Selon les chiffres de WalStat, la province du Hainaut est le mauvais élève de la Wallonie, avec 160 kilogrammes d’ordures ménagères brutes par habitant générés par an. La Région de Bruxelles-Capitale reste néanmoins la plus grande pollueuse en matière d’ordures générées par habitant. Comment expliquer les écarts, parfois importants, entre entités?
La gestion des déchets est l’un des nombreux enjeux que les candidats aux élections, dans chaque commune, doivent prendre en compte dans leur campagne. En effet, on observe, entre les entités, de grandes disparités dans les quantités d’ordures ménagères brutes générées par habitant.
Parmi ces dispositifs, le conteneur à puces suscite de nombreux désaccords, et son efficacité n’est pas perçue du même œil par les différents partis qui mènent campagne pour ce scrutin. Le MR, les Engagés et Ecolo sont favorables à la généralisation des conteneurs à puce, tandis que le PS, le PTB et DéFI n’en voient pas la nécessité, selon notre test électoral communal.
Les Bruxellois et les Hainuyers, les plus grands producteurs de déchets
Selon les derniers chiffres de Bruxelles-Environnement, les habitants de la région bruxelloise, en 2021, généraient en moyenne 281 kilos d’ordures ménagères brutes (c’est-à-dire non triées). Dans la province du Hainaut, en 2022, la moyenne s’élevait à 160 kilos par habitant, avec quelques villes dont Charleroi ou Boussu dépassant les 200 kilos par habitant.
De quoi dénoter par rapport aux autres provinces wallonnes, qui se situent toutes en dessous de la moyenne wallonne de 127 kilos par an par habitant. Le Brabant-Wallon génère 120 kilos par an et par habitant, la province de Liège 111, celle de Namur 99 et, la moins polluante, la province de Luxembourg, produit environ 92 kilos d’ordures ménagères brutes par an et par habitant.
Si ces disparités peuvent refléter des attitudes différentes vis-à-vis de la gestion et la production des déchets dans ces régions, d’autres facteurs permettent d’expliquer ces fossés.
Les zones rurales ont par exemple le bénéfice d’accueillir beaucoup plus de jardins que les régions plus urbanisées. En conséquence, les ménages s’y affranchissent plus facilement de leurs déchets organiques dans des compostes, beaucoup moins fréquents dans les grandes villes, ce qui contribue à faire chuter le poids de leurs déchets résiduels. Aussi, «dans la province de Liège, explique un porte-parole de l’intercommunale Intradel, nous ramassons presque dix fois plus de déchets organiques dans les communes rurales que dans les villes plus urbanisées», où ces déchets vers se retrouvent alors mélangés aux ordures ‘classiques’, ce qui gonfle les statistiques.
Derrière les chiffres de WalStat se cache aussi la difficulté de comptabiliser une «zone grise», c’est-à-dire les déchets générés par des travailleurs indépendants et petits commerces, qui peuvent choisir d’assimiler leurs déchets à ceux des ménages ordinaires.
Selon qu’on trouve dans la commune un système de ramassage basé sur des sacs poubelles ou sur des conteneurs à puce, cette zone grise sera ajoutée ou non aux quantités d’ordures ménagères générées par les ménages. Vincent van Leynseele, porte-parole d’Ipalle, une intercommunale opérant dans le Hainaut, affirme que les chiffres de sa province ne sont pas révélateurs d’une responsabilisation moins importante des ménages: «Ici, comme nous n’avons pas de conteneurs à puce, nous ramassons et mettons dans les mêmes bennes les déchets du ménage moyen et des commerces, alors qu’ils sont ramassés séparément dans les communes avec des conteneurs à puce.»
Le pollueur-payeur pollue-t-il vraiment moins ?
Le conteneur à puce permet généralement de responsabiliser les ménages, en les rendant redevables, à mesure de ce qu’ils produisent comme déchets, d’une taxe déchet plus ou moins élevée. Dans la province de Liège, Intradel se félicite aussi de proposer la plateforme «Mon conteneur en ligne,» qui permet de suivre et d’organiser sa production de déchets: «Les ménages ont ainsi toutes les clés à leur disposition pour rester au courant de ce qu’ils produisent comme déchets, et par conséquence diminuer cette production en en étant davantage conscients.»
Mais bien que des effets positifs sur la comptabilisation de déchets générés aient été constatés dans toutes les villes où les conteneurs à puce ont été introduits, certaines intercommunales ne sont pas si enclines à suivre cette tendance.
Car si les conteneurs à puces peuvent inciter les ménages à surveiller leur production de déchets, elle pourrait aussi les inciter à se soustraire aux voies légales pour disposer de leurs déchets, pour éviter d’être sanctionnés d’une taxe déchet plus élevée. Les indicateurs statistiques ne font effectivement pas état des itinéraires suivis par les déchets en dehors des voies de collecte légales: dépôts sauvages, feux de jardin…
En juillet, l’asbl Terre, dont les bulles à récolte de vêtement sont parsemées en Wallonie, souffrait par exemple d’une multiplication de déchets dans leur bulles, suite à l’apparition des conteneurs à puce. Autant de manières pour le pollueur-payeur de surtout payer moins, sans pour autant moins polluer.
Léonard Creismas (st.)