mis en place des interdictions d’accès aux réseaux sociaux avant un certain âge, mais la charge de la vérification incombe aux plateformes. Ce qui limite les possibilités de réel suivi, et permet aux plateformes de conserver encore plus de données», poursuit la ministre Engagés, précisant que la solution qui sera développée en Belgique «devra respecter le RPGD et des droits fondamentaux».

Fin de l’anonymat et liberté d’expression

Face à celles et ceux qui clameraient que son projet mettra à mal la liberté d’expression, la ministre de la Digitalisation se défend: «Il n’y a rien dans ce projet qui restreigne davantage la liberté d’expression que ce qui existe déjà.»

«Aujourd’hui, cette liberté est encadrée par des lois qui interdisent les attaques racistes, sexistes, l’incitation à la haine, l’homophobie ou encore le harcèlement. Ce projet ne change rien à cela: il vise simplement à garantir que ces lois puissent être appliquées en permettant l’identification d’un utilisateur si une enquête judiciaire le requiert. Il assure simplement que l’espace numérique ne devienne pas une zone de non-droit. La liberté d’expression est essentielle, mais elle ne doit jamais être une arme pour attaquer impunément les autres», conclut Vanessa Matz, dont l’objectif est d’ouvrir le débat à la Chambre sur le sujet «durant l’année».

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