En visite dans le royaume chérifien, le président français s’est fendu d’un soutien sans faille au plan visant à asseoir la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, un territoire disputé autant qu’une opportunité économique pour l’Union européenne. Or des décisions de justice récentes mettent à mal les accords passés entre l’UE et le Maroc, et qui concernent directement le Sahara occidental.
C’est ce qui s’appelle joindre le geste à la parole. En marge de sa visite au Maroc du 28 au 30 octobre, le président français Emmanuel Macron, qui entendait définitivement rompre le froid diplomatique qui a brouillé les relations entre les deux pays ces dernières années, a apporté un soutien sans faille au plan marocain d’autonomie du Sahara occidental. Un joli cadeau alors que le territoire est revendiqué tant par le Maroc que le front Polisario, soutenu par l’Algérie, et attise la nervosité de la Mauritanie frontalière. Et pour être certain que chacun a compris de quoi il retourne, le Quai d’Orsay (Affaires étrangères françaises) s’est fendu d’une carte reprenant les frontières telles que voulues par le plan marocain…
Voilà pour le geste, et la parole qui l’accompagne est on ne peut plus claire: «Je considère que le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine. […] Pour la France, l’autonomie sous souveraineté marocaine est le cadre dans lequel cette question doit être résolue. Notre soutien au plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007 est clair et constant. Pour la France, celui–ci constitue désormais la seule base pour aboutir à une solution politique juste, durable et négociée conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies», a lancé Emmanuel Macron en marge d’une déclaration relative au «partenariat d’exception renforcé» entre le Royaume du Maroc et la République française.
Décisions de justice
Au-delà de cette visite en grande pompe (quelque 130 personnalités accompagnaient le président de la République française, dont de nombreux représentants de grandes entreprises du CAC40), le timing de cette déclaration et de cette «nouvelle carte», comme l’appelle désormais le Quai d’Orsay, n’a rien d’anodin. D’abord parce qu’elle traduit un soutien plus large, des États-Unis à l’Union européenne, aux vues marocaines sur le territoire. Mais surtout parce que de récentes décisions de justice ne soufflent pas dans le sens de l’Union européenne et des accords commerciaux passés avec le Maroc — lesquels concernent de très près le Sahara occidental.
Pour la France, l’autonomie sous souveraineté marocaine est le cadre dans lequel cette question doit être résolue. Notre soutien au plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007 est clair et constant.
Début octobre, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a, en effet, rejeté les pourvois respectifs de la Commission européenne et des États membres (dont la Belgique, en tant que membre du Conseil européen et en son nom propre), lesquels contestaient des décisions rendues en 2021 par le tribunal. Celles-ci annulent partiellement des accords économiques passés entre l’UE et le Maroc, en particulier sur la question de la pêche dite «durable». Dans ces procédures qui opposent les pays de l’Union au Front Polisario, la question de l’autodétermination du peuple Sahraoui est centrale, le Front Polisario arguant par exemple que «l’exploitation des ressources halieutiques du Sahara occidental et que la violation du droit du peuple de celui-ci de disposer librement de telles ressources naturelles constituait une violation de son droit à l’autodétermination».
On peut dès lors comprendre l’empressement de l’UE et des États membres à rassurer le partenaire économique de prédilection qu’est le Maroc. Pourtant, ces récents arrêts de la Cour ne sont pas foncièrement à l’avantage du Front Polisario, la CJUE considérant notamment que son opposition aux accords commerciaux ne parle pas pour l’ensemble des Sahraouis. Qui auraient ainsi, quelque part, donné un consentement «présumé»…
Mécanisme néocolonial
«En ignorant totalement la question de la légalité de la présence continue du Maroc au Sahara occidental, en ne déterminant pas la portée précise des obligations de non reconnaissance et de non assistance et en construisant de toute pièce un régime juridique qui remplace l’exigence d’un consentement explicite, libre et authentique du peuple du Sahara occidental par celle d’un ‘consentement présumé’ fondé sur les termes d’un accord à négocier uniquement entre l’UE et le Maroc, la Cour de Justice a largement vidé de sa substance le droit à l’autodétermination en lui substituant un mécanisme qu’il est difficile de ne pas qualifier de néocolonial», écrit ainsi Éric Dubuisson, du centre de droit international de l’ULB, qui a analysé en profondeur les récents arrêts de la CJUE. Ceux-ci, prévient-il, «laissent ainsi présager de nouveaux recours et procédures, visant les futurs accords qui ne manqueront pas d’être conclus entre l’UE et le Maroc».
Pas sûr que la fameuse nouvelle carte publiée par le Quai d’Orsay soit d’un grand secours en cas de nouvelle bataille juridique sur fond d’autodétermination…