Les Belges souhaitant épargner pour leur pension ont jusqu’au 31 décembre pour bénéficier de l’avantage fiscal associé aux montants versés en 2024. Combien faut-il mettre de côté? Est-ce nécessairement intéressant? Et pour quel produit opter?
Chaque année, l’Etat belge octroie un avantage fiscal sur un certain montant versé dans le cadre d’une épargne-pension individuelle. Cette mesure vise à encourager les citoyens à constituer ce que l’on appelle le troisième pilier de pension, à côté de la pension légale (premier pilier) et de la pension complémentaire des travailleurs (deuxième pilier). Là où la pension légale est liée à la sécurité sociale, la pension complémentaire d’un travailleur découle du plan de pension de son secteur professionnel ou de son employeur, par exemple par le biais d’une assurance-groupe. Les indépendants peuvent aussi se constituer une pension complémentaire. Au 1er janvier 2024, 4,4 millions de salariés et d’indépendants étaient affiliés à un plan de pension complémentaire via leur emploi actuel ou précédent, renseigne PensionStat.be. Cela correspond à 80% de la population active.
Il est toutefois connu que ces deux premiers piliers ne permettent pas, dans la majorité des cas, de bénéficier du même niveau de vie qu’avant le départ à la retraite. Parmi la panoplie des solutions envisageables pour se constituer un bas de laine (achat immobilier, placements financiers, épargne classique…), figure donc l’épargne-pension.
Gare au montant versé en 2024
L’Etat octroie un avantage fiscal sous la forme d’une réduction d’impôt à tout citoyen âgé entre 18 et 65 ans inclus au moment de la conclusion du contrat d’épargne-pension. Mais le montant éligible est limité:
Le citoyen aura tout intérêt à se limiter à un versement total de 1.020 euros maximum au cours de l’année écoulée, ou à opter directement pour le plafond maximal de 1.310 euros. Soit via des virements mensuels, soit en une seule opération.
Est-ce intéressant pour tout le monde?
Si l’épargnant réclame le montant versé dans un fonds ou une assurance-pension avant son 60ème anniversaire, il s’acquittera alors d’un prohibitif précompte professionnel de 33%. Une taxation en effet bien plus importante que celle qui s’appliquera en une seule fois à cette échéance, à savoir une retenue de 8% sur le capital épargné, sur lequel l’Etat applique un rendement théorique de 4,75% par an. Après l’âge de 60 ans, le citoyen aura tout intérêt à alimenter encore son épargne-pension jusqu’à l’âge de la pension légale: pendant cette période, il continuera à bénéficier de l’avantage fiscal, mais ne sera plus taxé sur le capital versé.
Bien qu’il soit conseillé de se constituer une épargne-pension le plus tôt possible, cette perspective entre non seulement en conflit avec les moyens dont dispose l’épargnant, mais aussi avec ses projets à plus court terme. Ainsi, les jeunes ménages souhaitant acheter un bien immobilier peuvent avoir intérêt à privilégier la constitution de leur apport personnel. «Il faut faire les choses dans l’ordre, confirme Nicolas Claeys, coordinateur de Testachats invest. Certes, plus on épargne tôt pour sa retraite, mieux c’est. Mais un ménage ne doit pas non plus se priver de sa capacité à acheter son logement en mettant son argent de côté pour un avenir plus lointain et incertain.»
Quel produit pour quel rendement?
Il existe deux grandes catégories de produits en matière d’épargne-pension: les fonds et les assurances. Dans le cas d’un fonds de pension, le rendement annuel n’est jamais garanti. Toutefois, pour un même produit, l’investisseur peut souvent définir le profil de risque de son choix(défensif, équilibré, dynamique…). «La plupart des banques prélèvent des frais d’entrée de l’ordre de 2 à 3%, ainsi que des frais de gestion annuels de 1%, voire au-delà, indique l’expert de Testachats invest. Sur une période de 40 ans, les fonds de pension belges ont réalisé un rendement moyen de 6,2%, soulignait récemment PensioPlus, l’organisation faîtière des institutions de retraite professionnelle et des plans de pensions complémentaires. Après déduction de l’inflation, cela correspondrait à une augmentation annuelle du pouvoir d’achat de 3,9%.
Par rapport à d’autres placements, tels qu’un investissement dans des fonds indiciels cotés (ETF), les fonds de pension souffrent de deux handicaps en Belgique: «Premièrement, ils ne peuvent pas investir plus de 75% des montants en actions, alors que l’horizon de placement de certains épargnants pourrait leur permettre d’aller plus loin en ce sens, expose Nicolas Claeys. Et deuxièmement, ces fonds doivent placer 80% des montants en euros. Or, ces dernières années, ce sont principalement les Etats-Unis qui ont fait le succès de la Bourse.»
Dans le cas des assurances-pension, il y a trois cas de figure. A la différence des fonds de pensions, les assurances de la branche 21 proposent un rendement fixe: le taux d’intérêt brut garanti est actuellement de 2%, voire légèrement supérieur. Les assurances de la branche 23 n’offrent, elle, pas de garantie sur le montant investi. «Si les frais sont malheureusement plus importants, elles offrent potentiellement un rendement plus élevé, poursuit Nicolas Claeys. Pour une raison très bizarre, elle peuvent s’affranchir des règles contraignantes qui s’appliquent aux fonds de pension. Ainsi, des assurances en branche 23 peuvent parfaitement investir à 100% dans un ETF mondial.» Enfin, les assurances de la branche 44, moins connues, proposent un mix entre les branches 21 et 23, ce qui permet d’ajuster le curseur du risque. Avec ce type de produit, une personne approchant de l’âge de la retraite peut par exemple adopter un profil plus défensif dans les dernières années.
Face aux ETF, les fonds de pension seraient perdants… jusqu’à présent
Vu les contraintes qui pèsent sur l’épargne-pension, le citoyen est en droit de se demander si l’avantage fiscal est si intéressant que cela par rapport à la panoplie des autres produits financiers disponibles. Testachats invest s’est récemment livrée à une analyse comparative opposant deux scénarios:
Verdict: «Selon nos hypothèses, cette personne obtient 146.000 euros au bout de 40 ans avec une épargne-pension, et 201.000 euros avec une stratégie ETF. Il y a donc une différence de 55.000 euros en faveur de cette dernière, alors que le calcul intègre bien le bénéfice de l’avantage fiscal de l’épargne-pension.»
Au cours de la dernière décennie, les trackers mondialement diversifiés ont obtenu un rendement de 11% par an en moyenne, souligne Nicolas Claeys. «Rien ne permet d’affirmer que cela se reproduira à l’avenir, mais c’est une réalité. Inversement, il n’est jamais bon que les fonds de pension ne puissent parvenir à capter la pleine performance des marchés.»
«Un grand dépoussiérage s’impose vis-à-vis de l’épargne-pension.»
La volatilité est-elle un problème sur le long terme?
Pour les personnes épargnant plusieurs décennies à l’avance pour leur retraite, les assurances proposant un taux fixe seraient moins intéressantes. «Je ne suis même pas certain qu’après déduction des frais et malgré l’avantage fiscal, elles parviennent à battre l’inflation. Toutefois, il s’agit ici d’un point de vue purement rationnel. L’avantage fiscal reste un aimant puissant. Pour beaucoup de personnes, l’émotionnel entre en ligne de compte. Et même sur un placement à long terme, certaines seront angoissées à l’idée que le montant mis de côté perde temporairement de la valeur.» Sur un horizon de placement aussi long, la volatilité ne serait pourtant pas une menace prégnante.
Pour le coordinateur de Testachats invest, «un grand dépoussiérage s’impose vis-à-vis de l’épargne pension». Non seulement vis-à-vis de l’univers d’investissement auquel les fonds sont soumis, mais aussi en matière de flexibilité. «Quand on a choisi un fonds de pension, pourquoi ne peut-on pas éliminer tout risque à un moment donné sur le montant investi, sauf à le revendre et à payer 33% de pénalité? Nous plaidons pour une harmonisation et une simplification des règles entre les différents produits», concluent-ils.