lundi, mars 31

Parmi les recettes les plus importantes des communes, celles liées aux additionnels à l’impôt des personnes physiques et au précompte immobilier sont cruciales. Mais une augmentation des taux ne produit pas les mêmes effets partout.

Les finances communales s’apparentent à un jeu d’équilibriste, dépendant fortement de deux postes pour le côté recettes: les additionnels à l’impôt des personnes physiques (IPP) et au précompte immobilier (PRI). Ces deux catégories représentent chacune 17% des rentrées financières ordinaires des 262 communes wallonnes, selon les dernières données diffusées par Belfius, soit une manne totale de 2,5 milliards d’euros.

Ces recettes fiscales représentent donc un enjeu fondamental pour les communes, qui manœuvrent avec prudence à l’heure de fixer les centimes additionnels prélevés sur ces deux postes. Concrètement, les communes peuvent imposer les taux de leur choix sur ces deux taxes. Bien que la Région wallonne recommande des taux maximaux aux communes –8,8% sur l’IPP et 2.600 centimes additionnels sur le PRI– certaines entités dépassent les plafonds. C’est notamment le cas des communes d’Ath et d’Anderlues, dans le Hainaut, qui appliquaient respectivement 3.200 et 3.000 centimes additionnels au PRI en 2024.

A l’inverse, d’autres communes se situent bien en deçà de ces plafonds, à l’instar de Lasne, dans le Brabant wallon, qui applique un taux de 5,8% à l’IPP et 1.400 centimes additionnels au PRI, ou de la commune germanophone d’Amblève, qui impose seulement 1.200 centimes additionnels au PRI pour un taux de 6% à l’IPP.

Le rendement de la fiscalité sur ces deux postes diffère fortement d’une commune à l’autre. A taux égal, la taxe additionnelle à l’IPP rapportera beaucoup plus à une commune dont les revenus des habitants sont plus élevés qu’à une entité où le revenu moyen est faible. Le rendement du précompte immobilier dépend, lui, du revenu cadastral, et donc du profil de l’habitation et de sa localisation.

«L’impôt foncier sur les revenus cadastraux est très important en particulier pour les grandes villes, où il rapporte proportionnellement beaucoup plus que dans des zones moins urbanisées, analyse Arnaud Dessoy, responsable du service études sur les finances locales chez Belfius. A Bruxelles, les taux de l’IPP sont plus faibles qu’en Wallonie, mais le PRI est plus élevé, car rapportant potentiellement davantage. C’est un jeu de balancier qui se reproduit à plusieurs endroits: quand l’un est plus élevé, l’autre est parfois plus faible.»

«Certaines communes ont procédé a une sorte de tax shift local entre les deux, complète Julien Flagothier, expert à l’Union des villes et communes de Wallonie (UVCW). Elles ont baissé le taux sur l’IPP, afin d’alléger la charge fiscale sur les citoyens, tout en augmentant les additionnels au PRI pour toucher un public plus large, comme les propriétaires de secondes résidences, etc. C’est notamment le cas dans certaines communes plus touristiques.»

IPP: des augmentations inévitables

Chaque année, les autorités communales peuvent revoir les taux appliqués. Tant à la baisse qu’à la hausse. Avec un penchant plutôt vers cette deuxième solution ces dernières années. «Les communes ont été affectées, comme d’autres secteurs, par les crises récentes –sanitaire, énergétique ou liées à l’inflation galopante. Des éléments qui ont fait exploser leurs coûts de fonctionnement, avec un besoin d’augmenter la fiscalité pour compenser les coûts», poursuit Arnaud Dessoy.

Les grandes villes ont davantage souffert, en raison des charges supplémentaires qu’elles doivent assumer pour des non-résidents utilisant leurs services. Bruxelles est également pénalisée du côté de l’impôt sur les revenus: une partie des travailleurs de la capitale n’y résidant pas, l’IPP profite à d’autres communes. Le vieillissement de la population produit aussi des conséquences sur les rentrées: la population active est proportionnellement moins nombreuse, affectant les revenus collectés via l’IPP.

Une commune aux taux élevés n’est pas forcément une mauvaise gestionnaire

«Il y a de profondes disparités en matière de revenus par commune, c’est une évidence, commente l’expert de Belfius. L’élément qui complique encore la tâche des communes vient du relatif appauvrissement des centres urbains, avec des niveaux de revenus plus faibles par rapport, notamment, à des communes plus en périphérie. Cela crée parfois des paradoxes, avec des taux d’IPP plus élevé là où les revenus sont plus faibles, tout simplement car il faut compenser une assiette globale plus faible.»

Quelques mises en garde s’imposent néanmoins lorsqu’on établit des classements des communes qui taxent le plus. Une commune aux taux élevés n’est pas forcément une mauvaise gestionnaire, mais peut être une commune devant porter une dette historique particulièrement lourde (c’est le cas de Ath), par exemple. Cela signifie peut-être aussi qu’elle ne peut pas compter sur certaines rentrées substantielles qui bénéficient à d’autres: la présence d’une centrale nucléaire, d’une très grosse entreprise, des ventes de bois, etc.

Revoir le revenu cadastral?

Le précompte immobilier, basé sur le revenu cadastral des bâtiments, pose également question et a été maintes fois décrié. «C’est un indicateur tout à fait dépassé. Il n’a plus été revu depuis les années 1970 et le mécanisme prévu pour indexer le revenu cadastral reste incohérent», déplore Arnaud Dessoy.

Concrètement, une habitation ancienne aura un revenu cadastral plus faible, produisant des recettes au PRI plus basses également, qu’un bien neuf, dont le revenu cadastral est évalué au prix actuel. «Des écarts extrêmement grands subsistent pour des mêmes biens, de même confort et d’équipements équivalents au sein d’une même commune. C’est dommageable à deux niveaux, car c’est à la fois un élément de perte de revenu pour les communes, mais aussi un élément d’iniquité fiscale entre les différents contribuables», abonde Julien Flagothier.

Sans pouvoir revoir le mécanisme, les communes continueront vraisemblablement d’adapter leurs stratégies fiscales en jouant sur les équilibres entre l’IPP et le PRI, avec, pour certaines, des hausses inévitables en ligne de mire. Cette première année de législature après les élections d’octobre dernier est probablement un round d’observation. Une fois la situation financière évaluée, certaines communes pourraient voter des augmentations de leurs additionnels dès 2026.

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