jeudi, janvier 9

Le taux d’épisiotomies est en baisse en Belgique, sans doute en raison de l’application des nouvelles recommandations de soins. Mais il persiste d’importantes disparités d’une marternité à l’autre. Explications.

La proportion d’accouchements réalisés avec l’intervention d’une épisiotomie a grandement diminué en Belgique. Selon les données du Cepip et du SPE (les centres d’épidémiologie périnatale francophone et flamand), en 2023 l’épisiotomie concernait 16,1 % des accouchements par voie basse en Wallonie, 10,7 % en Région bruxelloise et 27,6 % en Flandre.

Une chute importante en deux ans dans les trois régions belges. Les taux s’élevaient à 14,8% à Bruxelles, 20% en Wallonie et 34,9% en Flandre en 2021.  

Bonne nouvelle, puisque l’épisiotomie (soit le fait de d’inciser le périnée avec des ciseaux ou scalpel pendant l’accouchement pour élargir la vulve) n’est plus systématiquement recommandée depuis 2018 par l’Organisation mondiale de la santé, ainsi que par le KCE (centre fédéral d’expertise des soins de santé) en Belgique. Réalisée dans de mauvaises conditions, cette intervention entre dans le champs des violences obstétricales. En plus de pas être systématiquement nécessaire, l’épisiotomie peut entraîner des risques accrus d’infections et d’hémorragie, de fortes douleurs en post-partum et des conséquences sur la vie sexuelle des femmes. Dans les cas où elle est pratiquée, l’OMS préconise de le faire avec le consentement éclairé de la femme enceinte et sous anesthésie.

Choisissez bien votre maternité

Les chiffres mettent en évidence d’importants écarts entre régions et, surtout, d’une maternité à l’autre. Sur les 30 actives en Wallonie, le taux d’épisiotomies varie de 4,2 % à 33,8 % pour les accouchements par voie basse. Dans les onze maternités bruxelloises, le pourcentage oscille de 2,9 % à 18,4 %, et de 5% à 53% en Flandre (58 maternités).

Proportion d’épisiotomies par maternité en région bruxelloise
Proportion d’épisiotomies par maternité en Wallonie.

Dans un autre rapport de 2022, le Cepip a effectivement conclut que le choix de réaliser ou non une épisiotomie est déterminé pour 14% en Wallonie et à Bruxelles, et 16% en Flandre, par la maternité dans laquelle la mère accouche. Plus précisément, les maternités de petites tailles et les hôpitaux sans service de néonatalogie présentent les proportions d’épisiotomies les plus élevées. En 2022, le taux d’épisiotomies dans les hopitaux sans services de néonatalité s’élevait à 31,6 %, regions wallonne et bruxelloise confondues.

Les données du Cepip sont anonymisées, mais le SPF santé publique dispose de données plus précises par hôpitaux pour l’année 2023. A noter que sont seulement rescencés les accouchements qui ont eu lieu à l’hôpital, les accouchements réalisés à la maison ou par des sage-femmes sont exclus.

A l’origine, l’épisiotomie, qui se serait démocratisée dans les années 1920, était destinée à éviter les déchirures graves du périnée (déchirures de type D4 en gynécologie), du sphincter et/ou du rectum, ainsi qu’à faciliter la sortie du nouveau-né. Les gynécologues pensaient aussi «qu’elle protégeait la femme enceinte du risque d’incontinence à long terme. Mais ce n’est pas le cas», explique le professeur Frédéric Debiève, gynécologue-obstétricien, chef de service à la clinique Saint-Luc.

«L’épisiotomie ne protège pas le périnée de la patiente des déchirures compliquées, ça n’a donc aucun sens de le faire systématiquement, assure Coralie Wittorski, sage-femme responsable de la salle d’accouchement au CHU Saint-Pierre. Les études montrent qu’une déchirure spontanée cicatrise bien mieux qu’une déchirure par ciseaux, car elle se produit sous la pression de l’étirement naturel du périnée». Une déchirure naturelle se révèle aussi souvent plus petite, alors qu’avec l’intervention du ciseaux toutes les fibres du périnée sont coupées, confirme le professeur Debiève. D’autant plus que «les déchirures de type D4 sont rares et on sait les anticiper lors de l’accouchement», affirme Natacha Van Gossum, sage-femme et cheffe du service mère-enfant au CHU Brugmann.

Sur 2.757 accouchements en 2024, le CHU renseigne un taux d’épisiotomie de 5 %. Le résultat d’une politique de soins qui prône le respect de la physiologie naturelle de l’accouchement. Même chose du côté du CHU Saint-Pierre, qui déclare un taux d’épisiotomie de 3 % en 2023, selon ses dernières données. Coralie Wittorski vante les mérites du processus de préparation à la naissance centré sur l’implication et la prise en compte des souhaits de la future mère. Les femmes enceintes peuvent par exemple choisir leur position d’accouchement – à quatre pattes, sur le côté, debout… Des positions plus naturelles qui facilitent la descente du bébé et permettent donc de réduire le recours à l’épisiotomie. La position conventionnelle – allongé sur le dos, les pieds en l’air – facilite seulement le confort du ou de la gynécologue.

L’épisiotomie reste nécessaire dans certains cas

Outre le choix de la maternité, trois autres facteurs sont prédicteurs d’une épisiotomie: s’il s’agit d’un premier accouchement (ou si les accouchements précédents ont été réalisés par césarienne), l’instrumentation (le fait d’utiliser une ventouse ou des forceps pour aider le bébé à naître) et la péridurale, dont le recours est élevé en Europe.

Les chiffres le montrent. En régions bruxelloise et wallonne en 2022, l’épisiotomie survenaient dans 90,2 % des accouchements aux forceps et dans 59,7 % des accouchements avec ventouse. «Historiquement, l’épisiotomie était recommandée lors d’instrumentalisation ou pour les patientes porteuses de mutilation génitales. A nouveau, les recommandations ne montrent pas que c’est indispensable», précise toutefois Coralie Wittorski. En 2023, la Wallonie comptait 75,9 % de recours à la péridurale pour les accouchements par voie basse, la région bruxelloise 71,8 %.

Bien sûr, la pratique n’est pas complètement à jeter à la poubelle. «Ne pas réaliser d’épisiotomie lorsque c’est nécessaire, c’est aussi dangereux », assure le professeur Debiève, spécialisé dans le suivi des grossesses à risque. L’intervention reste nécessaire en cas de complications, lorsque le nouveau-né est bloqué la tête en dehors du vagin et le corps à l’intérieur, ou lorsqu’il présente une anomalie cardiaque qui nécessite de le faire naître au plus vite, par exemple. Ou encore lorsque la mère présente une pathologie particulière. «Les maternités spécialisées dans certaines pathologies vont avoir tendance à réaliser plus d’épisiotomies», explique celui qui est aussi membre du Cepip. La clinique Saint-Luc a pratiqué 13,8 % d’épisiotomies en 2023.

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