lundi, mai 20

Lors de la fin d’une législature parlementaire, les partis essaient vaille-que-vaille de faire aboutir l’un ou l’autre projet de loi qui leur est cher. Ce qui provoque souvent un embouteillage à la Chambre, alors que le temps presse. Avantage alors à la Vivaldi, qui peut mettre ses projets en priorité à l’agenda, via une procédure d’urgence. Conséquence: certains dossiers chauds sont approuvés en catimini, après un marchandage entre partenaires. Explications.

En ce huit mai, les 150 parlementaires de la Chambre des Représentants, bien que pas tous présents dans l’hémicycle, vivaient leur dernière journée de législature, avec une nouvelle courte nuit au programme, après le vote attendu d’une trentaine de projets de loi encore à l’agenda parlementaire. «Nous avons terminé vers 2h30 du matin par la discussion autour de la révision des articles de la Constitution, qui a fait l’objet d’un clash entre la N-VA et le Vlaams Belang», raconte Catherine Fonck (Les Engagés), qui a reçu une ovation à la Chambre pour sa dernière danse en politique.

Mercredi, la Vivaldi a encore fait atterrir plusieurs dossiers au finish: instauration d’un service citoyen, réforme de l’art infirmier, élargissement de la prime « tarif social énergie ». Les recommandations de la commission d’enquête sur les abus sexuels au sein de l’Eglise ont également été adoptées à l’unanimité.

Embouteillage de dossiers à la Chambre

Comment expliquer un tel embouteillage de projets de loi sur la table de l’hémicycle? Si le phénomène est récurrent, plusieurs éléments sont spécifiques à la Vivaldi. «Sur une législature, on ne peut pas tout faire, explique le directeur du Crisp Jean Faniel. D’autant plus que le gouvernement d’Alexander De Croo n’est entré en fonction que le 1er octobre 2020.» Soit un an et quatre mois après le dépouillement des bulletins de vote du scrutin fédéral. «Les ministres et secrétaires d’Etat ont eu moins de temps pour faire passer leurs textes, ils se rattrapent en quelque sorte.»

D’autres raisons expliquent cette accumulation soudaine de dossiers sur les bancs du parlement fédéral. Certains projets reviennent en haut de la pile, après avoir fait l’objet de tensions et de blocages durant la législature. Ainsi il en va du service citoyen, qui permet depuis 2007 aux Belges entre 18 et 25 ans de vivre une expérience de bénévolat utile à la société. Le ministre de l’Economie Pierre-Yves Dermagne (PS) veut ancrer le service citoyen dans un statut légal à part. Si les partenaires sociaux bloquaient jusqu’ici sur cette question, le projet de loi devrait être voté lors de la dernière plénière.

Ces mesures qui ont fait l’objet d’un marchandage gouvernemental

Et puis, il y a les mesures qui divisaient au sein même de la majorité, sorties subitement du chapeau gouvernemental à l’approche de l’échéance électorale. Non pas que ces dossiers fassent désormais consensus. Ils font plutôt l’objet d’un grand marché entre partenaires, où un parti accepte de faire un pas en arrière sur un thème qui ne l’arrange pas, si l’autre parti fait un pas en avant sur un thème qui peut lui rapporter. Une fois posé, ce constat permet de mieux comprendre pourquoi Ecolo a accepté de voter la loi Frontex, qui laisse planer de grosses zones d’ombre sur l’avenir des migrants aux frontières belges.

D’après nos confrères de La Libre, le cd&v a pu convaincre ses partenaires les plus réticents (probablement Ecolo, Groen et le PS) de laisser les agents de Frontex intervenir en Belgique sous certaines conditions, en promettant de son côté de lâcher du lest sur le remboursement des soins de logopédie, autre dossier qui a fait couler de l’encre entre les septs formations qui composent la Vivaldi. Le Vif apprend que les écologistes francophones ont obtenu d’autres avancées en échange de leur laisser-passer de la loi Frontex. À savoir «la fin de l’enfermement des enfants, une meilleure protection des femmes migrantes victimes de violences et l’inscription dans la loi des alternatives à la détention», selon les Verts.

Voter les mesures en catimini, une spécificité de la Vivaldi?

Plus généralement, les projets de loi suivent dans les dernières semaines une «logique de l’entonnoir», selon Jean Faniel. «Il faut évidemment faire un tri entre les dossiers, et souvent les copies du gouvernement sont examinées en priorité.» Catherine Fonck appuie: «Cela s’est beaucoup passé sous cette législature, le marchandage entre la gauche et la droite, qui ont lâché sur telle proposition pour en accepter une autre.»

Mais à quel prix? Les débats sur ces dossiers sont parfois (souvent?) bâclés, et, une fois votés et entrés en vigueur, les textes de loi peuvent laisser apparaitre les défauts de leur approbation hâtive. «Les sorties de route et problèmes dans la mise en application de ces textes ne sont pas rares, confirme le directeur du Crisp. Ça ne se déroule pas toujours comme du papier à musique.»

«Pour ma première législature en tant que députée, je suis assez choquée de la façon avec laquelle les débats se sont déroulés à la Chambre», commente pour sa part Sophie Rohonyi (DéFi), qui, selon le bulletin du Vif, possède le titre officieux de parlementaire la plus exemplaire sous cette mandature. «Les députés de la majorité ont été plus dans un rôle de presse-bouton que de réel contre-pouvoir au gouvernement. C’est fort de café!»

Dans les projets de loi approuvés en last minute par la Vivaldi, via la procédure en urgence, on retrouve entre autres l’inscription du bien-être animal dans la Constitution, le renforcement du statut des travailleurs et travailleuses du sexe, ainsi que la définition d’une stratégie climatique pour la Défense.

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